Pauvres Robins, pauvre Jacob
Un concert de Louanges ? C’est peu dire. La chaîne de télévision France 3 diffusait, mardi 25 octobre 2011, les Robins des pauvres, une fiction censée rompre avec la monotonie des historiettes hexagonales et rangeant, de facto, au placard tous les Louis la brocante, toutes les Joséphine ange gardien de la terre. Même Télérama, pourtant si peu prompt à saluer les productions nationales, dessert quelques lauriers au téléfilm de Frédéric Tellier, qui a réuni deux millions de téléspectateurs, soit 7,7% du public présent devant son petit écran entre 20h35 et 22h15. Une histoire euphorisante, des acteurs épatants, une réalisation bluffante, exulte le site web de l’Express qui n’hésite pas à en rajouter une vache de couche : mise en scène nerveuse, photo soignée, ambiance crépusculaire : Frédéric Tellier connaît les classiques du genre, à mille lieues des faiseurs qui traînent habituellement la charentaise sur France 3. Un miracle ? Non, du talent. Pécho encore dans le Nouvel Obs télé : la crise a du bon … quand elle suscite des fictions énervées qui n’hésitent pas à voler dans les plumes du réel (…) ce téléfilm riposte sur le mode du « feel good movie » qui consiste à faire d’une mouise bien contemporaine le terrain d’une histoire enrichie en espoir. La preuve que l’imaginaire ne fait pas faillite. Et pourtant … A y regarder de plus près, cela tient plus du repiquage fadasse que de l’imagination au pouvoir.
Les robins des pauvres. C’est l’histoire de braqueurs ruraux et auvergnats vaguement inspiré de celle de Vassili Paléokostas, braqueur, grand cœur grec notoire, et récidiviste de l’évasion en hélicoptère. Le robin des bois grec nargue la police, titre Le Figaro, le 25 février 2009. Pour la deuxième fois, le voleur vient de s’échapper de la même prison, la plus grande du pays, celle de Korydallos dans la région du Pirée. Même mode opératoire qu’en 2006. La légende des frères Paléokostas (Vassili et Nikos), qui redistribuaient aux familles pauvres de leur région natale de Trikala l’argent volés aux banques et bijouteries, ne peut que grandir dans le contexte de crise et de faillite généralisée de la Grèce. Vassili a disparu dans la nature avec Alket Risai, son complice albanais et tueur à gage. Les frères Paléokostas n’ont pas de sang sur les mains et leurs rapines sociales ont fourni au réalisateur du téléfilm l’armature d’un scénario en béton armé (sic) écrit par Omar Ladgham :
Franck et Régis Delmas sont 2 frères de 26-27 ans issus d’une famille modeste d’agriculteurs du Cantal. Suite à l’expulsion de la famille de leur meilleur ami, ils créent le groupe des «Robins des pauvres» : ils braquent des banques et distribuent l’argent aux plus démunis. Les deux frères soutenus par la population, et n’ayant ni l’un ni l’autre le profil des criminels traditionnels sont introuvables. La police piétine, tourne en rond, jusqu’à l’arrivée du commandant Viennot. Mais ce résumé, que l’on peut trouver sur le site de Neutra Production, ne mentionne pas, pour appâter bien sûr le téléspectateur, la totalité et la fin de ce téléfilm, de 1h30 environ, et louangé par la critique.
Un concert de louanges, donc, pour cette gentille fiction servie par des acteurs jouant tellement vrai et issus d’un casting pour le moins alléchant : Nicolas Giraud, Aurélien Wiik, Michel Duchaussoy, Hippolyte Girardot, Clémentine Poidatz, Alice Butaud et Cédric Viera campent les principaux personnages. Un concert de louanges pour une mise en scène nerveuse. Un concert de louanges pour des paysages de western fleurant bon l’aligot et la potée. Tellement beaux les paysages que l’on pourrait croire à un long clip vantant les mérites touristiques de la région Auvergne. Un concert de louange pour une vraie fiction, censée divertir mais aussi faire réfléchir. Une sorte de parabole sociale pour s’indigner sur son sofa à la manière de Stéphane Hessel. C’est un polar néo rural à vocation altermondialiste. Le film est une gentille fiction distillant une si belle morale citoyenne œuvrant pour une énième version de la taxe Tobin. Les critiques sont unanimes. Soit. Unanimes … mais surtout frappées de troubles de la vision et de capacités cognitives en berne.
Le film est une gentille fiction. Traduire : fallait bien cela pour passer en prime time. Les héros sont gentils, sans tache et sans aucun reproche possible. Tout le monde, ou presque est gentil, les flics sont gentils, les voleurs sont gentils, les journalistes de La Montagne sont gentils, les vaches auvergnates sont gentilles et les paysages sympas. Le commissaire Viennot se prend d’une paternelle (pour ne pas dire paternaliste) amitié pour l’un des frères Delmas venu le prendre en otage et sachant son arrestation imminente. L’élu, forcément de gauche, de la région œuvre illégalement avec les illégalistes en leur indiquant telle ou telle famille d’ouvriers locaux dans le besoin. L’élu fait de la résistance sociale. Le gentil bar des Artistes, repaire des voleurs au grand et gentil cœur, ne sert qu’à de gentilles personnes venus prendre leur lot lors d’un faux loto et consommer à des tarifs défiant toutes les si méchantes concurrences. Le flic qui, à la fin, tient en joue les évadés de la prison est gentil. Il baisse son arme et leur gueule de décamper au plus vite. On en sait des qui auraient aimé voir de tels policiers le 17 octobre 1961 ou encore, au risque de nous voir attribuer un point Godwin par quelques malintentionnés du cru, le 16 juillet 1942.Y a que les propriétaires et les banquiers qui sont méchants. C’est fou non ?
