Claude et Marius : jeunesse


Claude Nerrand nous invite en juin 1993 à la découverte de Marius Jacob.  Le président de l’office du tourisme de Reuilly organise en effet en cette fin de printemps berrichon une exposition consacrée à la gloire locale, mais néanmoins méconnu du commun. L’ancien colonel a effectué quelques recherches – une lettre envoyée aux archives municipales de Marseille – lu quelques livres et recueilli les témoignages des locaux (surtout ceux de ses « vrais » amis). Pour faire venir le chaland, il donne une série de six articles sur la célébrité de Bois Saint Denis dans les colonnes de La Nouvelle République du Centre Ouest. Dans un style simple, souvent simpliste et naïf, le biographe en herbe dresse alors le portrait d’un aventurier finissant dans pays où il ne se passe rien et que lui cherche à dynamiser.

Refusant toute empathie, les six textes que nous mettons en ligne jusqu’au mois de décembre prochain, n’en déforment pas moins la réalité. Marius n’est pas Arsène Lupin ? Certes, ce n’est pas sur ce point que nous irons porter la contradiction à « l’historien local » mais alors pourquoi mettre au centre de l’exposition la panoplie d’un gentleman cambrioleur et dont la photographie apparait avec le deuxième article consacré aux Travailleurs de la Nuit ?

Pourquoi encore édulcorer l’anarchisme du personnage, quitte à en faire une individualité plus extraordinaire que les autres ? Une réaction partisane ? Le jacoblogueur pourra ainsi s’amuser à relever ce qui tient de l’exactitude et ce qui relève du point de détail local. Car, comme Claude Nerrand nous l’avait signalé dans l’entretien qu’il nous avait accordé en 2001, Marius n’était qu’un argument touristique qu’il convenait de mettre en valeur même si un être aussi original ne pouvait être un homme du cru.

Si, au final et à la suite de la lecture de ces six articles, vous partez à la découverte de Marius Jacob, il est fort à parier qui vous ne le trouviez point. Vous commencerez par une visite du cimetière puis vous vous rendrez à la maison de Marius en vous apercevant, comme dans cet article, que derrière le vieil homme tranquille, un peu bourru mais sympathique, se cache une personnalité à l’histoire singulière. A commencer par sa jeunesse … même si cela ressemble fortement à un livre de Bernard Thomas.

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04 Juin 1993

Reuilly

A la découverte de Marius Jacob

I – L’office de tourisme présente, du 5 au 24 juin, une exposition sur Marius Jacob, aventurier mort près de Reuilly en 1954. Tranches d’une vie fascinante.

Trop de gens aujourd’hui parlent de lui sans le connaître vraiment : qui était Marius Jacob ? Les étapes de sa vie permettront peut-être de connaître l’individu, en particulier grâce aux témoignages de ses vrais amis.

Le chien gratte à la porte : c’est « Négro » le cocker noir. Marius se lève de table, ouvre la porte, s’incline avec un geste de bienvenue : « Donnez-vous la peine d’entrer Monsieur ». Ca c’est Marius, au Bois Saint Denis, près de Reuilly, dans les dernières années d’une vie pleine d’aventures de peine, d’une espérance constante et renforcée par un mépris certain de la mort.

Les animaux qui l’entourent, les poules, les chats, le chien, répondent rapidement au nom que Marius leur donne. Depuis le bagne, où il a passé de longues heures à apprivoiser les araignées, il communique sans peine avec les bêtes.

Un étrange personnage aux multiples facettes : marin, cambrioleur, bagnard, commerçant. C’est surtout un juriste pointilleux et expérimenté, un ami fidèle. Un mélange de douceur, de force, de dureté emprunt d’une sagesse organisé au fil des années.

Paisible, sinyle, loin de l’image d’un Arsène Lupin dont certains journalistes l’ont affublé. « Tout çà c’est du roman », disait-il.

Il passa quatorze années de sa vie à Reuilly, « un pays où il ne se passe jamais rien ». Très discret avec ceux qu’il connaissait peu, il devenait prolixe avec ses vrais amis – Louis Briselance, Pierre Valentin Berthier et Guy Denizeau – et pouvait raconter les anecdotes de sa vie une nuit entière, le regard perdu dans un passé fascinant.

Alexandre Marius Jacob est né le 29 septembre 1879 à Marseille. Son père, navigateur et plus tard boulanger, choisit comme compagne Marie Berthon, une Provençale, la seule femme que Jacob a peut-être vraiment aimée. Quatre garçons naissent mais trois disparaissent en bas âge. Alexandre se retrouve enfant unique.

« Mon petit est bien tranquille », répète souvent sa mère. Elève des écoles chrétiennes, il obtient très jeune son certificat d’étude. Mais il rêve au vaste monde, lit et relit Jules Verne. Un jour, sur le vieux port de Marseille, il fait la rencontre d’un capitaine d’armement de la Compagnie Freycinet, M. Martinaud, et tout se précipite alors. Le 22 février 1890, il n’a pas encore onze ans, il s’embarque comme mousse sur le « Thibet ».

En cette fin de XIXe siècle, la vie de mousse est rude, pénible, effrayante par le nombre de travaux à effectuer. Levé dès quatre heures, il faut laver le pont, fourbir les roufs, servir les officiers à table, aider les magasiniers…

Les voyages vers l’Afrique se succèderont. Bientôt, il embarque sur le « Ville de la Ciotat » pour découvrir Suez, Djibouti, Melbourne, Nouméa. Il connut son premier naufrage sur « l’Alix » coupé en deux par un cargo allemand. Mais sa vie lui pèse par la monotonie et la lourdeur des corvées : à 13 ans, il déserte à Sydney pour devenir petit marchand et gardien de phoques.

Là, il rencontre un bosco français, lui aussi déserteur, qui lui propose une « place » sur une baleinière commandée par un grand nègre pirate mesurant 2m10 ! Après quelques sorties meurtrières autour de l’Australie, Jacob de nouveau déserte et revient à Marseille.

Arrêté pour désertion, son jeune âge fait fléchir les juges et le voilà de nouveau sur d’autres bateaux, parti pour de nouvelles aventures, de rencontres.

A 16 ans, il tombe malade et débarque …

Prochain article : « L’anarchiste et le voleur »

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