Vols au Mans


Le Mans, vue généraleCe n’est pas un penchant immodéré pour les rillettes qui  pousse les Travailleurs de la Nuit à faire halte par quatre fois au Mans. Alain Sergent ne mentionne que deux de ces cambriolages repérés dans la métropole sarthoise. Les vols Lorière  (11 avril 1901) et Tonnet (3 janvier 1902) revêtent en effet une moindre importance par rapport à ceux commis chez le juge de paix Hulot et à la cathédrale Saint Julien. Joseph Ferrand, accompagné de Marius Baudy et d’Henry, est l’auteur du vol Tonnet. Jacob signe les trois autres et plus particulièrement celui de l’homme de loi (9 juin 1901). Pour ce forfait, nous pouvons également avancer la présence de Léon Pélissard, récemment libéré de prison, qui, loin de faire dans la dentelle, urine dans une des bouteilles de vin blanc trouvées, et bien sûr préalablement bue. En guise de scatophile vengeance et pour achever de parapher son larcin, le compagnon de Jacob défèque sur un fauteuil. Nous ne croyons pas ce dernier capable d’un tel écart. L’homme est, nous semble-t-il, nettement plus fin que cela. Mais rien ne vient prouver le contraire. Il est en revanche sûr que l’honnête cambrioleur se soit amuser à écrire un billet sur une enveloppe laissée dans le salon de l’appartement visité : « Au juge de paix, nous faisons la guerre – Attila ». Comme une marque de fabrique non systématique, Alexandre Jacob inscrit néanmoins son acte hors du champ traditionnel du droit commun. Il ne se fait toutefois guère d’illusion sur l’utopie d’une horde de révoltés pratiquant en masse la reprise individuelle. Mais la victime est un juge et Jacob lui fait savoir son dégoût de la fonction non sans humour, espérant fort probablement que le message soit repris dans la presse locale. Alexandre Jacob sait également le travail de l’homme de loi rémunérateur. Sa résidence regorge ainsi de biens fort mal acquis. C’est le même principe qui prévaut avec la cathédrale du Mans. L’inventaire des richesses dérobées que fait le Petit Parisien donne l’ampleur du butin amassé. Mais la date du journal pose le problème de celle du cambriolage : 22 avril 1903. La feuille sort le jour du cambriolage et de l’arrestation de Jacob, Bour et Pélissard. L’article est daté de la veille, c’est-à-dire le même jour que le vol de la maison de la veuve Tilloloy à Abbeville. La cathédrale aurait donc été visitée le 20 avril au soir. Cela suppose une extrême rapidité des Travailleurs qui sont, le lendemain, en Picardie. L’entreprise délictueuse utilise, rappelons-le, le réseau des lignes de chemins de fer pour ses déplacements. Le fait devient probable mais les cambrioleurs doivent être relativement fatigués, et ce d’autant que Sergent précise que l’effraction commise dans l’édifice religieux ne fut pas des plus simples. Cela expliquerait l’échec du cambriolage Tilloloy à Abbeville. Néanmoins, nous pouvons plus simplement noter une erreur du journaliste et avancer le vol de la priante du Mans – c’est comme cela que les Travailleurs de la Nuit nommeraient les églises et autres bâtiments religieux – effectué vers le 19 plutôt que le soir du 20 avril 1903.

 

la cathédrale Saint Julien du MansLE PETIT PARISIEN

22 AVRIL 1903

Une cathédrale cambriolée

(de notre correspondant particulier)

                                                                                                                             Le Mans 21 avril.

Un vol très important, accompli avec une audace peu commune, a été commis ce matin, vers une heure, dans la cathédrale du Mans.

Des malfaiteurs, ont pénétré dans l’édifice en brisant un vitrail. Ils sont entrés ensuite dans la sacristie et ont cambriolé le trésor renfermé dans différentes armoires blindées. Puis ils ont ouvert un coffre fort et se sont emparés de 4500 francs en billets de banque et or et d’une somme de 60 francs en argent.

Une armoire, fermée par une porte en chêne de cinq centimètres d’épaisseur et conte­nant un grand coffre métallique, a été fracturée. Là, les malfaiteurs ont pris de nombreux objets d’art : un calice Louis XIII, d’une grande richesse et d’un superbe travail, représentant les scènes de la passion, évalué 8000 francs; un autre calice, de la même époque, évalué 5000 francs ; un troisième, du même prix ; un calice en or orné d’une croix en diamants d’une très grande valeur ; douze calices en or ou en argent ; une crosse d’évêque en argent doré, très ou­vragé et d’une très grande valeur; six calices en argent, deux plateaux en or ; etc.

Les voleurs se sont attaqués – inutilement – a un grand coffre fort renfermant une très forte de somme, mais ils n’ont pu le défoncer. Ils ont abandonné sur les lieux une scie à mé­taux et diverses fausses clefs.

Le produit du vol, qui dépasse 50000 francs, a été emporté dans une caisse qu’ils ont prise dans un des bas-côtés de la sacristie.

