Le livre de l’Oncle … et du « neveu »
La participation active d’Alexandre Jacob à l’ouvrage du docteur Louis Rousseau ne fait aucun doute. « Sans lui, je n’aurais pu mener à bien la tâche d’écrire le Médecin au bagne qui fut son œuvre autant que la mienne » écrit l’auteur à Alain Sergent, premier biographe de l’honnête cambrioleur en 1950. La collaboration entre les deux hommes débute dès leur rencontre en Guyane en 1920. En France, elle doit se mesurer en deux temps. De 1925 à 1927, Alexandre Jacob a tout loisir en prison de rassembler souvenirs et anecdotes pour l’Oncle d’une part, et de commenter les réformes pénitentiaires de 1925 de l’autre. Les échanges se pratiquent par voie épistolaire mais il nous parait possible d’envisager également un contact direct même si aucune source ne vient étayer cette hypothèse. La très forte amitié qui lie les deux êtres et la proximité de la Normandie justifient notre propos : Rousseau travaille pour le laboratoire de l’Office Publique d’Hygiène Sociale de la Seine Inférieure. Lorsque l’ancien bagnard recouvre la liberté, la collaboration ne peut que s’amplifier et c’est à Paris que toute la logistique de l’entreprise se met en place.
Alexandre Jacob prend en charge la recherche d’une maison d’édition pour le livre du docteur Rousseau. C’est donc par le biais de l’ancien bagnard que l’ancien médecin des Iles du Salut résout le problème des frais de publication qui, en 1925, avait dans un premier temps fait avorter le projet. Rousseau signale d’ailleurs ce problème dans l’avant-propos de son ouvrage. Alexandre Jacob fait alors jouer ses réseaux de relation tant parmi les anciens bagnards que dans les milieux militants.
Malgré la popularité d’un thème porteur comme le bagne, Louis Rousseau a du mal à faire publier son étude. Il n’est ni Albert Londres ni un auteur à succès recherché. Par le biais d’Alexandre Jacob, Un médecin au bagne peut sortir des presses des éditions Fleury en 1930, soit trois ans après la libération de l’anarchiste. Cette année-là, Jacques Sautarel, le bijoutier anarchiste complice dans le cambriolage de la rue Quincampoix en 1901 et actif soutien à Marie Jacob dans la campagne de libération de son fils en 1925, n’oublie pas son ami avec qui il partage le même avis libertaire sur la société. Il signale l’adresse d’un imprimeur sur les hauteurs de Belleville pouvant répondre aux besoins de l’ancien bagnard. Mais les éditions Fleury sont le 3e arrondissement de la capitale (45 rue Turenne) et le livre de Rousseau est imprimé par la maison toulousaine Léon et Fils (2rue Romiguières à Toulouse).
Nous ne connaissons pas le tirage du livre mais il est possible de le qualifier de limité au regard de l’extrait du catalogue figurant en 4e de couverture. Le livre de Pierre Chardon sur Paul Valéry et la médecine est par exemple publié à 250 exemplaires. Il est aujourd’hui exceptionnel de pouvoir le trouver sur le marché du livre d’occasion. Il peut alors atteindre des prix faramineux.
Les relations de Jacob avec les anciens bagnards peuvent également nous éclairer sur la genèse de la publication de l’ouvrage. Si Rousseau se rend à Paris pour rendre visite à son ami, il ne manque pas non plus d’aller saluer Eugène Dieudonné ou encore Paul Gruault rentré du bagne en 1929 et immédiatement embauché comme comptable au journal Détective. Or c’est bien cette feuille qui, en 1928 organise un concours pour établir une liste de forçats méritant de sortir d’un espace décrit dans ses colonnes comme un enfer. Les portraits dressés, plus édifiants les uns que les autres, donnent lieu à un vote des lecteurs. Les deux premières places permettent à Paul Vial et à Paul Gruault de rentrer en France. Les deux hommes étaient des compagnons de case d’Alexandre Jacob. Paul Rousseng arrive en troisième position.