Le film est une gentille fiction avec des répliques cultes. Et qui accrochent l’oreille citoyenne. A n’en point douter, le slogan des robins des pauvres n’est pas du tout inspiré des illégalistes Hellènes ci-dessus évoqués. Nos braqueurs auvergnats font irruption dans une banque et s’excusent presque du choc provoqué. Prévenants, ils indiquent aux victimes (employés et clients) la démarche à suivre pour que le vol puisse s’effectuer sans effusion de sang. Le coffre-fort est dynamité en un temps record ; on le sait parce que, dans la gentille voiture qui attend les voleurs, le conducteur tient un chronomètre. Les voleurs repartent non sans avoir pris le précieux temps de faire bomber à la peinture leur signature par une des caissières : « le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ». Et l’on retrouve le majestueux tag tout au long du téléfilm.
Autour de cette jacobienne réplique est même construite l’affiche des Robins des Pauvres. Bien évidemment et comme dans le téléfilm de Thierry Binisti Les amants du bagne, diffusé en 2004 et reprenant la même phrase, aucune mention n’est faite du père Jacob, de l’illégaliste Jacob appelant à Amiens en mars 1905 à la destruction, par l’éventrement des coffres-forts, de la société bourgeoise de son temps. Le temps ne fait hélas rien à l’affaire. Question par mail à la gentille maison de production. On attend toujours la gentille réponse. Nous avons bien visionné avec une attention toute particulière le générique de fin ou encore lu le dossier de presse fourni par Neutra Production sur son site internet, rien, que dalle, que tchi. L’aligot fait de la politique mais faut quand même pas pousser mémé trop à gauche dans les orties quand même ! Il convient encore de laisser croire aux téléspectateurs à d’inventifs, à de créatifs et pertinents dialogues sociaux.
Le film est donc une gentille fiction avec des références si douteuses que l’on en oublie qui est l’anarchiste auteur de la répartie cinglante et édifiante. Le film est une gentille fiction avec une morale citoyenne de bas étage, une fable politique d’une étrange actualité pour La Montagne en date du 25 octobre 2011. Le plus drôle pour terminer. Après avoir pris, donc, en otage le gentil commissaire de police Viennot venu de Paname pour les coffrer, Franck Delmas (incarné par Nicolas Giraud que l’on a pu aussi remarquer dans le Adèle Blanc Sec de Luc Besson) réussit à faire passer une revendication à la téloche. La France entière, on peut y croire, est devant son poste pour écouter la déclaration du bandit qui, après avoir indiqué une énième fois (on ne sait jamais, le téléspectateur ne disposant pas assez de temps de cerveau disponible, il faut donc répéter sans cesse à cet acéphale consommateur) que le droit de vivre etc., finit par réclamer aux gentils dirigeants de son pays une taxation sur les transactions financières et les profits bancaires. Là, cela devient franchement et d’autant plus affligeant que, quelque temps avant son transfert au palais de justice où il doit être entendu par un juge, le petit Delmas reçoit la visite du commissaire Viennot, euh … du gentil commissaire Viennot qui lui révèle que la gentille et responsable Assemblée Nationale a voté une loi, qui pourrait porter le nom des bandits sociaux et qui oblige les banques à verser leur grasse obole en faveur de la question sociale.
Clap de fin. Le peuple aura son dû, les banques pourront continuer leurs crapuleuses et lucratives manipulations, les héros peuvent disparaître dans la nature, et la vie, libérale et tranquille, continuer son cours. Bien entendu, le happy-end de cette fable nous a beaucoup fait rire … mais, préférant la phrase originale d’Alexandre Jacob à la si pâle copie filmée de Frédéric Tellier, il nous a aussi fait passer l’envie de bouffer de cet aligot là. C’est pourtant si bon le cantal. Vive les enfants de Cayenne !
Steve Golden
mardi 25 octobre 2011
Ce soir sur France 3 : L’Auvergne et la Montagne à l’honneur dans un téléfilm
Tourné l’an dernier dans le Cantal et à Clermont-Ferrand, « Les Robins des pauvres » est diffusé ce mardi soir, à 20h35, sur France 3. Un policier plutôt réussi mais aussi une fable politique d’une étrange actualité.
Ils auraient pu rejoindre les indignés de la Puerta del sol. Dans Les Robins des pauvres, le téléfilm de Frédéric Tellier, les frères Franck et Régis Delmas ont choisi de s’élever contre les injustices en s’affranchissant des lois.
