L’Illustration à Amiens 18 mars 1905
N° 3238
18 MARS 1905
La bande d’Abbeville
Depuis le 8 mars, les débats d’un procès sensationnel se déroulent devant la cour d’assises de la Somme, procès important par la qualité des accusés et le nombre des crimes qui leur sont reprochés.
De 1900 a 1903, dans toutes les grandes villes de France – châteaux, villas, églises, des cambriolages audacieux furent commis, dont on ne pouvait surprendre les auteurs. Le 22 avril, à la suite d’un vol qualifié à Abbeville, de l’assassinat d’un agent et d’une tentative de meurtre sur un brigadier de police, le chef d’une association de malfaiteurs et ses deux lieutenants tombaient entre les mains de la police. C’était la découverte de la bande qui ne comprenait pas moins d’une quarantaine d’affiliés. Vingt neuf purent être connus ; vingt trois sont sur les bancs de la cour d’assises, les autres ayant pris la fuite.
La bande possédait des outils de cambriolage d’une perfection inconnue jusqu’à ce jour. Telle trousse qui figure parmi les pièces à conviction, dont chaque instrument s’emboîte dans une unique poignée, fut estimée à 10000 francs ; un levier est d’une force de 2500 kilos.
Parmi les hauts faits de la bande, il faut signaler le vol à la cathédrale de Tours, de tapisseries du dix-septième siècle d’une valeur de 200000 francs. Chez un bijoutier, rue Quincampoix, à Paris, après avoir perforé un plafond, trois accusés s’introduisirent en plein jour, un dimanche, et emportèrent pour 130000 francs de bijoux et de valeurs.
Jacob, le chef de l’association, n’a pas avoué, à l’instruction, moins de 150 cambriolages et plusieurs incendies volontaires. A dix huit ans, il était condamné pour fabrication d’explosifs ; à vingt ans, s’étant fait passer pour un commissaire de police, il opérait une prétendue perquisition, à Toulon, chez un commissionnaire au mont-de-Piété et se faisait remettre par lui de nombreux bijoux et titres. Il a à peine vingt quatre ans.
Son attitude, à l’audience, est extraordinaire. Il raille, il bafoue ses victimes dont la richesse, dit-il, est insulte permanente à la misère. Le président ne peut le retenir. Il part à tout moment en récriminations contre la société, se répand en bavardage de club révolutionnaire, proclamant qu’il avait le droit d’exercer les « reprises» qu’on lui reproche comme vols. C’est un type peu banal, malfaisant, dangereux mais curieux. Il ironise, plaisante, parfois pas sottement, cynique, jamais à court de reparties et toujours parfaitement indifférent, semble-t-il, aux conséquences de ses actes, quelles qu’elles soient ; enfin un bandit de la nouvelle école, par certains côtés intéressant a étudier.
Ferrand, qui n’est pas plus âgé que Jacob, a reconnu, au cours des différentes audiences, être l’auteur d’une soixantaine de cambriolages.
Bour qui a tué, près d’Abbeville, un agent; Pelissard, Serré, Vaillant, ont une attitude cynique. Tous les accusés étaient, du reste, solidement armés et ils n’ont du de s’échapper souvent qu’en faisant feu sur ceux qui, les ayant surpris, les poursuivaient.
NB : Le lecteur aura rectifié de lui-même les erreurs sur les noms des Travailleurs de la Nuit. De la même manière, nous pouvons remarquer que cette feuille à grand tirage se trompe sur les visages des principaux accusés. Il n’en demeure pas moins que c’est une fois encore l’idée d’insécurité galopante qui se dégage de cet article, somme toute assez conventionnel, bien qu’il cherche à souligner l’aspect extraordinaire et des vols commis et de la personnalité du chef de bande Jacob. C’est peut-être aussi pour cela qu’à aucun moment cet article ne souligne l’anarchisme des accusés. Au mieux pouvons nous retenir des « bavardages de club révolutionnaire » !!!
Tags: Amiens, anarchiste, bande d'Abbeville, Bour, Ferrand, Ferré, insécurité, Jacob, L'Illustration, Pélissard, procès, Vaillant, vol
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