Le héros du jour


le brigadier Anquier, héros de carte postaleLe brigadier Anquier (et non Auquier) n’a croisé la route d’Alexandre Jacob qu’une seule fois. Et la rencontre fut brève. Elle fut violente et sanglante. Mortelle aussi. 22 avril 1903. Gare de Pont Rémy. 6 heures du matin. Auquier et l’agent Pruvost descendent du premier train. L’appel téléphonique du sieur Leleu, la veille au soir, les a mis sur la piste des « voleurs d’Abbeville », ceux-là même qui ont tenté de cambrioler la demeure de Mme Tilloloy. Mais les trois hommes interpellés ne se laissent pas faire. Le revolver de Félix Bour refroidit irrémédiablement le collègue d’Anquier qui n’est que blessé par les balles de Jacob Il est alors le seul survivant de ce que les indigènes du cru nomment encore aujourd’hui « l’affaire d’Abbeville ». La presse nationale parle elle du « drame de Pont Rémy ». Dans les deux cas, nous sommes en présence d’une illustration probante d’un sentiment d’insécurité savamment entretenu à la fin du XIXe siècle et il apparaît normal qu’Anquier deviennent deux plus tard une sorte de héros du jour  ayant accompli, selon les termes du président Wehekind de la cour d’assises d’Amiens le 14 mars 1905, un devoir social. Lui et feu son collègue Pruvost deviennt alors des « victimes du devoir noblement tombés au champ d’honneur dans l’accomplissement de leur mission » pour l’Abbevillois en date du 24 avril 1903, soit deux jours après la fatale rencontre. Vu de l’autre côté, comme Jacob l’affirme ironiquement à propos de l’agent Couillot sur qui il avait tiré à Orléans en 1901, Anquier a bien mérité de la patrie et du capital. Pour l’illégaliste, dont la version est corroborée par les deux autres textes qui suivent, le « héros » Anquier n’est ainsi qu’un adversaire cette guerre sociale, de cette entreprise de démolition publique et anarchiste qu’il a entamée avec les Travailleurs de la Nuit. Une guerre qui, le 22 mars 1905, l’envoie au bagne.

la gare de Pont RémyAlexandre Jacob

Souvenirs d’un révolté

Dernier chapitre : mon arrestation

Au moment où je m’approchai du guichet, deux hommes entrèrent précipitamment. Soudain, sans aucune explication préalable, le brigadier Auquier (car c’était lui, accom­pagné de l’agent Pruvost), d’une voix glapissante qui, en toute autre circonstance, aurait illustré un acteur, s’écria :

– Les voila ! les voleurs de la place Saint-Pierre ! Les voila ! les voleurs de l’ église Saint -Jacques! Les voila! les voleurs de monsieur de La Rivière !

Ces trois exclamations furent dites à l’affilée, sans interruption. Je crois même pouvoir ajouter sans respiration, car sa figure devint rouge comme un soubassement d’abattoir. Vraiment! ce pauvre homme manquait de tact et de prudence ! Croyait-il nous clouer sur place avec des phrases? Pécaïre !

    – A qui parlez-vous ? lui dis-je avec hauteur, en le regardant durement. Serait-ce à nous, par hasard?

    – Oui, oui, oui ; à vous, oui, me dit-il presque en aboyant, tant il mit d’acharnement dans sa réponse. Avancez par ici, ajouta-t-il en nous précédant dans le bureau du chef de gare. Nous allons nous expliquer.

La soudaineté de l’attaque avait été telle que nous nous trouvâmes tous trois dans le bureau sans savoir au juste comment et pourquoi nous y étions venus. Mais, pour moi, cette surprise ne fut pas de longue durée. Avec la rapidité avec laquelle la pen­sée discerne les choses dans les moments critiques, je compris toute la gravite de notre situation et résolus de tenter un grand coup. Deux moyens étaient à ma portée : la ruse et la violence. J’essayai du premier avant d’avoir recours à l’autre.

– Ecoutez, mon brave, dis-je à Auquier d’un air bonasse. Vous faites fausse route ; croyez-moi. Nous ne sommes pas des cambrioleurs, mais des contrebandiers. Or nous n’avons pas de marchandises ; par conséquent pas de flagrant délit … Aussi allez-vous nous faire le plaisir de nous laisser tranquilles, n’ est-ce pas ?

