Jacob et les hommes de robe
Le principal accusé du procès de la « bande sinistre » ne manque pas d’égratigner dans ses déclarations et réparties cinglantes les gens de justice. Car ils sont, à ses yeux, des garants de cet ordre bourgeois honnis. N’a-t-il pas écrit sur un billet négligemment laissé dans la demeure du juge Hulot au Mans, le 9 juin 1901 : « Au juge de paix, nous déclarons la guerre ». Le message est signé Attila. A Amiens, Jacob assume pleinement ses actes. La déclaration qu’il fait sur les magistrats est la deuxième qu’il arrive à placer lors des débats de la cour d’assises.
Procès d’Amiens
1e audience
8 mars 1905
Le président s’adressant au principal accusé lui dit :
– Jacob, levez-vous !
L’accusé – Non Monsieur !
– Découvrez-vous alors !
Vous êtes bien couvert, vous, répondit Jacob qui garde son chapeau sur la tête
9 mars 1905
Vol à Liège
Une déclaration de Jacob .
II a à placer une nouvelle déclaration. M. le président veut remettre celle-ci à plus tard, mais Jacob insiste:
« Malgré les progrès réalises, dit-il, l’homme est toujours un loup pour l’homme. Il s’arroge le droit de juger les hommes. Mais il ne met sa justice qu’au service des riches contre les pauvres. Il y a un siècle, les pénalités étaient atroces et cependant il n’y avait pas moins de crimes que maintenant. Au contraire. Donc, ce n’est pas en punissant qu’on empêche la perpétration des crimes. Le magistrat ne punit que pour défendre ses sinécures. »
Les magistrats ne peuvent subsister que dans une société corrompue. Jacob regrette de n’en avoir pas dévalisé davantage.
4e audience
11 mars 1905
– Vos réflexions sont insolentes, dit M. le procureur général.
– Insolentes, réplique Jacob, c’est tout ce que vous trouvez pour excuser votre conduite !
13 mars 1905
Jacob – Monsieur le président, vous faites erreur. Pour envoyer des gens à l’échafaud ou au bagne, vous êtes compétents. Je n’en disconviens pas ; mais en matière de cambriolage, vous n’entendez rien. Vous ne m’apprendrez pas mon métier.
Jacob – Monsieur le Président, vous avez oublié dans votre énumération le vol commis à Cholet. C’est nous qui l’avons commis et il y a deux innocents qui ont été condamnés pour ce Fait. La voilà votre justice !
Lazarine Roux, hors d’elle, lance des paroles que l’on comprend mal et qui amène le Président à lui dire : « Vous avez quinze ans de plus que Jacob ». Jacob de nouveau bondit de sa place : « Et quand vous prenez des petites filles de quatorze ans, vous. On les connaît les mœurs des magistrats ! «
Amiens, le 14 mars 1905
Le procureur général près la cour d’appel d’Amiens à M. le Gardes des Sceaux
(…) La cour y faisant droit a rendu un arrêt ordonnant l’expulsion des accusés Jacob, Bour, Pélissard, Sautarel, Baudy, Clarenson, Ferré, Vaillant pour toute la durée de la session.
Dès les premiers jours , l’accusé Jacob a manifesté une insolence que M. le Président des assises, dans l’intérêt de la liberté de la défense, a bien voulu ne pas réprimer. Au-jourd’hui elle a dépassé toutes les limites et j’ai été de la part de ce bandit l’objet des plus gra-ves insultes. Au moment où l’incident s’est produit, Jacob donnant le signal, a poussé des cris répétés de « Vive l’anarchie ! » que ses co-accusés ont entonné avec lui sur l’air des lampions. (…)
Sources :
– Archives de la préfecture de police de Paris, EA/89, dossier de presse « Les bandits sinistres »
– Archives Nationales, BB18 2261A, dossier 2069A 03
Tags: accusation, Amiens, anarchiste, avocat, cour d'assises, déclaration, Jacob, juge, magistrat, procès, procureur, répartie, tribunal
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