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La Cecilia
Avant-propos et introduction

AVANT-PROPOS

 

Ce travail sur la Cecilia constitue la première partie de ma thèse de
doctorat intitulée Les Italiens dans le mouvement anarchiste au Brésil 1890-1920,
présentée en 1994 à l’Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III, sous la
direction de Mario Fusco et Jean-Charles Vegliante. L’essentiel de ma thèse est
consacré à la presse anarchiste en italien publiée au Brésil à la fin du xixe et au
début du xxe siècle. Un passage par la Cecilia était cependant apparu indispensable
étant donné la renommée qu’a connue cette expérience de vie communautaire,
surtout auprès de la génération qui avait vu le film que Jean-Louis Comolli a tourné
sur ce thème en 1976. La Cecilia ne devait cependant représenter qu’une toute
petite partie en préambule de l’histoire de l’anarchisme italien au Brésil. En
réalité cette étude a pris davantage d’ampleur lorsque, de retour d’un
séjour au Brésil, j’ai pu confronter les documents d’archives que j’y
avais recueillis avec la bibliographie existante sur la Cecilia. Les divergences qui me
sont apparues étaient telles qu’il a fallu beaucoup plus que les quelques pages
prévues initialement pour faire le tour du sujet. Le résultat de ce travail est proposé
ici dans une version remaniée, sans l’appareil de notes. On pourra se référer au
texte initial pour les références bibliographiques complètes.

 

INTRODUCTION

 

La colonie Cecilia, expérience de mise en pratique des principes
anarchistes qui a vu le jour au Brésil en 1890 dans l’Etat du Paraná, est
l’aspect le plus connu de l’anarchisme italien au Brésil et sa première
manifestation. Mais beaucoup d’impressions fausses restent dans les esprits, car
l’image de la Cecilia qui transparaît dans les ouvrages ayant rapport à
l’anarchisme ou dans les ouvrages de fiction qui lui sont consacrés doit plus à la
légende qu’à la réalité. Cet ouvrage permet donc de faire la distinction entre la
légende et la réalité et de faire le point, le plus précisément possible en fonction
de la documentation recueillie, sur la façon dont s’est déroulée cette expérience
de communisme anarchiste.

Il est vraisemblable que si la légende ne s’était pas emparée
de l’histoire de la Cecilia, en en transmettant une version détournée de la
vérité, l’expérience communautaire n’aurait pas tant frappé les
imaginations. En effet, malgré la présence de quelques anciens colons de la Cecilia dans
le mouvement anarchiste de São Paulo et dans la presse anarchiste au Brésil, ni la
colonie, ni son fondateur Giovanni Rossi n’ont laissé de traces profondes dans
l’histoire du mouvement ouvrier tant italien que brésilien. Malgré tout, la colonie
Cecilia constitue un épisode très original qui confère sa notoriété à
l’anarchisme italien au Brésil. En revanche, on oublie souvent de rappeler que la
colonie Cecilia est aussi fortement liée à l’histoire de l’émigration
italienne au Brésil car, par bien des aspects, l’expérience des colons de la
Cecilia est très proche de celle des autres émigrants italiens de la fin du xxe siècle.
La Cecilia naît d’ailleurs au moment où la vague d’émigration italienne vers
le Brésil est la plus forte.

Quant au personnage du fondateur de la Cecilia, Giovanni Rossi, dont la
démarche est tout à fait marginale dans le contexte politique italien de l’époque,
il est indissociable de l’histoire de la colonie. Cette histoire l’a
profondément marqué : d’importants changements idéologiques s’opèrent
en lui après la fin de l’expérience. Nous suivrons donc l’anarchiste Rossi
dans son combat pour ce qu’il appelle le socialisme expérimental, qui commence bien
avant la Cecilia. Le combat à mener est d’autant plus rude que Rossi ne trouve
guère de sympathisants à son projet dans les différents courants socialistes qu’il
côtoie jusqu’à son départ en 1890. Nous verrons ensuite minutieusement les
nombreuses péripéties de la Cecilia et les mésaventures de ses colons. Nous pourrons
alors, sur des bases concrètes, dresser un bilan de l’expérience.