II demeura indécis durant quelques secondes, puis :

– Nous allons vous fouiller. Nous verrons ensuite.

Et, voulant joindre le geste aux paroles, il fit mine de porter ses mains sur moi. Les paroles devenaient inutiles. II fallait passer aux actes. Je fis deux pas en arrière, et le revolver d’une main, le poignard de l’autre, je m’écriai :

– Laissez-nous passer, tonnerre de Dieu ! ou je fais feu.

– Quoi ! des armes ! s’écrièrent avec terreur Pruvost et Auquier.

– Oui, des armes. .. Et après ?

A ces mots, la lutte commença. Elle dura peu, mais elle fut acharnée. Brutalement, Pruvost se jeta sur Pélissard, en le saisissant par-derrière,  à bras-le-corps. Ainsi enlacé, Pélissard se trouvait dans une bien mauvaise posture; et quoiqu’il soit doué d’une assez grande force musculaire, il n’aurait certainement pas eu le dessus si Bour ne fut venu à son secours. Ce dernier, voyant le danger que courait son camarade, n’hésita pas à faire feu sur l’agent qui, atteint en plein coeur, lâcha Pélissard, et s’affaissa à terre, sur les genoux, en murmurant :

– Je suis mort !

Aussitôt dégagé, Pélissard montra la supériorité de ses jarrets en prenant la fuite, sans s’occuper de ses compagnons.

Auquier, lui, s’avança vers moi, en cherchant à m’empoigner le bras afin de me dés­armer ; mais je le fis lâcher aussitôt en le piquant à la hanche gauche avec mon poi­gnard. Au même instant, Nacavant, Nacavant le garde sémaphore, le même qui quelques minutes avant nous avait serré la main, voulant se montrer ce qu’en langage civique on appelle un citoyen dévoué, vint prêter main-forte aux agents. Entre sur le lieu de la scène par la porte qui donne accès sur le quai de la voie, il me prit brutale­ment par-derrière et m’envoya bouler au fond de la pièce. La surprise de l’attaque et la brutalité avec laquelle je fus poussé me firent étaler sur le plancher, de tout mon long. Naturellement je voulus me relever aussitôt; mais Auquier et Nacavant y mirent obsta­cle. Ils se précipitèrent furieusement sur moi : l’un me tenant Ie bras gauche à hauteur du poignet et m’appuyant fortement ses genoux dans le dos afin de me maintenir courbé en deux, les genoux à terre ; l’autre me tenant le bras droit en faisant tous ses efforts pour m’arracher le revolver de la main. Ainsi tenu, ma position était des plus cri­tiques. A un moment, le canon de mon arme se trouva braqué sur ma poitrine dans la région du coeur. Et c’est vraiment un miracle que le coup ne soit pas parti sous la pres­sion des mouvements que les contractions nerveuses faisaient subir à mes doigts. Pendant quelques secondes, je demeurai ainsi entre la vie et la mort. Heureusement pour moi, Bour vint me tirer d’embarras. Dès qu’il eut dégagé Pélissard, il s’avança dans le fond de la pièce, en mettant en joue Nacavant.

– Grâce ! Grâce ! s’écria le citoyen dévoué avec terreur.

Puis, me lâchant aussitôt, il se réfugia dans le cabinet du chef de gare. Un autre employé de la gare, Ruffier, l’imita dans sa retraite. Bour, n’apercevant plus Pélissard qu’il venait de dégager, prit à son tour la fuite.

Je demeurai seul aux prises avec Auquier. A l’instant précis où Nacavant me lâcha, un coup de feu partit de mon revolver; il n’atteignit personne. Au bruit de la détonation, soit qu’il eut voulu s’assurer s’il était atteint, soit encore pour tout autre motif, Auquier me lâcha aussi. Mais avant que j’eusse eu le temps de me lever complètement, il m’em­poigna de nouveau. Rapidement, je lui fis un croc-en-jambe, et il tomba sur le plancher. Mais il me tenait si fortement qu’il m’entraîna dans sa chute. Nous ne restâmes pas longtemps à terre. L’un et l’autre fumes lestement debout. Par un heureux hasard, il réussit à me neutraliser les bras. Et ainsi aux prises, moi en me débattant, lui en me tenant, nous nous dirigeâmes vers la salle des pas perdus. En arrivant sur le seuil de la porte qui donne accès de cette salle dans celle où nous nous trouvions, Pruvost, qui était affalé à terre, nous barrant le passage pour ainsi dire, se leva brusquement sur ses genoux, comme mu par un puissant ressort et s’accrocha désespérément à mes jambes. Sur le coup, je perdis l’équilibre et tombai à la renverse, sur Pruvost, entraînant Auquier dans ma chute. Nous .roulâmes ainsi, accroché l’un à l’autre, formant une grappe humaine, jusque dans la salle des pas perdus.