La correspondance de Jacob avec l’anarchiste militant Eugène Humbert révèle combien le premier s’investit dans le projet de son ami Rousseau. Le 26 juin 1931, il demande au néo-malthusien de lui procurer Les souvenirs du bagne de Liard-Courtois qu’il avait déjà confiés à Rousseau mais que ce dernier a égaré. Or le médecin a besoin de cet ouvrage pour pouvoir répondre à un contradicteur de son livre au sujet de la révolte de l’île Saint Joseph en 1894. Le 14 septembre de l’année suivante, il évoque la situation financière délicate des éditions Fleury et la liquidation de stocks d’invendus dont on ne peut affirmer qu’il s’agisse du livre du docteur Rousseau. Un médecin au bagne est en effet paru depuis deux ans et la lettre à Eugène Humbert tendrait à prouver qu’il n’est tout de même pas un succès de librairie.
Pourtant le livre demeure une référence pour qui étudie le bagne. Il suffit pour s’en convaincre de compulser la bibliographie des nombreuses histoires de la colonie pénitentiaire de Guyane. Mais, plus qu’une simple source et au-delà du témoignage de son séjour, Louis Rousseau conçoit une démonstration empirique et à charge contre la transportation. Le livre est d’ailleurs préfacé par Adrien Juvanon, gouverneur de la Guyane en 1927 et surtout ardent partisan de la suppression du bagne.
« Cet ouvrage, dur et sans concession, tire toute sa force de la qualité de l’argumentation » écrit Olivier Levasseur dans la biographie qu’il consacre au docteur Rousseau en 1996[1]. Il est vrai que l’ancien médecin des forçats bénéficie, en plus de sa qualité d’observateur privilégié, de l’apport des connaissances d’Alexandre Jacob qui, en 1916, avait élaboré un projet de livre de criminologie et développé un savoir encyclopédique sur les questions pénales. Les anecdotes recueillies soutiennent un discours semblables en tout point à celui d’Alexandre Jacob.
Le bagne demeure ainsi une machine à broyer les victimes d’une société qui répugne à prévenir le crime et le délit, et qui a opté pour l’élimination du délinquant. La liste des termes qui reviennent à la fois sous les plumes de l’ancien bagnard et du médecin serait trop longue à établir. Trop fastidieuse aussi. L’expression Vae Victis, par exemple, est une preuve parmi tant d’autres de la collusion de pensée entre les deux personnes. Un médecin au bagne traduit bel et bien cette communion d’esprit. Il s’agit alors d’un livre de combat de 357 pages, se décomposant en onze chapitres.
Louis Rousseau s’attache dans un premier temps (les chapitres I à VII) à dresser un tableau d’ensemble des bagnes de Guyane. C’est pourquoi le chapitre I se consacre à l’histoire de la transportation et à l’étude des différents textes de lois qui régissent le bagne. Dans ce contexte d’écriture, l’apport d’Alexandre Jacob parait primordial. Dix-sept pages sont consacrées aux décrets du 18 septembre 1925 qui clôturent ce chapitre. Ces décrets induisent quelques adoucissements. Louis Rousseau note quelques suppressions comme celle de la règle du silence absolu pendant les heures de repos, celle de la mise aux fers (ou boucle) ou celle de la punition du cachot. Le médecin relève aussi la mise à disposition d’un hamac pour toutes les classes de forçats ainsi que la réintroduction du travail salarié. Mais l’emploi de ce pécule est déterminé par décret du gouverneur de la Guyane. Les forçats libérés et astreints à résidence ne doivent plus désormais répondre qu’à un seul appel annuel. Ils ne sont plus en outre cantonnés à Saint Jean du Maroni. En prenant par exemple l’aggravation effective de la peine de réclusion prononcée par le TMS (Tribunal Maritime Spécial), le médecin s’interroge en fin de compte sur l’efficacité réelle de ces décrets : « Mais s’agit-il de conquêtes bien définitives ? Nous verrons combien il est difficile d’extirper de la pratique pénitentiaire les vieilles habitudes de répression »