Heurtés par l’expulsion d’un proche puis par les fermetures d’usine à Aurillac, ils vont braquer des banques cantaliennes et redistribuer l’argent aux exclus, aux sans-grade que la crise jette sur le bas-côté. Deux gentlemen révolutionnaires, fils d’un éleveur de salers, pour qui « le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ».
Soutenus par la population locale, ils échapperont longtemps aux enquêteurs en raison de leur profil trop atypique avant que l’amour de l’un d’eux pour une journaliste de La Montagne ne devienne leur point faible.
Inspiré d’un fait divers grec
Le téléfilm a été rangé dans la catégorie policier. On peut le lire au premier degré, suivre l’enquête menée par un commandant parisien interprété par Hippolyte Girardot, se laisser porter par le rythme, la musique, l’écriture, la psychologie des personnages et y croire.
Mais on peut aussi y voir une fable politique, un conte des mille et une crises inspiré par un fait-divers réel s’étant déroulé en Grèce bien avant que l’austérité ne vienne frapper au Parthénon. D’autant que le message est là, martelé on ne peut plus clairement par Franck Delmas lors d’une prise d’otages : « Trois millions de chômeurs, dix millions de mal logés [?] On est où là ? On ne joue plus ! On a des pouvoirs publics qui grignotent chaque jour davantage les fonds sociaux. Pouvoirs publics qui, quand la Bourse s’effondre, nous demandent de nous serrer bien gentiment la ceinture pour financer les banques. Ce système a assez duré. »
Étrange résonance avec l’actualité. À la fin, certaines scènes pourraient être tirées d’un reportage du 19-20 du jour sur les émeutes à Athènes. De ce point de vue-là, il n’est pas anodin que France 3, en ces temps de troubles européens, ait programmé Les Robins des pauvres en prime-time.
Primé au festival de Luchon
De même, pour le Cantal, ces 138 minutes sont une formidable publicité. Le département, ses paysages sont mis en lumière comme rarement ils l’ont été. Par la qualité de sa photographie, primée au festival de Luchon, Les Robins des pauvres tranche avec la plupart des téléfilms tournés à la va-vite.
Quant aux producteurs, Serge Hugon et Philippe Schirrer, ils ne se doutaient peut-être pas non plus que le scénario trouverait un tel écho dans les valeurs de solidarité, notamment familiales, que porte le Cantal et permettrait à ce département parmi les plus pauvres de France de résister à la morosité ambiante.
Richard BENGUIGUI
mardi 25 octobre 2011
Un film rare et fort
Deux frères braquent des banques pour redistribuer leur butin aux plus démunis. Une fiction inspirée d’une histoire vraie qui s’est déroulée en Grèce.
«Le droit de vivre ne se mendie pas. Il se prend. » On l’aura compris en lisant leur devise, les « Robins des pauvres » ne sont pas des voleurs ordinaires. Les deux frères Franck et Régis Delmas, interprétés par Nicolas Giraud et Aurélien Wiik, se veulent d’abord justiciers.
Ces deux fils d’agriculteurs du Cantal, mis en scène par Frédéric Tellier dans une fiction diffusée ce soir, ont choisi de braquer les banques afin de distribuer le butin aux plus démunis. Franck est un pur idéaliste, tandis que Régis est plutôt un opportuniste plus intéressé par le jeu que par la cause, mais qui y adhère, forcément.
Soutenus par la population, les deux Robins n’ont pas le profil de criminels ordinaires. Ce qui explique que la police patauge. Jusqu’au jour où le commandant Viennot (Hippolyte Girardot) prend les choses en main.
« Sensible à la détresse »
En programmant cette fiction de résistance devant l’argent facile, la richesse étalée quand tant de souffrances traversent la société, France 3 fait preuve de courage.
On n’est pas là dans une histoire ordinaire et, même si le mode opératoire du duo est répréhensible, il reste bâti sur une morale.
Les deux beaux gosses qui incarnent les frères braqueurs revendiquent leur militantisme contre la pauvreté. « Depuis ce film, je suis plus sensible à la détresse et à la précarité des gens », révèle Nicolas Giraud, tandis qu’Aurélien Wiik reconnaît que la plupart de ses choix de carrière « ont été faits en fonction du message fort qu’ils délivraient ».
C’est en Grèce (tiens, tiens…) que les scénaristes ont trouvé l’inspiration pour écrire cette fable contemporaine : il y a quelques années, les frères Paleocostas, idéalistes et utopistes, ont défrayé la chronique en commettant des vols pour redistribuer ensuite l’argent aux plus nécessiteux. À ce jour l’un des deux frères est en prison, l’autre en cavale après deux évasions spectaculaires !
« C’est magnifique de tout risquer pour faire avancer les choses » estime Nicolas, avec ce film, on va faire un peu nos Robins des pauvres, apporter du bonheur aux autres. Je suis certain que les téléspectateurs vont tirer quelque chose de ce film rare et fort. Aurélien espère quant à lui que « ce film réveillera les consciences » tout en affirmant que « Les Robins grecs sont des héros modernes ».
Sur France 3, ce soir à 20 h 35.
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