Ignorant que Pruvost ne pouvait plus me nuire à cause de la gravite de sa blessure, je lui portai plusieurs coups de poignard pour le faire lâcher. Puis, je tirai un coup de revolver sur Auquier, sans l’atteindre ; par ricochet, la balle alla se loger dans l’aine de Pruvost. Tout comme pour mon premier coup, le bruit de la détonation fit encore lâcher prise à Auquier. Je me redressai vivement. Mais lui, toujours veinard, eut le temps de me ressaisir les poignets, en prenant soin de se tenir derrière moi, comme une croix derrière un christ. Sa position était des plus avantageuses ; et s’il avait été plus vigoureux, il n’est pas douteux qu’il m’eut empêché de fuir. A ce moment, j’ignorais que Pélissard et Bour eussent pris la fuite. En voyant le danger de ma position, je les appelai à mon aide. Comme l’on s’en doute, mes appels demeurèrent vains.

Alors, me sachant seul, et me sentant perdu, pour ainsi dire, je rassemblai toutes mes forces et dans un suprême effort je me précipitai en arrière, aplatissant ainsi mon anta­goniste contre la cloison du cabinet du chef de gare. Les vitres, la boiserie et la cloison de briques en tremblèrent. Cette manœuvre me réussit. II était temps! J’étais littéralement extenué. Apres avoir lâché un «ouf!» occasionné par la pression produite sur son ventre, le brigadier de police laissa aller mes bras. Presque aussitôt, comme s’il eut regretté sa faiblesse, il fit mine de revenir sur moi. Sans lui laisser le temps d’accomplir son intention, je le mis en joue avec mon revolver. Ce geste l’arrêta net. II se fit un bouclier de son bras, se couvrant ainsi la figure, attendant le coup. Je fis feu. II s’affaissa en  pirouettant sur lui-même.

Dès lors, je fus libre de mes mouvements. Immédiatement j’allai sur le seuil de la grande porte de la salle des pas perdus. J’eus beau regarder à droite, à gauche, devant, derrière, je n’aperçus ni Bour, ni Pélissard. Le moment n’étant pas aux rêveries ni aux conjectures, je m’empressai de quitter le théâtre de la lutte.

la gare de POnt RémyAmiens, 23 avril 1903

Procureur général Régnault à Garde des Sceaux

Le brigadier de police Auquier et l’agent Pruvost se rendirent par chemin de fer à Pont Rémy où ils arrivèrent à six heures du matin. A la gare, ils trouvèrent ces trois malfaiteurs se disposant à prendre le train pour Boulogne.

Les agents de police les firent entrer dans les bureaux du chef de gare pour les interroger. Dès le début de l’interrogatoire sur la tentative de vol commise à Abbeville, l’un des malfaiteurs prit la fuite, suivi par l’agent Pruvost. Dans la salle des pas perdus, l’agent Pruvost reçut du fuyard deux coup de revolver dans l’abdomen puis deux coups de poignard entre les épaules. La mort fut presque instantanée.

Les deux autres malfaiteurs, armés d’un revolver et d’un poignard, furent saisis par le brigadier Auquier et un employé de gare.

Dans la lutte, Auquier reçut un coup de revolver dans l’abdomen, qui produisit une blessure, puis deux coups de poignard, l’un dans la région du cœur et l’autre au bras gauche. Aucune de ces blessures ne mit la victime en danger.

la gare de Pont RémyDossier de presse « la bande sinistre et leurs exploits »

Procès d’Amiens

6e audience, 14 mars 1905

Un mouvement se produit dans la salle quand huissier appelle le nom du brigadier ­Auquier.

