L’Almanach du Berricon
Les almanachs ont, théoriquement, une durée de vie limitée, égrainant jour après jour, mois après mois, leur lot de recettes du cru, de petits trucs sympas pour illuminer les cuivres ou enlever la tâche de myrtille qui tue. Passé le 31 décembre, les tâches reviennent et les cuivres se ternissent. S’il ne brille guère par la valeur des informations données, l’almanach est bien souvent lié à son lecteur par un thème précis, une région déterminée, une pratique sportive ou culturelle. En 1940, l’almanach Wehrmacht rassemblait les aficionados de la Blitzkrieg. En 2006, celui du Berrichon, comme son nom l’indique, couvre une aire géographique particulière.
Fort d’une iconographie tirée des meilleures cartes postales anciennes, il nous rappelle le doucereux temps de bon-papa et de grand-maman. Nostalgie de supermarché qui vous surprend au détour du rayon des anecdotes. Etaler des faits divers, certes, mais pas trop sanglants, jamais monstrueux, ni trop ceci, ni trop cela. Un brin cocasse, c’est encore mieux. Nos régions ont du talent comme dit l’entrepreneur breton et l’almanach du Berricon sait nous révéler qu’il y aura toujours des imbéciles heureux qui sont nés quelque part pour goûter fièrement le bourratif pâté de Pâques, pour s’enorgueillir d’une vieille tradition de sorcellerie ou bien d’être le terroir de personnalités hors du commun.
Car, vérité locale oblige et comme un fait exprès, la semaine 36 – 36 comme le département de l’Indre – nous conte l’extraordinaire histoire d’un tranquille marchand forain du Berry, ancien bagnard et surtout gentleman-cambrioleur « alias Arsène Lupin ». Une bien belle tranche de rigolade régionale sur fond de boudin et de Reuilly rouge. Merci Jeanine.
collection Reflets de Terroir
éditions CPE
SEPTEMBRE
Semaine 36
Marius Jacob
alias Arsène Lupin
Bandit anarchiste, devenu le héros Arsène Lupin sous la plume de Maurice Leblanc, ne fut autre que Marius Jacob qui finit sa vie en Berry, plus précisément à Reuilly dans l’Indre.
En 1905, un procès fait sensation en France et est très suivi par la presse de l’époque. Il se déroule à Amiens où l’on juge une bande de cambrioleurs très organisés, composée d’une quarantaine de membres dont le jeune chef âgé de 26 ans se nomme Alexandre Jacob. Ingénieux, audacieux, cet homme va défrayer la chronique et se faire remarquer par ses réparties remplies d’humour et de provocation. C’est lors de ce procès que Maurice Leblanc, alors journaliste, va imaginer les aventures d’Arsène Lupin en s’inspirant de celles de ce chef de bande qui se dit anarchiste et prépare ses coups avec une intelligence et une minutie hors du commun. Il est accusé d’avoir orchestré 150 cambriolages en quatre ans avec l’aide de ses complices parfaitement organisés en équipes qui œuvraient dans tous le pays.
Il est condamné au bagne à perpétuité, mais l’esprit même de son action va se poursuivre à travers une autre bande, devenue elle aussi fort célèbre : la bande à Bonnot.
Alexandre Jacob, les fers aux pieds, part pour Cayenne. Le cambrioleur demeure révolté et il tentera de s’évader plusieurs fois, ce qui lui vaut des mesures disciplinaires.
Pourtant une grâce présidentielle va l’arracher à l’enfer du bagne en 1928 après vingt années de galère II y a passé toute pour payer sa dette à la France. A 49 ans, il rentre dans les rangs et doit travailler pour gagner sa vie. Il débarque à Reuilly dans le département de l’Indre, tirant définitivement un trait sur son passé. Il prend son second prénom Marius et s’installe comme marchand de tissu itinérant, déballant sa marchandise sur les marchés de la contrée.
Il mènera alors une vie paisible avec son chien dans sa maisonnette de Reuilly.
En 1954, il décide de tirer sa révérence. Il injecte une dose de poison à son chien, puis à lui-même, laissant un dernier clin d’œil sous forme d’un papier griffonné : « Excusez, pas le courage de laver le linge, vous trouverez deux bouteilles de vin pour le dérangement. A votre santé ! »
Il repose dans le petit cimetière de Reuilly, ombre discrète après une jeunesse tumultueuse De nombreux livres ont évoqué ses forfaits dont « Un anarchiste de la belle époque » d’Alain Sergent chez Seuil et bien sûr le célèbre Arsène Lupin de Maurice Leblanc.
Jeanine Berducat.
Tags: 36, Alexandre Jacob, almanach, almanach du Berrichon, Arsène Lupin, Berry, Bonnot, cambriolage, Indre, Jeanine Berducat, lupinose, Marius Jacob, Maurice Leblanc, Reuilly
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