Michel Bakounine

Cela vous a sans doute échappé, mais Julian Assange, la personne qui est à l’origine des fuites de télégrammes diplomatiques qui ont tant perturbé les chancelleries ces derniers mois, ne serait rien d’autre que « Bakounine doté d’un MacBook », selon un article du magazine anglais Prospect. Si vous lisez l’anglais, vous vous rendrez vite compte que l’article est totalement inepte. Par-delà la monomanie dont ce blog est l’expression, pourquoi dès lors en parler? Peut-être parce que ce rapprochement nous fournit des enseignements (accablants) sur la manière dont un journaliste du début du XXIe siècle peut concevoir ce qu’est un anarchiste (et plus largement sur la manière dont bon nombre d’entre eux conçoivent leur métier).

On peut conjecturer que s’est produit dans le cerveau de l’auteur de cet article (peut-être à son insu) un raisonnement de ce type: Assange est accusé par le gouvernement américain d’être un terroriste, or il n’est pas Arabe, donc c’est un anarchiste, espèce dont le représentant le plus connu est Bakounine. Peu importe, bien entendu, qu’Assange ne soit probablement pas anarchiste, peu importe aussi la signification de ce mot, peu importe également ce que les anarchistes ont pu écrire de ce qu’ils pensaient de l’affaire Wikileaks – si on commence à se poser ce genre de questions, il va falloir changer de métier!

Mais Michael Weiss, l’auteur de l’article, ne s’arrête évidemment pas à ce rapprochement, sans quoi il n’aurait pas grand chose à dire, or il faut bien exister. Il doit donc chercher de quoi alimenter le parallèle, et c’est alors, bien entendu, qu’on retombe sur le bêtisier bakouninien déjà bien connu des lecteurs de ce blog: Bakounine comme coauteur du Catéchisme du révolutionnaire (hé oui, encore…), Bakounine justement oublié pour son manque de rigueur théorique et son absence de cohérence politique (parole de spécialiste!), Bakounine prêt à employer n’importe quel moyen pour parvenir à ses fins, etc. etc. Bien entendu, quelques personnes informées (dont Paul McLaughlin) se sont chargées dans les commentaires de l’article de dire tout le bien qu’elles pensaient de ces poncifs alignées comme les perles d’un collier en toc.

Mais après tout, le but de tout cela n’est-il pas de faire du buzz (comme on dit) et d’assurer la promotion personnelle de M. Michael Weiss? Et ce billet n’y a-t-il pas lui-même contribué?

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