Une Somme de crimes … et de lupinose


La série départementale des Grandes Affaires Criminelles fait partie des collections phares de la maison d’édition De Borée. Comme dans une brocante, on peut alors y trouver plein de choses qui brillent. Sylvain Larue, grand amateur de sang qui gicle et de têtes coupées sur le web, finit par s’imposer par le grand nombre de titres écrits (Paris, le Val d’Oise, le Val de Marne, le Tarn, la Gascogne, le Gers, etc.) comme un connaisseur – éclairé ? – du fait divers hexagonal. Mais c’est à Magali Rigaut, journaliste de son état, que revient la charge de dresser le portrait du crime en pays de Somme.

Historiquement, la démarche de l’auteur donne le ton (et la valeur) de l’ouvrage. Malgré le travail en archives effectué, il ne faut pas chercher la vérité dans ce livre-là ! Les évènements deviennent alors autant de récits variant dans leur forme. Bref, Magali Rigaut met le crime en scène. Tremblez bonnes gens ! Le spectacle peut commencer. Quoi de plus normal dans ces conditions que l’ombre du gentleman cambrioleur plane sur le palais de justice d’Amiens du 08 au 22 mars 1905 ?

Courrier Picard

Jeudi 15 octobre 2009

Histoire

Une Somme de crimes

Une trentaine de « grandes affaires criminelles » de la Somme, de la fin du XIXe siècle aux années cinquante, exhumées et bien racontées.

Les éditions de Borée se sont fait une spécialité de compiler les « grandes affaires criminelles » qui ont marqué la France. La Somme fait son entrée dans la série en ce mois d’octobre 2009.

De 1872 à 1958, de l’affaire Cauchy à Bayonvillers à la célèbre affaire Janet Marshall, cette institutrice anglaise découverte morte près de sa bicyclette à la Chaussée-Tirancourt, en passant par le fameux « gang d’Albert » des années cinquante ou le rappel du destin de l’anarchiste Marius Jacob (inspirateur d’Arsène Lupin !), ce sont une trentaine d’histoires tragiques qui sont racontées ici par Magali Rigaut. Diplômée de l’ESJ Lille, passée par le Courrier picard, actuellement à La Voix du Nord, à Cambrai (Nord), elle s’explique sur ses choix et sa manière d’aborder ce sujet, aussi passionnant que délicat.

Magali Rigaut, comment êtes-vous arrivée sur ce projet ?

Lorsque je suis arrivée dans la Somme, je connaissais cette série et je me suis rapproché de l’éditeur pour savoir s’il envisageait quelque chose ici. Il m’a ensuite fourni une liste d’affaires criminelles, de noms et de dates d’arrêts de cour d’assises. Il fallait en sélectionner une petite trentaine pour le livre. J’ai écrit une première histoire – celle sur Marcelline Dailly, à Cayeux-sur-Mer, la femme qui tue sa bru, en juillet 1883 – et cela leur a plus, donc j’ai continué…

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser l’ensemble de ces récits et comment avez-vous procédé ?

J’ai travaillé là-dessus entre novembre 2007 et mai 2009. Pour les informations, j’ai eu beaucoup de chance. Les archives départementales de la Somme ont une rubrique Justice bien suivie. Et la personne qui s’en charge, Cécile Deguehegny, m’a même retrouvé les éléments de certaines procédures qui n’avaient pas encore été classées. Elle m’a vraiment bien aidé !

Une des forces – et de l’intérêt – du livre est que le style varie beaucoup d’une histoire à l’autre : une fois, c’est une lettre, une fois le condamné qui s’exprime lui-même, une fois traité en dialogues, etc. C’était votre choix dès le départ ?

C’était en effet mon idée. Si les récits avaient tous été abordés du même point de vue, cela aurait pu être vite lassant. De plus, il ne faut pas chercher la vérité dans ce livre-là ! Il est, bien sûr basé, sur des histoires vraies, mais c’est romancé. Et il ne s’agissait pas pour moi de juger ou de rejuger les accusés. Ainsi, l’histoire de Flavie Caffin est racontée à la première personne, car la famille existe encore. Cela me permettait d’être plus en empathie avec les personnes évoquées.

Y a-t-il eu des histoires plus douloureuses ou difficiles à raconter ?

Celle-là, notamment ! Celle du gang d’Albert également, car un des protagonistes vit toujours. J’avais un cas de conscience, donc je me suis permis de prendre de la distance par rapport aux faits. En plus, tout le monde a entendu parler de cette histoire, mais plus grand monde ne sait exactement de quoi il s’agissait. C’était « tabou » à l’époque, et encore aujourd’hui, c’est difficile à aborder…

L’affaire Janet Marshall aussi a dû être difficile à évoquer…

Heureusement qu’il y avait les archives du Courrier picard, car le dossier n’est pas accessible. Pareil pour Marius Jacob : le dossier a disparu.

Est-ce que cette première expérience aura une suite ?

Il y a encore des tas d’histoire ! L’éditeur m’a déjà demandé d’envisager une suite. Si le premier tome reçoit un bon accueil des lecteurs…

Propos recueillis par DANIEL MURAZ

LES GRANDES AFFAIRES CRIMINELLES DE LA SOMME, de Magali Rigaut, ed. de Borée, 352 p., 24 euros.

Rencontre avec Magali Rigaut samedi 17 octobre à 16 heures, chez Martelle à Amiens.

TV Amiens

http://tvamiens.com/blogs/deslivresetnous/index.php?post/2009/10/19/Rencontre-avec-Magali-Rigaut

Rencontre avec Magali Rigaut

Par Alexandra Oury le Vendredi 16 octobre 2009

Journaliste, Magali Rigaut publie Les Grandes Affaires criminelles de la Somme (Ed. de Borée). Georges Charrières, fait diversier et chroniqueur judiciaire du Courrier Picard en signe la préface. Cet ouvrage revient sur 29 affaires jugées dans la Somme entre 1872 et 1958.

Magali Rigaut s’est beaucoup documentée pour faire revivre ces affaires et ressusciter également le climat de cette époque où la peine de mort qui existe encore, tend pourtant à disparaître au profit des peines de travaux forcés à perpétuité.

Le Palais de Justice d’Amiens voit défiler une galerie de criminels dont certains sont parfois des hommes ou des femmes ordinaires qui ont basculé dans le crime de manière imprévisible, tandis que d’autres y ont été conduits par une vie de misère, la cupidité, la passion, ou l’alcool.

Le champ lexical du spectacle est très présent dans cet ouvrage, la justice s’apparentant souvent à une scène de théâtre où se nouent des destins tragiques. Des affaires qui restent dans la mémoire collective sont évoquées, comme le meurtre de l’Anglaise Janet Marshall ou le procès de Marius Jacob, cet anarchiste du début du XXème siècle qui aurait (dit la légende) inspiré le personnage d’Arsène Lupin. Mais Magali Rigaut redonne aussi vie à des personnages tombés dans l’oubli.

Elle traite chaque affaire comme une petite nouvelle et met en oeuvre des genres variés qui vont du journal, au roman épistolaire, en passant par le texte sans verbe (dans le style Nouveau Roman). Chaque fois,  le point de vue utilisé est différent. Elle donne la parole tantôt à l’assassin, tantôt à sa victime, tantôt au juré, au témoin, au médecin… Tous les acteurs de ces drames ont tour à tour l’occasion de s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu, donnant au livre un ton et une couleur tout à fait originaux.

L’homme et ses contradictions sont toujours replacés au centre de ces faits divers. Effectivement, Le crime est une affaire d' »homme », au sens large. (Magali Rigaut)

La discussion continue ailleurs

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