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La Cecilia
Le Monde Libertaire n° 1238 du 29 mars au 4 avril 2001
La CeciliaHistoire d’une communauté anarchiste et de son fondateur Giovanni Rossi
Entre 1890 et 1894, s’est déroulée l’expérience la plus connue de la jeune histoire du mouvement libertaire : la construction, la vie d’une communauté anarchiste et enfin son déclin quelque part au Brésil dans l’État de Panata.
Connue sous le nom de la Cecilia, elle doit avant tout son existence à la ténacité de son fondateur : Giovanni Rossi. Ce scientifique italien, militant des idées libertaires dans l’A.I.T., fit la grande affaire de sa vie de cette tentative in vivo, d’appliquer sur le terrain la pertinence des idées révolutionnaires, de prendre appui sur des faits réels et de préparer des données expérimentales d’économie publique et privée, de moralité sociale, etc. et enfin de constituer des centres de travail et de résistance pmur les batailles économiques des classes ouvrières organisées qui militent pour la rédemption (sic) du prolétariat.
Suivant en cela les grandes vagues d’émigration vers le Brésil, c’est vers Porto Alegre que vont se diriger les premiers pionniers en l’attente de familles, toutes volontaires. On se doute que l’entreprise sera extrêmement difficile, mais malgré l’adversité aussi bien de nombreux militants italiens, Malatesta et d’autres reprocheront à Rossi de vouloir priver le mouvement social italien de nombreux militants révolutionnaires, les finances précaires et les compétences pas forcément adaptées au défrichage et à l’agriculture le projet va commencer de tenir la route.
Un quotidien difficile
Mais on ne construit une société humaine qu’avec des hommes. Nul ne pouvant reprocher à un Être humain d’être un Être humain, beaucoup de colons n’étaient pas adaptés à la vie des pionniers ; c’étaient pour la plupart des ouvriers de l’industrie qui, naturellement, ne trouvèrent pas à la colonie les instruments et les matières nécessaires pour travailler avec profit ; certains n’étaient pas habitués à avoir une activité moyenne.
L’histoire ne dit évidemment pas ce qu’entend Rossi par activité moyenne, mais parions qu’à l’époque du Droit à la Paresse, la colonie était loin d’être un pays de cocagne. Mais qu’importe, un monde nouveau est à bâtir. Avec l’aide d’une manière de Bureau d’Émigration, l’État brésilien va aider cette tentative en fournissant des terres et cette communauté va ainsi pouvoir se développer. Aux premières difficultés financières les hommes iront construire des routes afin d’aider à la construction de la Cecilia. Et jusqu’en 1893, ce sont près de trois cents personnes qui passeront. Rossi observera avec sa rigueur de scientifique le développement de cette tentative pour le moins originale. Poussant l’expérience jusqu’au bout, il développera les théories de l’amour libre. L’un des habitants écrira : Ce qui nous tourmente le plus c’est que libre amour n’a pas encore pénétré dans le cœur de nos compagnes, ce qui produit beaucoup d’ennuis à ceux qui sont seuls, et malgré cela personne n’a manqué de respect aux femmes. Nous serions bien aise que quelques femmes convaincues viennent nous rejoindre bientôt.
Ca casse l’ambiance ! Très rapidement, les rapports vont se tendre et la situation sociale du Brésil aidant, la colonie va se dissoudre en 1893. Les terres seront revendues à quelques familles.
Une expérience enrichissante
Au-delà de l’échec de cette nouveauté, nous ne pouvons pas parler de naïveté, même si certaines situations vécues pourraient nous le permettent. On peut simplement se demander si cette tentative d’adapter l’homme aux idées anarchistes n’aurait pas été plus profitable en procédant de manière inverse, c’est à dire de modeler les idées anarchistes aux individus ou aux groupes sociaux. Cette vaine tentative reflète malgré tout la pertinence de nos idées, car tout ne fut pas négatif et l’échec ne tient pas aux idées libertaires mais peut-être au fait qu’elles furent mal appliquées ou mal digérées. Ce maudit communisme anarchiste qui n’a pas fini de nous séduire va bien finir par vivre.
La Cecilia restera avant tout une belle histoire de notre Histoire. Embellie par le temps et mise en scène au cinéma par Jean-Louis Comoli en 1976 (il ne subsiste plus de copie en bon état ou complète) elle tient plus à la légende qu’à la peine qu’on du subir ces bâtisseurs d’utopie.
Livre bien nécessaire que celui-là...
Jean-Pierre Gault
Le Monde Libertaire n° 1238 du 29 mars au 4 avril 2001
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