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Un monument à Bakounine : la statue cubo-futuriste de Korolev (1919)

korol2[Comme promis dans un précédent billet, je donne ici la traduction de l’article de John Ellis Bowlt sur le monument érigé à Moscou en 1918-19 par Boris Korolev en l’honneur de Bakounine. L’article a initialement paru en anglais dans la revue Canadian-American Slavic Studies, vol. X, n°4, hiver 1976, p. 577-590. Le numéro de la revue dont est tiré cet article est en grande partie consacré à Bakounine. Pour éviter d’avoir à acheter en ligne chaque article à 25€, on peut se tourner vers le CIRA de Lausanne qui dispose de la revue dans sa bibliothèque. Pour les mêmes raisons, j’ai retraduit l’article depuis la version allemande qui a paru dans Bakunin ? Ein Denkmal !, Berlin, Karin Kramer Verlag, 1996, p. 47-55.]

Un monument à Bakounine : la statue cubo-futuriste de Korolev (1919)

« Les ouvriers et les membres de l’Armée rouge sont décontenancés et indignés lorsqu’ils découvrent que le monument se trouve sur le point d’être dévoilé. »1 Telle fut la réaction du public à la statue de Michel Bakounine qui fut installée en septembre 1919 à Moscou, porte Miasnitski (devenue plus tard rue Kirov). L’auteur de ce monument provocateur était le sculpteur, peintre et architecte Boris Danilovitch Korolev (1884-1963)2, un artiste qui plus tard, en Union Soviétique, fut prisé non pas pour ses sculptures abstraites, mais pour ses bustes et statues expressifs et néanmoins orthodoxes de Lénine. Comme beaucoup de représentants connus du réalisme socialiste – Alexandre Deïneka, Vera Mouchina, Youri Pimenov – Korolev commença sa carrière artistique comme « formaliste ». Jeune homme, Korolev était presque aussi radical dans le domaine de la sculpture que l’était Bakounine dans le champ de la théorie politique. Comment les chemins de l’artiste et du politique se croisèrent-ils ? Cette contribution raconte l’histoire de leur étrange rencontre.

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Colifichets bakouniniens (1) : Boris Korolev et Bakounine

Je commence ici une nouvelle série de billets consacrée à tout un tas de petits objets à l’effigie de Bakounine. Celui-ci n’ayant pas connu un glorieux destin se prêtant au culte de la personnalité, ils sont plus délicats à dénicher que quantité de petits objets portant la fière moustache du petit père des peuples, et il s’agit en général de second degré. Bref, il n’y en a pas un sur cent, et pourtant ils existent, et à mesure que je les croiserai ou les collectionnerai, j’en ferai part ici, en essayant autant que possible, de raconter l’histoire qui leur est attachée. Après tout c’est toujours plus drôle que de rendre compte de tous ces mauvais livres tartinés sur le dos de Mikhail Alexandrovitch.

p1080653resized1Je commencerai par la copie d’un buste (imaginaire) de Bakounine réalisé en 1926 par Boris Danilovitch Korolev. On peut lire ici une courte biographie en anglais de ce sculpteur russe, puis soviétique. Cette copie m’a été ramenée de Russie par Misha Tsovma, que les lecteurs et lectrices de blog connaissent déjà un peu. Réalisé 50 ans après la mort du révolutionnaire russe, dans un style réaliste, ce buste ne lui ressemble pourtant en rien (une simple confrontation avec des photographies de Bakounine suffit à s’en convaincre). On peut penser qu’il s’agit d’une démarche délibérée de la part de l’auteur, dans la mesure où les photographies du révolutionnaire russe ne manquaient pas – l’une des plus célèbres restant celle que réalisa Nadar en 1863 à l’occasion du passage de Bakounine à Paris. Sur la reproduction qui m’a été offerte, on peut lire sur le socle le nom de Bakounine, manuscrit en russe, ainsi qu’une abréviation de son prénom. Lire la suite de cette entrée »

Comme tant de personnages intéressants, mais aussi comme l'anarchisme, dont il est considéré à raison comme l'un des fondateurs modernes, le révolutionnaire russe Michel Bakounine (1814-1876) a mauvaise réputation : apôtre de la violence, faible théoricien, radicalement extérieur au champ intellectuel européen, on ne compte plus les griefs qui lui sont adressés.
Toute une partie de ce blog consistera d'abord à corriger cette image, erronée non seulement parce qu'elle consiste à projeter sur la personne de Bakounine les fantasmes construits à propos de l'ensemble du mouvement anarchiste, mais aussi parce que Bakounine n'est pas seulement l'un des premiers théoriciens de l'anarchisme. En consacrant ce blog à Bakounine, nous entendons ainsi présenter toutes les facettes de sa pensée et de sa biographie, depuis les considérations familiales de ses premières années jusqu'aux développements théoriques anarchistes des dernières, en passant par son inscription momentanée dans la gauche hégélienne et par son panslavisme révolutionnaire. Nous nous permettrons également quelques excursus, dans la mesure où ils pourront contribuer à éclairer la biographie et la pensée de notre cher Michka ! Le tout sera fonction des envies, de l'actualité, des réactions de lecteurs, et contiendra autant que possible de la documentation sous forme d'images et de textes.
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