Archive pour février 2010

Catéchisme révolutionnaire

catechismeLes éditions de L’Herne viennent de publier, dans leur collection « Carnets » le Catéchisme révolutionnaire de Bakounine.  C’est l’occasion de revenir sur ce texte, sur son contenu, sur les confusions qui l’entourent et sur les circonstances qui ont entouré sa rédaction.

L’édition du texte est accompagnée d’une brève présentation par Alexandre Lacroix, écrivain, rédacteur en chef de Philosophie magazine et directeur de la série « Carnets anticapitalistes » dans laquelle est publié le texte. Le susnommé indique que le texte est daté de 1865 et il mentionne en note qu’il « s’agit d’un texte rare, qui n’a à l’heure actuelle fait l’objet d’aucune édition autonome », avant de préciser toutefois que le « texte rare » en question a été recopié par Max Nettlau dans son monumental Michael Bakunin – Eine Biographie (Londres, 3 volumes, 1896-1900), publié ensuite dans les Cahiers socialistes libertaires (n°6-9, mars-juin 1956) et enfin présenté dans l’anthologie de Daniel Guérin Ni Dieu ni maître éditée chez Maspéro en 1970.

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Thank You, Satan!

blake-satan-and-eveOn connaît la chanson de Léo Ferré, Thank You Satan, dont le groupe Dionysos a donné il y a quelques années une version un peu plus rock and roll. Mais Ferré ne faisait lui-même que mettre en chanson un vieux thème lancé parmi les anarchistes par Proudhon et repris longuement par Bakounine: celui de Satan comme véritable héros de la liberté humaine, figure mythique à opposer à celle d’un Dieu incarnation de l’autorité théologico-politique.

J’ai analysé dans un article de la revue en ligne Astérion la manière dont Carl Schmitt avait repéré cet aspect de la pensée de Bakounine pour donner raison aux théoriciens de la contre-révolution qui voyaient dans la révolution rien moins qu’une créature du malin. Je souhaiterais ici retracer la généalogie de ce thème satanique et montrer comment il se décline chez Bakounine.

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Bakounine dans les Annales allemandes

reaktion-50En 1841, à Leipzig, Bakounine fait la connaissance d’Arnold Ruge. Bakounine, alors âgé de 27 ans, est en Allemagne depuis 1840, date à laquelle il est venu à Berlin pour y parfaire sa culture philosophique. Il prend des cours auprès d’un hégélien de droite, Karl Werder, et, aux côtés d’Engels et de Kierkegaard notamment, commence à suivre les cours de Schelling, qui vient d’être rappelé à Berlin pour y contrer l’influence hégélienne.

Quant à Arnold Ruge, il est depuis plusieurs années installé dans le paysage intellectuel allemand. Il est notamment l’éditeur d’un journal, les Deutsche Jahrbücher für Wissenschaft und Kunst (Annales allemandes pour la science et l’art), qui ont pris la suite des Hallische Jahrbücher (Annales de Halle) interdites par la censure. Les Annales allemandes sont la principale tribune du courant jeune hégélien: dedans, y ont écrit ou y écriront les frères Edgar et Bruno Bauer, Marx, Feuerbach, Ruge lui-même, qui fait cependant davantage figure de publiciste que de théoricien.

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Nouvelle publication d’inédits de Bakounine

berthier62-64René Berthier édite une nouvelle série de textes, partiellement inédits, de Bakounine. Ces textes ont été écrits entre 1862 et 1864 (soit au cours de la première période qui suit le retour en Europe occidentale du révolutionnaire russe après son évasion de Sibérie) et ils portent sur deux sujets principalement: la question slave et l’Europe du nord. Le volume qui les contient est en vente depuis le 3 février. Voici le texte de la quatrième de couverture:

