Arsène Lupin de Montpellier


La blogosphère regorge de trésors étonnants et, parmi ceux-ci, les sites à vocation régionaliste peuvent parfois être particulièrement jouissifs : Montpellier (Hérault). Peuchère ! Arsène Lupin a existé…, Bien sûr, nous ne cultivons aucune haine, nous n’entretenons aucune rancœur, ni ne tenons aucun grief à l’encontre des indigènes languedociens. Mais force est de constater que les rédacteurs du site Sud Insolite ont dû abuser des vertus euphorisantes du cassoulet de Castelnaudary, n’ont pas pris en compte les effets secondaires de la tielle de Sète ou ont encore absorbé trop de grisettes de Montpellier. On frise même l’indigestion avec la mise en ligne, le 10 décembre 2010, d’un hilarant papier sur les hauts faits d’un presque sympathique malfrat. Vous imaginez la suite car c’est ainsi qu’Arsène Lupin est né !

Tout ne serait pas dit si l’on omettait, à cause fort probablement des spécialités culinaires ingérées plus haut, de spécifier qu’Alexandre Jacob innove après ses coreligionnaires anarchistes et leurs activités meurtrières. Stéréotypes et idées reçues en veux-tu ? En voilà ! Bien sûr, l’article, qui s’appuie sur une bibliographie sujette à caution,  n’innove pas sur les faits même si l’on peut relever çà et là quelques anachronismes flagrants (le coup du Mont de Piété de Marseille, la libération du bagne, etc.). De la sorte, vous verrez un certain nombre de coups fameux et des victimes de choix sans oublier non plus les apocryphes billets laissés soit chez Pierre Loti, soit chez tel proprio bourgeois arborant de fières mais fausses œuvres d’art.

Alors, l’honnête cambrioleur que révèlent ici nos crypto-historiens parce qu’il aurait pris en gérance une quincaillerie dans la préfecture de l’Hérault, ne pouvait bien évidemment qu’intéresser un jeune reporter d’origine normande venu assister à son procès en mars 1905. On connait la suite sans fautes d’orthographe. Que s’apelorio lupinose putain con !

www.sudinsolite.com

mis en ligne le 10 décembre 2010

Montpellier (Hérault). Peuchère ! Arsène Lupin a existé…

par Michel Azens.

Le 8 mars 1905, Maurice Leblanc, alors jeune reporter, assiste au procès d’un brigand particulièrement audacieux, qui mit en échec la Police pendant près de cinq ans, à la tête d’une bande de malfrats que les journalistes, se faisant l’écho de leurs « hauts faits », avaient baptisés « les travailleurs de la nuit ». Le procès d’une brochette de voyous n’aurait guère attiré l’attention de Maurice Leblanc si la personnalité de celui que l’on désignait comme leur chef, n’avaient pas eut un parcours détonant, illustrant ses principaux « exploits ».
Ce personnage singulier s’appelait Alexandre Marius Jacobs, né à Marseille le 28 septembre 1879. Entre une mère aimante et un père, ancien marin, noyant sa nostalgie dans le Pernod, le jeune Alexandre aime à s’évader dans les romans à quatre sous comme il se disait. Mais son destin,  il le puise dans  les ouvrages de Jules Verne, ce qui l’incitent à larguer les amarres à son tour. A onze ans, il s’embarque et connait des aventures si ce n’est glorieuses du moins inoubliables, tel ce naufrage ou encore les croisières meurtrières d’un équipage rendu fou. Il eut à subir la brutalité, les privations et l’injustice. Sorti de l’adolescence, il se voue au milieu anarchiste. Fait le coup de poing et publie même des articles dans l’Agitateur. En 1897, il est interpellé par des policiers pour fabrication d’explosifs. Il échappe à leur vigilance en rejoignant un certain Sorel, comparse de Santo Caserio, l‘assassin de Sadi Carnot.

Pourtant, les « anars » et leurs activités meurtrières  lassent le bon peuple, il en prend conscience et parvient à convaincre qu’une autre lutte doit s’engager. Il s’agit rien de moins de prendre aux riches pour redistribuer aux pauvres ! Effectivement, voler le bourgeois fait l’unanimité et emporte la sympathie des miséreux. Ce jeune homme de vingt ans à peine, constitue alors une équipe composée d’anarchistes totalement impliqués dans cette noble cause. En peu de temps, il se trouve à la tête d’une « confrérie » dite  les «  travailleurs de la nuit ». C’est un sacré travail qui nécessite une logistique sans faille et un culot allié à une bonne imagination. C’est à Montpellier qu’il prend avec sa compagne Rose, la gérance d’une quincaillerie ; de là, il se fait envoyer la plupart des modèles de coffre-forts qu’il a tout loisir d’examiner avec le soin qu’on imagine. La journée, il vend des clous, la nuit il étudie les Fichet, les Cuirasses et autres Raoul. Entouré de ses fidèles comparses Félix, Bour, Ferrand et Pélissard, ils ne tardent pas à en « percer » les secrets tout au moins les faiblesses. Il améliore les pinces-monseigneur, les vilebrequins, les scies et bientôt la maitrise du diamant de vitrier contribuera à leur entrée en scène. On racontera que sa panoplie d’outils personnels comprenait pas moins de quatre-vingts clefs d’acier nickelé capables d’ouvrir tous les types de serrures ; il la nommait « sa contrebasse. » C’est ainsi qu’à partir de 1898, trois cents châteaux, hôtels particuliers et églises seront visitées pour la « cause du Peuple ».

