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Commissaire de choc
Le Monde libertaire n° 1503, du 7 au 13 février 2008

Anarchiste et… commissaire de choc

L’’ATELIER DE CREATION LIBERTAIRE publie les mémoires de Joan Sans Sicart, un anarchiste catalan. Commissaire de choc est un livre de bord précieux pour entrevoir la complexité de la guerre d’Espagne.
L’arrivée du manuscrit de Joan Sans Sicart, en 2006, dans la boîte aux lettres de l’Atelier de création libertaire (ACL) a provoqué la surprise. Les éditeurs militants ne connaissaient pas ce compagnon. L’édition originale de Commissaire de choc, en castillan, leur était inconnue. Et puis, il y avait ce titre un peu pro¬voc qui inspirait d’emblée quelques réticences…

Après avoir lu le texte, les appréhensions sont tombées. « Nous avons immédiatement senti que, derrière ces souvenirs. il y avait plus que l’engagement "militaire" d’un jeune libertaire pour combattre le coup d’État franquiste, souligne. Mimmo Pucciarelli de l’ACL. Il n’y avait pas seulement le militant et le "commissaire politique", mais aussi un homme qui, jusqu’au bout, a sincèrement cru qu’il était possible de vaincre l’ennemi. »
Alors les éditeurs anars sont allés rencontrer Joan Sans Sicart, un homme de quatre-vingt-dix ans qui avait choisi de porter l’uniforme à l’âge de vingt ans pour défendre ses valeurs. À Toulouse, ils sont tombés sur un vieil anar heureux de parler de la Catalogne du début du vingtième siècle, de la vie, de l’espoir, de la solidarité, de l’idéal anarchiste.
« L’âge des survivants républicains de la guerre civile espagnole nous oblige à assumer d’urgence leurs témoignages, d’abord à cause de la stratégie d’occultation et d’oubli que le franquisme a perpétrée contre eux, ensuite parce que la transition n’a pas intégré leur expérience comme partie fondamentale du patrimoine progressiste espagnol », écrivait Manuel Vasquez Montalban dans l’édition espagnole.
« Homme observateur et cultivé, Jean Sans Sicart rend compte des situations avec subtilité, et le lecteur assiste à quelque chose de plus qu’à un déroulement de faits, il assiste à une fine description des conduites individuelles et des attentes de toute une génération, car l’auteur est capable de percevoir les détail : infimes ou importants, offrant ainsi un tableau complet des événements, de la base au sommet », poursuivait Montalban.
Né en mai 1915. Joan était anarchiste et néanmoins sportif. Il fut champion de
Catalogne du huit cents mètres et du quatre cents mètres haies. Proche de la CNT dès l’âge de 15 ans, il se préparait à courir le huit cents mètres aux Olympiades de Barcelone, le 19 juillet 1936, quand deux avions fascistes bombardèrent une caserne de la capitale catalane au petit matin. La veille, des généraux factieux avaient donné le signal d’un coup d’état militaire.
Jeune instituteur, Joan fut volontaire pour combattre la clique du général Franco. Il rejoint la colonne Durruti, combat sur le front d’Aragon et de Catalogne de 36 à 39. Repéré pour ses qualités, il sera rapidement dirigé vers l’école de commissaires de Pins del Vallès qu’il intégra avec cent vingt élèves issus de la CNT et de l’UGT. C’est ainsi que Joan devint le plus jeune commissaire politique de la 121e brigade mixte, puis de la 72e division, avant d’être nommé commissaire rattaché au XVIIIe corps d’armée.
Malgré sa jeunesse. Joan n’était pas un rigolo. Les événements ne poussaient pas non plus à la gaudriole... L’adversité était partout. Joan devait affronter en même temps les fascistes, les sales embrouilles communistes et même certains anars qui refusaient la militarisation des milices. Bien que fermement antimilitariste, Joan avait accepté cette idée parce qu’il l’estimait incontournable pour faire face à une armée professionnelle bien aguerrie. « Il fallait changer si nous voulions gagner cette guerre », assurait-il. Un point de vue qui aurait pu lui coûter la vie...
Avec mille détails sur les lieux, les contextes, les forces en présence. Commissaire de choc est un livre de bord précieux pour comprendre la complexité du minent. Joan raconte continent il a pu reprendre en main des situations désespérées, comment il a œuvré pour infliger des défaites à l’ennemi, com-ment il a dû ruser et gueuler pour s’imposer en tant que jeune anarchiste, comment ses arguments politiques et militaires ont fini par être reconnus, en prime par un général russe et quelques responsables communistes.
Lla fin du livre commente la fin de cette guerre qui était aussi une révolution. On accompagne les vaincus, en février 1939, dans les sinistres camps de concentration d’Argelès, de Saint-Cyprien et de Barcarès où seront parqués les combattants dans des conditions sordides. Même dans les moments pénibles, Joan alliera toujours rigueur et humanité.
Finalement fixé quelques mois dans le Tarn, Joan, fiché comme anarchiste, sera ensuite persécuté par le régime de Vichy. Il rejoindra la Résistance dans le réseau de Saint- Lys-Muret-La Montagne Noire. Après 1945, Joan deviendra comptable à Toulouse. Il participera à la réorganisation de la CNT en exil, participera à de nombreux meetings, rencon-trera Albert Camus et écrira plusieurs ouvrages en espagnol et en catalan.
L’ACL devait sortir Commissaire de choc en octobre dernier. Apprenant que Juan était tombé gravement malade, les compagnons éditeurs ont mis les bouchées doubles pour boucler les épreuves et les envoyer au mourant. Jean s’est éteint le 30 septembre, à 9h45. Il a eu le temps de voir avec émotion le tirage numérique de son livre arrivé à son chevet la veille de son décès.
Salud Joan.
Paco