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Corrida
UNION PACIFISTE, mars 2004
- Corrida
ERNEST CŒURDEROY, chirurgien, poète et anarchiste s’est suicidé en 1862, dans la banlieue de Genève. Né en 1825, il étudiait la médecine lors de la révolution de février 1848, qui vit la chute du roi Louis-Philippe. Déjà actif sur les barricades, il fera son possible pour empêcher le coup d’Etat de Louis-Napoléon en 1851. Face à l’impitoyable répression, il prend le chemin de l’exil. Sauf clandestinement et pour des rai-sons personnelles, il ne reviendra jamais en France. Il est outré de la tiédeur et des ambitions personnelles de ceux qui affirment parler au nom du peuple : il ne faut pas faire confiance à ceux qui prétendent préparer l’avenir ; ils ne songent en réalité qu’au leur.
Pour saluer ce révolutionnaire intègre, l’Atelier de création libertaire, BP 1186, 69202 Lyon Cedex 01, publie une admirable brochure, intitulée Corrida, Madrid 1853 (4 €, en primes : une préface d’Alain Thévenet et une postface d’Yves Bonnardel).
Avec une exemplaire empathie de soignant pour les humains malades et une méthode d’encyclopédiste, il s’indigne de la souffrance des animaux. La corrida est une « tradition » spectaculaire, qui accoutume à la cruauté, à la vue du sang. Elle exalte les passions nocives en les couvrant d’apparat. Le sacrifice des taureaux ressemble trop au patriotique sacrifice des humains... « L’odeur du sang enivre et cette ivresse est folle. Quand un homme arrive à sacrifier un animal sans réflexion, sans remord, il s’accoutume bientôt à faire peu de cas de la vie de son semblable. »
Il cite même Jean-Jacques (Rousseau) : « Homme pitoyable ! Tu commences par tuer l’animal et puis tu le manges, comme pour le faire mourir deux fois. Ce n’est pas assez ; la chair morte te répugne encore, tes entrailles ne peuvent la supporter, il la faut transformer par le feu, la bouillir, la rôtir, l’assaisonner de drogues qui la déguisent ; il te faut des charcutiers, des cuisiniers, des rôtisseurs, des gens de toutes sortes pour t’ôter l’horreur du meurtre et t’habiller des corps morts, afin que le sens du goût trompé par ces déguisements ne rejette point ce qui lui est étranger et savoure avec plaisir des cadavres dont l’eeil même eut peine à supporter l’aspect. »
Coeurderoy exprime clairement cet écœurement face aux pervers traditionalistes. Bouffer de la viande n’est aucunement nécessaire. Le jour où les humains seront objecteurs de conscience aussi dans leur assiette, quand ils cesseront de s’intoxiquer en mangeant de la chair animale, alors une effroyable injustice prendra fin.
Seul celui qui secoue ses chaînes en mesure le poids ! En 1850, la France ingurgitait 20 kg de chair par an et par personne, contre 110 kg en 2000...
Il est temps d’en finir avec cette folle boucherie, dont la corrida reste le symbole le plus criant.
Moris Leau-Déviant
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