Le drame de Pont Remy

Déposition du brigadier Auquier

Le brigadier Auquier dépose. Il va entrer dans tous les détails dont il se souvient, préciser les circonstances du drame de Pont Remy et assigner à chacun des acteurs, victimes et assassins, la place qu’il occupa au cours de la courte lutte qui s’engagea.

II fut prévenu par M. Leleu que des cambrioleurs avaient pénétré dans la maison de Mme Tilloloy. Il téléphona au poste d’octroi pour avoir des renseignements. On ne lui répondit pas. Il essaya de faire prévenir la gendarmerie de Pont Remy mais ne le put.

Le commissaire de service songea donc à envoyer des agents à Pont Remy où l’on pensait que devaient s’être enfuis les trois cambrioleurs. Le brigadier Auquier demanda à y aller avec son collègue Pruvost.

A ce moment de sa déposition et à ce nom prononcé, le brigadier Auquier, très ému s’arrête. Des larmes perlent à ses yeux.

– Je vous demande pardon, dit-il. Un drame devait se passer. Rien qu’en y pensant

Le brigadier poursuit.

II part avec Pruvost.

Le brigadier Auquier explique qu’à sa descente du train il vint jeter un coup d’œil dans la salle des pas perdus de la gare et ne vit rien d’anormal. Retour sur le quai ; nouveau regard inquisiteur dans la cour de la gare et sur la route par-dessus les barrières.

Les trois cambrioleurs arrivent à la gare. Le brigadier Auquier les aperçoit par la porte d’accès de la salle des pas perdus sur le quai. Il vient se dissimuler derrière une des colonnes qui soutiennent la marquise de la gare et envoie au-devant d’eux l’agent qui est en civil, tan­dis que lui est en uniforme.

Dès que Jacob, Bour et Pélissard sont près du guichet des billets, le brigadier Auquier entre précipitamment dans la salle des pas perdus et brusquement ouvre la porte de cette salle et celle de la distribution des billets.

– Pardon, messieurs, fait-il, j’ai quelques explications à vous demander.

Les cambrioleurs, avant qu’ils aient eu le temps de se reconnaître, sont poussés par lui et l’agent Pruvost dans la salle des billets. Alors commencent les explications.

Les cambrioleurs se défendent d’être les auteurs du commencement du vol chez Mme Tilloloy. Ils disent qu’ils sont de malheureux contrebandiers.

Voici le moment pathétique. II a été signifié aux cambrioleurs qu’on va les fouiller. Ceux-ci sont sur une ligne partant de la fenêtre qui donne sur la cour et aboutissant à la porte qui donne accès sur le quai. Bour est près de la fenêtre ; il a en face de lui M. Nacavant. Pélissard est au milieu, le dos au guichet des billets ; il a en face de lui l’agent Pruvost. Jacob est proche de la porte et près de l’autre porte par laquelle on pénètre dans la salle des pas perdus. M. Ruffier est derrière ce dernier groupe, presque adossé à un coffre-fort et près de la porte qui donne accès dans le bureau du chef de gare.

On va fouiller les cambrioleurs. Ceux-ci se défendent et cherchent à se sauver. La lutte s’engage.

M. Nacavant renverse Bour qui sort un revolver.

L’agent Pruvost prend les deux bras armés, l’un d’un poignard, l’autre d’un revolver, de Pélissard et s’efforce en se baissant, en se mettant presque à genoux, à courber celui-ci. Il y parvient presque, mais c’est sa perte. Comme il lutte presque face à face avec son adversaire, celui-ci ayant le bras droit baissé, presse sur la gâchette de son arme, et la balle va atteindre le malheureux agent dans le flanc.

Le brigadier Auquier a pris Jacob par derrière. Il s’efforce, au contraire, à lever les bras de son adversaire et tente de le désarmer. Il reçoit un coup de poignard.

Aux coups de revolver tirés, c’est la panique. Les employés de la gare s’enfuient. Lâché, Bour parvient à sortir en même temps que Pélissard, suivi par l’agent Pruvost. Celui-ci, sans lâcher prise, vient s’abattre devant la bascule, face contre terre, légèrement sur le côté gauche.

Jacob parvient à échapper à l’étreinte du brigadier Auquier et prend également la fuite. Il vient butter contre le corps de Pruvost, se retourne et décharge son arme sur le brigadier qui l’a rejoint. Le brigadier Auquier, atteint au ventre, rentre tout courbé, les jambes ayant fléchi, dans la salle des billets.

