Bagnard, raciste, homophobe et anarchiste
Les témoignages sur l’enfer guyanais ne sont pas légions. La force de celui d’Auguste Liard-Courtois tient entre autre dans la date de sa parution. Acquitté de sa peine de relégation en 1900, l’anarchiste voit à 41 ans ses Souvenirs du bagne publiés chez Charpentier et Fasquelle. Bien avant le débat sur la suppression de l’institution pénitentiaire coloniale, débat lancé à la suite de l’effet Albert Londres, Louis Liard (de son vrai nom) raconte en 1903 ses cinq années de travaux forcés aux îles du Salut. Deux ans plus tard, il expose sa vie de forçat libéré astreint au doublage, et rangé dans la catégorie des 4e1e, dans Après le bagne.
Document capital, cette « réunion de notes prises au bagne » dresse le portrait édifiant et ordinaire de la vie dans les camps de concentration à la française.
Condamné le 16 novembre 1894, il n’a pas connu la fameuse révolte des anarchistes de l’île Saint Joseph. Mais il en fait une narration terriblement précise et partisane grâce à l’apport des récits de ceux de ses camarades d’infortune qui l’ont vécu et qui en ont réchappé.
Mais le témoignage de Liard-Courtois révèle aussi une plume viscéralement raciste et homophobe poussant Les Passés Simples qui rééditent ses deux ouvrages en 2005 et 2006 à inclure un avertissement aux lecteurs. Nous avons dans un précédent article souligné les points de vue d’Alexandre Jacob – Barrabas et de Louis Rousseau – l’Oncle sur l’inversion sexuelle des fagots. Leur attitude de compréhension fait alors quasiment figure d’exception. Auguste Liard-Courtois ne cache pas quant à lui son aversion pour les pratiques homosexuelles, n’arrivant pas à se démarquer des préjugés moraux de son temps. Tout anarchiste qu’il est, il ne peut non plus s’empêcher de porter un jugement négatif sur les populations noires, indiennes et maghrébines de la colonie, stigmatisation sur laquelle joue l’Administration Pénitentiaire pour mieux tenir son troupeau d’enfermés. Stigmatisation une fois encore commune pour une époque où l’Europe blanche et dominatrice se croyait le fer de lance de la civilisation. Extraits.
Editions Les Passés Simples
2005
p.147 : On sait avec quelle férocité les Arabes et les noirs se conduisent lorsqu’on leur confie la moindre parcelle d’autorité. (…) Plats et rampants devant les supérieurs, ces fils d’esclaves se vengent de l’infériorité dans laquelle ont été si longtemps maintenues leurs races en traitant de la façon la plus barbare les Blancs placés sous leur surveillance. (…) Mal inspiré est celui qui regimbe ! L’ « arbi » ou le « singe » fait aussitôt son rapport et une punition sévère est appliqué au délinquant. On préfère cent fois avoir affaire aux surveillants militaires, même les plus sévères, qu’à leurs aides.
p.206 : L’indien Galibi est petit et de faible musculature ; son visage ordinairement glabre lui donne l’aspect grêle et vieillot d’un castrat qui serait resté maigre. Il habite des huttes de canne recouvertes de branchages, construites sans goût et sans forme. Il est paresseux, peu industrieux et vit – nous assure l’ancien qui s’est fait notre cicérone – de fruits sauvages et du produit de sa chasse et de sa pêche.
p.209 : ces sauvages qui, au contact des Européens qui leur est donné d’approcher, ont pris à leur civilisation tout ce qu’elle a de mauvais – sont voleurs, ivrognes et hypocrites. La femme est pour eux un être inférieur qu’ils emploient comme bête de somme et de plaisir. Quand le Roucouyène voyage, c’est la femme qui porte les fardeaux (…).
