Visions des îles du Salut
Anciennement nommées îles du Diable, du fait notamment des forts vents contraires obligeant les navires pris dedans à effectuer un long détour pour pouvoir retrouver leur trajet initial, les îles du Salut tirent leur nom de l’expédition guyanaise ordonnée par Choiseul en 1762. C’est là que viennent trouver refuge les colons survivants avant de regagner l’Europe le plus vite possible. 7000 personnes moururent rapidement de famine et d’épidémie. Cet archipel de trois petites îles (environ 69 ha) possède en effet un climat plus propice à l’installation humaine. C’est alors une léproserie avant de devenir à la fin du XIXe siècle la prison de haute sécurité de la colonie pénitentiaire. Les îles du Salut accueillent environ un millier de forçats. C’est un des bagnes les plus importants de la Guyane d’où l’évasion semble presque impossible. Les courants et les requins constituent en effet des auxiliaires précieux de la surveillance. Situé à 15 km environ de l’embouchure du Kourou, l’archipel accueille les détenus les plus durs (sur l’île Royale) mais aussi les détenus politiques (sur l’île du Diable depuis 1895) et les réclusionnaires condamnés par le Tribunal Maritime Spécial de Saint Laurent de Maroni (sur l’île Saint Joseph depuis 1899). Nombreux sont alors les témoignages soulignant la dichotomie existant entre la beauté du lieu et son affectation. C’est là qu’Alexandre Jacob, matricule 34777, expie ses fautes de janvier 1906 à septembre 1925. Florilège
René Belbenoit, Les compagnons de la Belle, Les Editions de la France, Paris 1938, p.138 : Du large, on pourrait les prendre pour un paradis terrestre mais, en réalité, ce sont bien des îles d’enfer.
Antoine Mesclon, Comment j’ai subi quinze ans de bagne ?, Les Editions Sociales, 1926, p.40 : Les îles du salut (…) m’apparurent vues du large comme de merveilleux paniers de verdure flottant sur la mer mais, en réalité, ce sont bien des îles d’enfer.
Paul Rousseng, L’enfer du bagne, Pucheu, 1957, p.17 : Il nous fut permis de contempler alors un spectacle inoubliable. Devant nous, à quelques centaines de mètres, les îles du Salut flamboyaient sous les rayons d’un soleil caniculaire. Des milliers de cocotiers, aux fûts élancés, dressaient vers un ciel de feu leur panache vert balancé par le vent du large. Une foule de constructions émergeaient de toute cette verdure, et l’ensemble de ce paysage exotique était fait pour le plaisir des yeux. Cette première impression du bagne était loin d’être dantesque.
Eugène Dieudonné, La vie des forçats, Gallimard, 1930p.93 : Vues de la mer, les îles du salut apparaissent comme des îles enchantées. (…) A peine le pied à terre, on ne voit plus les cocotiers, ni les manguiers, ni le bleu sans tâche du ciel si pur. On ne voit que le bagne.
Jean Normand, Les mystère du bagne, p.47 : De près ces trois blocs de pierre entourés par la mer ont un aspect désolé.
Péans Charles, Conquête en terre de bagne, Altis, 1948, p.77 : Je contemple émerveillé, ce charmant bouquet de verdure d’où émergent quelques toits d’un rouge vif. (…) L’administration pénitentiaire y a installé trois pénitenciers, un sur chaque île, avec une population pénale d’un millier de personnes.
Albert Londres, Au bagne, collection 10/18, 1975, p.82 : A vue d’œil, c’est ravissant. (…) Décor pour femmes élégantes et leurs ombrelles ! Les îles sont la terreur des forçats
Mireille Maroger, Bagne, Denoël, 1937, p.126 : C’est dans le rayonnement d’un coucher de soleil que les îles du Salut nous sont apparues. A quelques miles de Cayenne, trois petits îlots verdoyants, couverts de fleurs et de larges palmiers dont le feuillage immobile frissonne à peine, au souffle du grand large, forment cet archipel tristement célèbre
Alexis Danan, Cayenne, Fayard, 1934, p.119 : L’île Royale, qui pourrait être, verte et rose sous le soleil, une île méditerranéenne, les cocotiers en plus, ne répond pas du tout, quand on la découvre pour la première fois dans les brumes dorées du matin, à l’idée qu’on pouvait se faire d’une terre de pénitence. L’île du Diable, plus sombre, et l’île Sainht Joseph, plus aride (…) ont quelque chose de rébarbatif qu’elles doivent sans doute à l’absence de vie animée autour de leurs cases et de leurs blockhaus. Au lieu que la Royale, on s’excuse pour l’épithète, est riante avec son débarcadère qui bouge, ses corvées en pyjamas roses le longs des sentiers, ses terrasses léchées par le soleil, ses jardins étagées, ses roches rougeâtres où s’accrochent des chèvres et des forçats pacifiquement occupés à fouiller la mer de leur gaule. On y serait à cent lieu du bagne, en vérité, si le regard n’était tout à coup sollicité par cette dure vision du temps des galères.
Auguste Liard-Courtois, Souvenirs du bagne, éditions Les Passés Simples, 2005 p.118 : Par l’étroite et ronde ouverture où j’étais parvenu à m’accrocher, non sans peine, j’aperçus l’ensemble des îles du Salut qui m’apparurent comme un riant bouquet de verdure. Et j’imaginai qu’il ferait bon vivre là … en liberté. Je devais revenir bientôt de cette première et favorable impression.
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