Les bandits de Reuilly !
Ce n’est pas parce qu’on n’attire pas la foule que l’on doit se croire dialectiquement tout permis pour créer l’évènement. Mais il y a fort à parier que l’article publicitaire de la Nouvelle République, en date du 22 septembre dernier, manque son but. Outre une dialectique mettant en lumière l’incroyable talent de muséographe d e Claude Nerrand, président de l’office du tourisme de Reuilly, nous n’avons pas été les seuls à remarquer le « petit » dérapage historiographique commis à l’encontre de Jacob Alexandre Marius : le « bandit », gloire locale qui « n’est pas un héros », peut assurément dormir tranquille. Il n’ira pas rejoindre le panthéon réactionnaire du Berry. A Jacob, la commune de Reuilly reconnaissante ? A vrai dire, nous avons cure d’un tel a priori mais force est de reconnaître à l’image de Rolland Hénault, qui n’a rien perdu de sa caustique et acide verve, dans le blog de la chanteuse Elizabeth ou dans les colonne du bulletin de l’Union Pacifiste en octobre dernier que certains peuvent tout oser … et qu’il paraitrait que c’est même un signe de reconnaissance. Bang bang !
L’Union Pacifiste, octobre 2012
Propos du Plouc
Blog de la chanteuse Elizabeth, 22 septembre 2012
Les bandits de Reuilly !
Dans la Nouvelle République du mercredi 18 septembre 2012, Marius Alexandre Jacob est qualifié de « bandit anarchiste ». Voici la phrase complète : « Celui qu’on a parfois pris pour un héros était un bandit anarchiste. » Ceci a été écrit à l’occasion d’une exposition publique sur cet anarchiste qui est donc qualifié de bandit.
Cette comparaison nous paraît très intéressante du point de vue sémantique: quelle est en effet la différence entre un héros et un bandit ? Entre un général et un simple tueur qui s’est installé à son compte ? Entre un « gros bonnet » (les grands dealers portent en effet une coiffure caractéristique : le bonnet, qui est plus gros que la moyenne) de la drogue et un troisième couteau de la Mafia ? Le troisième couteau est-il moins héroïque que le deuxième ? Force nous est de répondre oui.
Première observation : le héros a une bonne réputation. Celle du bandit est mauvaise.
Il s’ensuitqu’il faut chercher pour quelles raisons exactes. Or un raisonnement du niveau du certificat d’études primaires nous apprend que c’est avant tout une simple question de chiffre concernant les victimes. Jean Rostand a écrit cette remarque pertinente, qui fut donnée en sujet de dissertation au bac : « Si vous tuez un homme, vous êtes un criminel. Si vous en tuez mille, vous êtes un héros. Si vous les tuez tous, vous êtes un Dieu ! »
C’est là qu’apparaît la situation paradoxale de Reuilly : l’anarchiste Marius Jacob n’a jamais tué personne ! Il ne peut donc accéder au rang de héros. Par contre les habitants mâles de la commune, ceux qui ont eu l’occasion de participer à deux guerres mondiales et à deux ou trois guerres coloniales, qui nous dit qu’ils n’ont pas été des héros, sans le savoir ? Ou, si l’on préfère, selon la définition de Rostand, des « criminels » ? En service commandé certes, ce qui constitue une importante atténuation de leurs mérites dans le domaine de l’héroïsme. Mais poussons encore plus loin le raisonnement, Ceux qui ont leur nom gravé sur le monument aux morts n’ont-ils tué personne ? Ne serait-ce que par inadvertance en montant à l’assaut d’une tranchée allemande ? Etre une victime ne suffit pas à les disculper. Car les morts finissent toujours par perdre la guerre, leur guerre à eux. ! Sont-ils pour autant des héros ? Ou des criminels ? Les condamnera-t-on au bagne, comme Marius ? Un mort ça n’aurait pas de sens, au bagne. Ca chercherait des planques pour éviter les corvées, à cause de l’arthrose qui finit toujours par atteindre les articulations du tueur à la main ou à la machine, dont la composition se réduit assez vite à des ossements.
Ceci nous amène à approfondir encore davantage la différence : c’est quoi exactement, un héros ? C’est quoi, exactement, un bandit ?
Un esprit superficiel et sournois ferait observer que le bandit bande et même qu’il vit en bande, et même qu’il vit en bandes de bandeurs. Il ajouterait que c’est là l’étymologie du mot. Vous savez, les gens ne sont pas tous très intelligents dans l’ensemble, surtout les militaires de carrière, et j’en connais de très surfaits, qui se satisfont d’explications très simples.
Je reviens à Marius Jacob, qui vécut la fin de son existence à Reuilly après avoir tâté du bagne et contribué grâce à Albert Londres, à son abolition. Les auteurs de l’exposition auraient dû réfléchir avant de procéder à cette exposition d’un bandit qui n’a vraisemblablement jamais tué personne. Il a volé certes, mais essentiellement les riches pour redistribuer les sommes superflues aux pauvres. Si cela suffisait pour justifier le mot « héros », on dénombrerait dans la classe politique d’aujourd’hui des bandes considérables de combattants héroïques, à qui il a fallu faire des efforts pour plonger leurs mains dans les poches des contribuables, mais vous avouerez qu’ils n’ont pas risqué le bagne. Cette situation est acceptée par tous les électeurs par exemple, disons tous les citoyens !
Je crois avoir enfin trouvé le critère essentiel, il réside encore une fois dans l’argent. Certes le « héros » fait couler de l’argent liquide, sous forme de sang, et d’ailleurs ça s’appelle liquider, plutôt que liquéfier. Les cas les plus célèbres sont ceux de MM Bérégovoy, Robert Boulin, Fontanet, de Broglie…
Le bandit certes ne bande plus sous terre en dépit d’un phantasme populaire concernant un célèbre ecclésiastique, et qui a donné lieu à une chanson patriotique. Il s’agit de Mr Dupanloup. Une légende tenace veut qu’il continuerait son activité de bandit (ou si l’on préfère, de « bandeur ») sous la terre sacrée de la patrie.
Cet homme est honorable, si toutefois des expertises devaient prouver qu’il ne s’agit pas d’une légende. Alors pourquoi l’anarchiste Marius Jacob serait-il un bandit, qui mérite tant d’honneurs, à Reuilly (36100) ?
Parce qu’il doit bien rapporter de l’argent, maintenant qu’il ne défend plus la cause anarchiste ! Pas beaucoup, il est vrai et c’est la raison pour laquelle les organisations patriotiques, comme le Souvenir Français, ne l’ont pas classé avec les héros. Il en reste une autre parmi ces raisons : Marius au cimetière de Reuilly ne dispose que d’une simple et unique sépulture. Or, la plupart des héros des guerres sont allongés dans des cimetières héroïques où leurs longues alignées de croix blanches produisent un effet esthétique indiscutable. Mais on ne peut pas demander à Marius Jacob de constituer une alignée crédible de croix sacrées, à lui tout seul.
Visitez donc l’exposition consacrée à Reuilly à ce héros-bandit unique au monde. Ce sera une excellente approche du lexique en ces temps de décrépitude de l’enseignement.
Rolland Hénault
Tags: antimilitarisme, bandit, Claude Nerrand, Elizabeth, héeos, historiographie, Indre, musée Jacob, Nouvelle République, Plouc, Reuilly, Rolland Hénault, Union Pacifiste
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