|
|
Parisquat
Barricata n° 21, automne 2008
Jean Berthaut, l’auteur de ce bouquin, a 34 ans. De 1995 à 2000, il a vécu successivement dans des squats parisiens : Charonne, les Nuits bleurs, Jaurès, les Zortos, Arago ou encore Alésia. Dans ce recueil de témoignages et de documents (flyers, tracts, textes internes, articles de presse), il revient sur cette expérience. Le résultat est globalement convaincant à plusieurs titres. D’abord, l’auteur ne feint pas. Il ne s’agit pas d’une énième observation participante par un étudiant en master de sociologie. Ayant vécu pleinement cette aventure, il nous en transmet les aspects les plus sympathiques : apprentissage de la vie en collectivité, enthousiasme de l’ouverture d’un lieu, joie des travaux de plomberie et d’électricité, frisson de la marge et de l’illégalité. Il nous fait également part des limites de l’expérimentation : autogestion souvent illusoire, fatigue et tensions liées au groupe, querelles avec le monde extérieur. Bien retranscrit, même si l’orthographe laisse parfois à désirer, ce document, s’il s’en tenait à décrire la vie dans les lieux occupés, permettrait de démontrer que chez les jeunes, le squat correspond souvent à un rite de passage vers l’âge adulte.
Là où le bât blesse et où je ne peux plus suivre l’auteur, c’est qu’il présente l’ensemble de ces squats comme des lieux politiques d’expression autonome. Or, à l’exception de périodes comme novembre-décembre 1995 (les grandes grèves) et janvier-février 1998 (le mouvement des chômeurs) ou de collectifs comme le Comité anti-expulsions (CAE), rares furent les moments où la majorité des squatteurs s’impliqua sérieusement en politique et cela transparaît dans toutes les interviews. Sur les onze individus interrogés, pourtant âgés d’à peine plus de 30 ans, plus personne ne s’investit aujourd’hui dans les luttes contre les prisons et pour les sans-papiers, qui n’ont pourtant jamais nécessité autant d’énergie. Pire, empreint de mélancolie et de résignation, le livre est souvent exaspérant. Extraits choisis : « Oui,j’ai vécu, j’ai existé [...]. On avait l’impression que tout était possible. » « La lutte ne vaut que si elle est perdue d’avance. » « Quand le monde est en désordre, le sage se tient à l’écart. » Allez, n’en jetons plus, en fermant ce livre à 18 euros, on aura une pensée pour les militants du monde entier qui squattent par nécessité ou par choix politique profond.
P.
|
|
|
|