Après huit années de forteresse et cinq années de relégation en Sibérie, Bakounine s’évade dans des conditions rocambolesques, traverse le Pacifique et les Etats-Unis et rejoint Londres où il rencontre Marx. Il avait été arrêté pour sa participation à la révolution de 1848 en Allemagne et en Bohême, condamné à mort par les gouvernements saxon et autrichien et remis aux Russes. Peu après son arrivée à Londres, en 1861, une insurrection éclate en Pologne et il tente de s’y rendre. Il restera sept mois en Suède. Pendant les deux années 1862-1864, il publie de nombreux textes, peu connus, sur la question de l’émancipation nationale des Slaves, mais aussi sur la politique européenne. Ses analyses sur la situation de la Suède sont étonnantes, mais aussi sur la politique intérieure anglaise. Il a été absent de la scène politique pendant douze ans.  A son arrivée à Londres, c’est encore le « quarante-huitard » qui s’exprime, mais on constate à quel point il s’adapte vite. Il n’est pas encore « anarchiste » à cette période, mais ses écrits permettent de percevoir les germes du « socialiste révolutionnaire » – c’est l’expression qu’il revendique – qu’il deviendra après son adhésion à l’Association internationale des travailleurs.

Petite particularité: ce volume est édité à la demande, et il faut le commander sur le site www.lulu.com, qui est un éditeur de e-books. Il vous en coûtera 15 euros, sans compter les frais d’envoi.  Pour ma part, j’en reparlerai lorsque je l’aurai reçu et lu (dans une dizaine de jours).

Le fils de Bakounine

le-fils-de-bakounineJe vais tout de suite vous décevoir, le roman de Sergio Atzeni (1952-1995) intitulé Le fils de Bakounine (publié en 1991 et traduit en 2000 aux éditions La fosse aux ours) ne porte pas sur Bakounine, ni d’ailleurs sur son fils. Le « Bakounine » dont il est question dans le roman, c’est Antoni Saba, cordonnier de son état, qui vit dans un petit village de mineurs en Sardaigne, Guspini. Le surnom de Bakounine lui a été donné parce qu’un soir de beuverie, il a proclamé haut et fort qu’il allait inviter Mikhail Alexandrovitch dans le village pour qu’ensemble ils aillent mettre le feu à l’église. L’anecdote est intéressante, parce qu’elle permet de prendre la mesure de l’importance qu’a pu avoir, à la fin du XIXe siècle, la figure de Bakounine en Italie. Les trois années entières (1864-1867) que passa le révolutionnaire russe dans ce pays ont en effet laissé des traces durables, et les sections italiennes de l’Internationale ont compté parmi celles qui ont le plus soutenu Bakounine au moment de son exclusion de l’AIT.

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Comme tant de personnages intéressants, mais aussi comme l'anarchisme, dont il est considéré à raison comme l'un des fondateurs modernes, le révolutionnaire russe Michel Bakounine (1814-1876) a mauvaise réputation : apôtre de la violence, faible théoricien, radicalement extérieur au champ intellectuel européen, on ne compte plus les griefs qui lui sont adressés.
Toute une partie de ce blog consistera d'abord à corriger cette image, erronée non seulement parce qu'elle consiste à projeter sur la personne de Bakounine les fantasmes construits à propos de l'ensemble du mouvement anarchiste, mais aussi parce que Bakounine n'est pas seulement l'un des premiers théoriciens de l'anarchisme. En consacrant ce blog à Bakounine, nous entendons ainsi présenter toutes les facettes de sa pensée et de sa biographie, depuis les considérations familiales de ses premières années jusqu'aux développements théoriques anarchistes des dernières, en passant par son inscription momentanée dans la gauche hégélienne et par son panslavisme révolutionnaire. Nous nous permettrons également quelques excursus, dans la mesure où ils pourront contribuer à éclairer la biographie et la pensée de notre cher Michka ! Le tout sera fonction des envies, de l'actualité, des réactions de lecteurs, et contiendra autant que possible de la documentation sous forme d'images et de textes.
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