 

 

La gare du MansDossier de presse « la bande sinistre et ses exploits »

Procès d’Amiens

2e audience

9 mars 1905

Vols au Mans

Le 11 avril 1901, dans la nuit, Mme Bony, cuisinière rue Victor Hugo, 22, entendait du bruit dans la maison voisine occupée par M. de Lorière, qui était absent. Le lendemain, elle constatait que la grille du soupirail de M. de Lorière était fracturée. Elle envoyait chercher un serrurier pour entrer chez M. de Lorière. Dans la cour, on trouvait la grille du soupirail, des outils de cambriolage, un étui de revolver vide et un pardessus qui, plus tard, fut reconnu par M. Merlin comme lui ayant été volé à Reims.

M. de Lorière est entendu sur ce vol.

Jacob le reconnaît: « Oui, oui », fait-il.

Puis il établit la différence qui existe entre le levier et la pince-monseigneur.

– Où commence le levier ? Où finit la pince-monseigneur ?

M. le président essaie d’établir la ligne de démarcation ; mais Jacob est plus ferré que lui dans la partie et il rectifie.

– J’aime mieux vous dire que vous avez raison, fait M. Wehekind.

Mme Bony Marie raconte comment elle découvrit le vol chez M. de Lorière. Dans la cour, elle trouva une pince-monseigneur.

– Je ne connaissais pas cet outil, dit-elle.

Jacob sourit.

Dans la nuit du 9 au 10 juin 1901, des voleurs s’étaient introduits chez M. Hulot, juge de paix au Mans, avenue de Paris, pendant son absence. Les meubles avaient été fouillés, les tiroirs fermés à clef avaient été fracturés ainsi qu’une armoire à glace.

Les voleurs étaient descendus à la cave, avaient pris une bouteille de vin blanc qu’ils avaient vidée et qu’ils avaient remplie d’urine. Puis ils avaient déposé des excréments sur un fauteuil dans le salon et, sur une enveloppe, ils avaient écrit au crayon : « Au juge de paix, nous déclarons la guerre. Attila. »

Le vol en bijoux, argenterie et objets de toute nature était des plus importants. Au moment de la perquisition chez Jacob, 82, rue Leibniz, on retrouva plusieurs objets qui furent reconnus par M. Hulot. Ce dernier donne des renseignements sur les objets qui lui furent dérobés. C’étaient presque tous des bijoux très vieux et d’une grande valeur. On lui a pris une quantité considérable d’argenterie. Quelques jours plus tard, on retrouvait dans un égout soixante-cinq pièces d’argenterie que les malfaiteurs avaient dû abandonner.

M. Hulot dit qu’il avait la douleur, huit jours après ce vol, de perdre sa femme.

Le témoin reconnaît des miniatures parmi les pièces à conviction. Il estime le préjudice qui lui fut causé à 10000 ou 12000 francs. Mais il ne s’arrêterait pas à la perte matérielle. Sa femme, âgée de 45 ans, éprouvait une commotion si forte en apprenant le vol que peut être bien là est la cause de sa mort.

Jacob, se tournant vers le témoin :

– C’est cela, mettez-moi encore cette mort sur le dos.

M. Bollée Camille raconte que, le jour du vol chez M. Hulot, il vit deux personnes roder autour de la propriété du juge de paix. Il reconnaît Jacob et croit reconnaître dans Pélissard le second individu. Pélissard se lève et proteste.

JACOB – Beaucoup de témoins croient reconnaître, et vous basez vos accusations là-dessus !

Un incident vif se produit. Pélissard continue à protester. M. Bollée dit qu’il ne peut être affirmatif, il a cru reconnaître Pélissard en le voyant marcher. Me Justal intervient et fait remarquer la légèreté avec laquelle certains témoins portent des accusations.

la vue est prise du boulevard Lamartine3e audience

10 mars 1905

Vol au Mans

A l’audience d’hier, on a vu que la bande avait déjà visité la ville du Mans. Un nouveau vol y fut commis dans la nuit du 3 au 4 janvier 1902, boulevard Lamartine, chez M. Tonnet.

Un mur de 2 mètres de haut avait été escaladé, puis la serrure de la porte d’entrée avait été dévissée. Toutes les pièces du premier étage avaient été visitées. Un coffre-fort avait été éventré. Des bijoux et de l’argenterie avaient été dérobés. On les estime à 2000 francs.

Ferrand s’est reconnu l’auteur de ce vol. Baudy et Henry, ce dernier en fuite, sont indiqués par Gabrielle Damiens comme y ayant participé.

M. Tonnet donne des explications sur ce vol et précise le préjudice qui lui fut causé.

Baudy se défend d’avoir commis ce cambriolage.

 

Alain Sergent, \Alain Sergent

Un anarchiste de la Belle Epoque

p.57 : Il est vrai qu’il laissa quelques fois des messages pour ses victimes et qu’il s’amusa à les signer Attila. Chez le juge de paix Hulot, au Mans : « Aux juges de paix, nous faisons la guerre ».

p.58 : La cathédrale du Mans fut d’un abord encore plus difficile. Elle était alors en état de réfection. Jacob, grâce à l’échafaudage, et après une ascension périlleuse où parfois il se tenait en équilibre sur un coin de pierre, réussit à pénétrer par une espèce de grosse chatière, puis descendit par le clocher.

Tags: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (4 votes, moyenne: 5,00 sur 5)
Loading...

Imprimer cet article Imprimer cet article

Envoyer par mail Envoyer par mail


Laisser un commentaire

  • Pour rester connecté

    Entrez votre adresse email

  • Étiquettes

  • Archives

  • Menus


  • Alexandre Jacob, l'honnête cambrioleur