A Béziers, c’est l’hôtel de la comtesse de Cassagnes, ainsi que l’hôtel des Couronnes appartenant au sieur Galabrun, riche viticulteur. Un gros coup que celui-là : 22 000 francs-or et 200 000 francs-or de rentes ! En sus sur le coffre, un sac à main contenant les bijoux de la propriétaire. Mais lors de leur intrusion par la cave, ils s’étaient trop pressés : ils apprennent par la presse que deux autres coffres recélaient 2 millions ! Mais jugez de l’audace : à Marseille, c’est, déguisés en commissaire de police et gendarmes, qu’ils perquisitionnent le Mont de piété. Ils accusent les responsables d’avoir commis le vol effectué quelques mois auparavant et vont même jusqu’à les embarquer au Palais de Justice pour les faire asseoir devant le bureau du Procureur ! Entretemps, prétextant la vérification des livres de comptes, ils  raflent 400 000 francs-or de valeurs…
En octobre 1901, ces «  travailleurs sociaux » récidivent par un casse resté dans les annales de cet « art » si particulier : une bijouterie rue Quincampoix à Paris, une fabrique de bijoux, en fait, située au deuxième étage d’un immeuble. Marius Jacob va louer l’appartement vacant du troisième étage. Sachant que le propriétaire est absent le dimanche, c’est le jour qui est choisi pour œuvrer. ces hommes percent un trou dans le plancher en glissant un parapluie qu’ils ouvrent, afin de recueillir les matériaux risquant d’éveiller les voisins dans leur chute. C’est chaussés de charentaises qu’ils travaillent, ayant été obligés d’ouvrir le coffre en le perçant, c’est grâce à un violent orage couvrant le bruit qu’ils en viennent à bout. Le résultat est à la hauteur de leur peine : 7 kg d’or, 280 carats de pierres précieuses, 300 de perles et la bagatelle de 200 000 francs-or de titres. Ce casse astucieux inspirera Jules Dassin pour son film célèbre Du Rififi chez les hommes tourné en 1955. « Arsène Lupin » n’a pas inauguré ici sa manie de laisser des mots à l’humour acide du genre : «  je ne vous ai pas pris les bijoux ils sont faux. » Ou bien encore :   « La prochaine fois, mettez des meubles d’époque authentiques », tous signés Attila.  Mais le gentleman-cambrioleur fit, en d’autres circonstances, preuve aussi de magnanimité lorsque chez une marquise, en lisant ses papiers, il s’aperçut qu’elle était criblée de dettes, il lui laissa 10 000 francs-or !

Ce génie de la cambriole avait son éthique. Il s’interdisait de voler les professeurs, les médecins et les écrivains car il les jugeait utiles à la Société. Une nuit , à Rochefort-sur-Mer, s’apercevant que lui et ses hommes sont chez Pierre Loti, le célèbre romancier, il ordonne de remonter meubles et bibelots… et s’explique par un billet : « Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume, tout travail mérite salaire . PS : ci-joint dix francs pour la vitre et le volet endommagé. »

Mais cette mécanique bien huilée finit par connaitre les affres d’une panne fatale. Lors d’une opération de social-détroussage, à Abbeville, nos célèbres vides-goussets se firent pincer. Deux ans après ce funeste mois d’avril 1903, nos presques sympathiques malfrats passèrent en jugement. A Amiens, dans la foule déchainée, se trouve Maurice Leblanc qui, en bon observateur, jauge la popularité du héros du jour. C’est ainsi qu’Arsène Lupin est né ! lors de l’audience, Marius Jacob profitant de cette tribune,  tonna au président que le droit de vivre ne se mendie pas, mais qu’il se prend ! Comme le président lui demandait pourquoi il avait volé un diplôme de droit, il répliqua non sans humour, que c’était pour mieux préparer sa défense ! Quoiqu’il en soit, il échappa de peu à la guillotine et se vit condamné à l’enfer de Cayenne qu’il ne quitta qu’en 1929. De retour en France, en 1932, il s’installa à Bois-Saint-Denis, hameau de la commune de Reuilly, dans l’Indre. Notre homme, ayant pris goût au commerce, s’installe comme vendeur de tissu. Il n’en conservera pas moins ses convictions libertaires. Il sera ainsi l’ami de Treno, le directeur du Canard Enchaîné de l’époque. Au final, en 1954, préférant échapper « au naufrage de la vieillesse », il se suicide en s’administrant une injection de morphine, entraînant avec lui son chien aveugle.

Référence de lecture :

Alain Sergent, Un anarchiste de la belle époque, Alexandre Jacob.  Le Seuil, éd., 1950 ; rééd. éd. Libertaires, 2005.
Bernard Thomas, La vie d’Alexandre Jacob, Fayard, éd., 1998.
Roman consacré à sa vie : Gilles del Pappas, Attila et la magie blanche, éd. Au-delà du raisonnable, 2010. Interview de l’auteur:

Liens visuels : 1/2 http://www.dailymotion.com/video/x7n4rn_alexandre-marius-jacob-pourquoi-jai_news

2/2 http://www.dailymotion.com/video/x7n8w2_alexandre-marius-jacob-pourquoi-j-a_news

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Un commentaire pour “Arsène Lupin de Montpellier”

  1. Clement Duval dit :

    La total, elle court elle cout la lupinose… Putain de con !

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