L’agent Pruvost se traîne jusque sous le guichet des billets, où on ramasse son cadavre.

Les cambrioleurs ont fui, Bour et Pélissard ensemble, Jacob seul, dans des directions opposées.

Le brigadier Auquier n’a pu se rendre compte de qui Léonard Pruvost a reçu un coup de revolver. Il termine en pleurant sa déposition.

Le président le félicite chaleureusement des preuves de décision et de courage qu’il a données en cette circonstance. « Vous avez rempli, dit-il, un devoir social, et de vous et de votre camarade Pruvost, malheureuse victime, la ville d’Abbeville peut être fière.» On applaudit dans la salle. MM. Ruffier et Nacavant sont entendus sur la scène meurtrière de Pont Remy. M. Mas, cantonnier, a vu un des individus qui s’enfuyait et qui lui dit: «Ne donnez pas mon signalement. Je suis poursuivi par la régie. »

Arrive à la gare de Pont Rémy, il apprit que l’individu qu’il venait de voir avait participé à un meurtre. M. le procureur le prit dans son automobile et ils partirent ensemble avec un brigadier de gendarmerie. Ils arrêtèrent Jacob dans la journée.

M. le docteur Douriez Henri, médecin à Abbeville, a été commis par le parquet pour examiner le brigadier Auquier. II fait part aux jurés des constatations qu’il a faites. Il indique que la balle déviant, la blessure ne fut heureusement pas grave.

 la gare de Pont Rémygare de Pont Rémy, les quaisen face de la gare de Pont Rémy, l\'auberge où se restaurèrent Bour, Pélissard et Jacob

manchette de L\'AbbevilloisL’Abbevillois

24 avril 1903

Cambriolage et meurtre

Une nuit tragique

Les victimes

Tout le monde apprécie et estime à Abbeville le brigadier Anquier qui fait partie de notre police municipale depuis 25 ans et s’est toujours acquitté de sa mission avec le zèle le plus louable. Entrevoyant la possibilité de capturer enfin quelques-uns des bandits qui terrorisent en ce moment la région, le brigadier estima qu’il était de son devoir  de se lancer immédiatement à leur poursuite et risqua ainsi sa vie.

Il reçut un coup de couteau dans la cuisse et une balle dans le ventre qui ricocha heureusement sur une côte ce qui l’empêcha d’être mortelle. La première blessure ne présente pas de gravité ; quant à la balle, elle a pu être extraite assez facilement par le docteur Delamotte.

L’état du brigadier Anquier, soigné à Pont Rémy, en face de la gare, chez Monsieur Blondin, hôtel du chemin de fer, est aussi satisfaisant que possible.

Voici ses états de service :

Anquier Joseph Irénée est né le 5 avril 1851 à Ochancourt. Il fut nommé agent en 1877 et reçut les galons de brigadier en 1895.

Monsieur Anquier est marié et père de deux enfants. On sait que Madame Anquier est concierge du théâtre.

Le brigadier s’était déjà distingué dans l’arrestation difficile d’un malfaiteur et avait obtenu pour ce fait une médaille d’honneur le 19 novembre 1889.

L’agent Pruvost Léonard Antoine Désiré, né à 1859 à Ramburelles, était agent depuis 1893. Courageux et zélé, il avait su en ces dix années se concilier la sympathie de la population et l’estime de ses chefs. La mort du malheureux Pruvost inspire de vifs regrets à ceux qui l’ont connu.

Pruvost Léonard était marié mais n’avait pas d’enfant. Son corps a été ramené à l’Hôtel Dieu où l’autopsie a été faite par le docteur Douriez.

Nous saluons avec un respect ému ces victimes du devoir noblement tombés au champ d’honneur dans l’accomplissement de leur mission et nous présentons aux familles l’expression publique de la sympathie unanime.

Sources :

–         Archives de la Préfecture de police de Paris, EA/89 : dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

–         Alexandre Jacob, Souvenirs d’un révolté, fonds Jacoob, CIRA Marseille

–         Archives Nationales, BB 18 2261A dossier 2069 A 03 : rapports quotidiens de l’instruction de l’affaire de la bande d’Abbeville 1903-1905

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