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L’Espace politique de l’anarchie
A Contretemps n° 33, janvier 2009

Eduardo Colombo est sans conteste l’un des penseurs les plus féconds de l’anarchisme contemporain, ce que prouve amplement la lecture de ces sept essais réunis en volume par les soins de l’Atelier de création libertaire. Déjà anciens, ces textes ont été écrits entre 1985 et 1998 et ont fait l’objet de publication dans diverses revues avant d’être traduits en espagnol et édités, en 2000, par Nordan-Comuninad (Montevideo).
Pour qui s’intéresse à la production théorique plus récente de Colombo – notamment ses vives contributions à ladite « querelle de la postmodernité » en milieu anarchiste –, ces essais ont le mérite d’éclairer – en amont, dira-t-on – l’actuel point de vue de l’auteur sur les limites théoriques d’un postanarchisme aux contours très flous. Ainsi le texte « Valeurs universelles et relativisme culturel », écrit il y a plus de dix ans, mérite d’être lu – ou relu – à la faveur de ce débat. Colombo, pour qui « la position de base de l’anarchisme, du point de vue de la philosophie politique, est un relativisme radical », y met en garde contre la montée en puissance d’ « un relativisme des valeurs », directement porté par des idéologues de droite, mais issu de la postmodernité et entrant, par certains aspects, en résonance avec « la vision du monde cultivée par l’anarchisme au sens large ». Face à cela, Colombo se déclare partisan de resituer l’anarchisme dans le champ de la rationalité historique post-Lumières « postulant des valeurs communes à tous les êtres humains comme fondement d’une société autonome ». Ces valeurs – la liberté, l’égalité, la justice, précise-t-il « ou bien nous les défendons et nous avançons ou bien nous sommes condamnés à les perdre ». Depuis, Colombo n’a cessé de batailler avec constance contre la « pseudomorphose » d’un anarchisme progressivement gagné au relativisme culturel prôné par les postmodernes.
Sur d’autres thématiques, la lecture des essais de Colombo –parfois difficile, convenons-en, mais on n’a rien sans rien –apporte de précieux éclaircissement, historiques et philosophiques, notamment sur la Polis grecque, sur l’ « espace social plébéien » né comme « fracture du "bloc" imaginaire" traditionnel » ouvert par la Révolution française et sur I’ « État comme paradigme du Pouvoir ». Fondées sur un substrat de connaissances impressionnantes et sur une culture réellement encyclopédique, ces analyses conduisent leur auteur à « réfléchir en profondeur et contradictoirement sur les formes institutionnelles d’une future "société anarchiste" », thématique finement abordée dans l’essai « Anarchisme, obligation sociale et devoir d’obéissance ».
Il y a, chez Colombo, un permanent aller et retour entre une écriture précise, fouillée, analytique et une écriture incandescente, portée par le souffle utopique. C’est le cas de cet admirable essai intitulé « Temps révolutionnaire et temps utopique », où planent les ombres tutélaires de Walter Benjamin et de Gus¬tav Landauer et où, faisant irruption dans I’ « épaisseur triste » du continuum historique, la Révolution « se dresse contre l’Histoire » avant que, triomphante, elle ne « se pétrifie en histoire » ou que, vaincue, elle ne tombe « dans le gouffre immense de l’oubli ». Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, nous dit Colombo, elle fut brèche dans le mur du temps.– F. G.