p.256 : L’abjecte passion a pris au bagne des développements effrayants puisqu’elle a gagné les trois cinquièmes de la population pénale et une partie du personnel pénitentiaire et je dois, en dépit de la répulsion que m’inspire un tel sujet, lui consacrer un chapitre spécial. Ce vice immonde a ses principaux propagateurs dans les condamnés arabes qui se disputent les jeunes gens des nouveaux convois, dont quelques-uns déjà sont familiarisés avec ses odieuses pratiques. J’ai eu un jour pour voisin de cachot un de ces invertis qui racontait comment il était arrivé à s’adonner par goût à ce commerce immonde ; il se nommait Marie Tudor.
p.257 : Car il y a parmi ces dégénérés des amoureux passionnés qui seraient admirables d’attachement et de dévouement, si leur vice n’était aussi épouvantablement répugnant..
p.259 : Comme toutes les passions viles, celle de la sodomie engendre le crime.
p.304 : Mais ce fut sur le corps d’un condamné militaire que je fus à même d’observer le plus étrange des tatouages. Le dessin en était fait de main de maître. Quant à son originalité, jugez-en plutôt : sur la fesse gauche était représenté une guérite avec à côté un zouave très barbu, sac au dos et croisant la baïonnette dans la direction de l’anus, alors que, en belle anglaise, sur la fesse droite, se lisait l’inscription suivante : On n’entre pas ici.
Editions Les Passés Simples
2006
p. 48 : Ils oublient que la paresse, l’inhabileté des Noirs et des Créoles les rend incapables les ouvriers intelligents et actifs que sont, en général, les Européens.
p.52 : Les nègres cayennais sont à la fois ignorants, menteurs, gourmands, voleurs quand ils sont sûrs de l’impunité, et surtout d’une paresse incurable.
p.64 : Alcoolisme, paresse, débauche, arrogance, brutalité : voici pour la population de couleur.
p.108 : Ce « bois d’ébène » était fort instruit, il jouissait d’une mémoire prodigieuse et se souvenait à merveille de tout ce qu’on lui avait inculqué dans les écoles. C »était en revanche un piètre juriste, ignorant des multiples ruses qui constituent l’ordinaire bagage des magistrats instructeurs, et qui n’était servi dans sa fonction que par la haine implacable qu’il avait vouée aux gens de race blanche.
p.114 : On pourrait croire que, étant donné leur naturelle exubérance, et leur sens artistique plutôt élémentaire, les Nègres furent dans l’enthousiasme et emplirent la salle de leurs cris aigus ? Il n’en fut rien. Le Nègre, au contact des Européens, s’est entâché de leur snobisme et, quelle que soit la nouveauté d’un spectacle, il considérait comme au dessous de sa dignité d’en paraître surpris. Pour applaudir ou siffler, il attend que les arbitres du chic lui en donne l’exemple et, le signal venu, il applaudit ou siffle plus fort qu’eux.
p.136 : Le lecteur trouvera peut-être que je suis dur à l’égard des Nègres. Loin de moi en vérité est la pensée de perpétuer d’absurdes haine de race, et j’applaudis à l’affranchissement des Noirs, mais je dois avouer, ayant vécu parmi eux, que l’impression qu’ils m’ont laissée est loin d’être favorable. Aux défauts, déjà nombreux inhérent à leur nature, ils ont au contact de la civilisation, ajouté tous les nôtres sans acquérir en revanche une seule de nos qualités.
p.148 : Le soir, en dînant à la table d’hôte, je lançai la conversation sur Sa Majesté. Il y avait autour de moi des Négresses et des Créoles et elles m’assourdirent aussitôt de potins sur son compte. On reprochait à ses filles d’avoir des complaisances pour les officiers de la garnison et même de simples soldats. On lui reprochait surtout de partager le goût de ces demoiselles envers les représentants de notre armée. On lui attribuait à ce sujet des mœurs déplorables consistant à certains élus d’être dans le même l’amant de la fille et la maîtresse du père … (…) Je digérais certes beaucoup moins le passé du monarque. Pourquoi Behanzin [ex roi du Dahomey] e s’est-il pas contenté d’être pédéraste !
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