Les chapitres II à VII, par voie de conséquence, montrent l’application concrète de ces lois et décrets sur le bagne. Et Rousseau de décrier, de dénoncer preuve à l’appui, la vie quotidienne du bagne dans tous ces aspects : alimentation, habillement, logement, travail et camelote, maladie, répression, TMS, gardiens et A.P., mœurs des condamnés (jeux, tatouages et surtout homosexualité). L’évasion (chapitre VI) devient de fait un exutoire, une nécessité vitale, une volonté de survie mais fait aussi partie intégrante de tout un système. Les chapitre VIII et IX composent la deuxième partie du livre de Rousseau en exposant d’une manière complémentaire le point de vue tant du bagnard (chapitre VIII : La conscience des condamnés) que de l’administration (chapitre IX L’esprit pénitentiaire). Rousseau dénonce avec ces deux chapitres un paradigme « féodal où sous prétexte de justice, de travaux forcés, d’amendement des criminels, six milliers d’ilotes renouvelables et qui, par conséquent, n’ont pas à être ménagés, entretiennent près d’un millier de paresseux ». Une fois encore, le propos du médecin rejoint celui de son collaborateur privilégié, anarchiste et ancien bagnard lui-même. Jacob a toujours évoqués ses congénères d’infortune en tant que « parfaits courtisans d’ancien régime » et se voit, lui comme « un prisonnier de guerre sociale ».
Les rapports de soumission ainsi présentés précèdent en toute logique la dernière partie du livre de Rousseau consacrée à Une vue d’ensemble sur la pratique pénitentiaire française (chapitre X) confrontée aux expériences belges, italiennes ou encore soviétiques (chapitre XI Rénovation pénitentiaire). Comme Alexandre Jacob, le médecin récuse le principe d’exemplarité de la peine et l’illusion de l’amendement. La conclusion de son ouvrage diverge toutefois de la pensée du libertaire qui voit dans la suppression des prisons la fin de l’épineuse question carcérale. Rousseau, lui, se veut réformiste même si son propos dépasse largement le discours ambiant sur les politiques d’enfermement :
« La suppression du bagne guyanais ne peut donc être que la première tranche d’un vaste programme de rénovation pénitentiaire dans lequel la prophylaxie du crime sera envisagée et le sauvetage des enfants en danger moral basé sur leur instruction et non plus sur leur exploitation ».
Sans Alexandre Jacob, le livre de Rousseau n’aurait pas cette force de persuasion. Outre les connaissances juridiques, l’ancien bagnard apporte le seul dessin du volume, illustrant le système éliminatoire à la française, et surtout une multitude de renseignements, d’informations, d’anecdotes que l’ancien médecin des forçats n’aurait pu en deux ans passés en Guyane espérer recueillir. L’histoire de l’évasion de Joseph Ferrand, suivie du meurtre du fagot Vinci par le surveillant Bonal sur le vapeur Maroni, est, à ce titre, un exemple probant de cette collaboration de Jacob à l’écriture dénonciatrice de Louis Rousseau qui, au début de l’année 1910, c’est-à-dire au moment des faits, s’apprête à aller exercer la médecine coloniale en Indochine.
Le 22 juin 1930, le médecin annonce à son vieil ami la réception des épreuves de son livre et le remercie du « tuyau Destroyat » dont « l’acquittement est dans la logique du système » et qu’il tâchera de mentionner. Il s’agit fort probablement d’une exaction de surveillant non sanctionnée par la justice du bagne. La lettre de Rousseau révèle surtout les liens qui unissent les deux hommes dans leur combat contre l’institution pénitentiaire coloniale.
Le livre connaît quelques échos à sa sortie malgré un faible tirage ; il met finalement en relief un homme qui, après deux années passées en Guyane, n’a de cesse d’orienter sa réflexion et son discours sur le thème carcéral. L’Administration Pénitentiaire semble s’être émue de la parution comme le révèle la lettre de son directeur au père Naegel de Saint Laurent du Maroni en date du 27 janvier 1932 (voir article Poste restante à la cure de Saint Laurent du Maroni). Rousseau n’a pas laissé que de bons souvenirs outre-Atlantique et c’est surtout chez les forçats qu’il apparait comme une sorte de saint laïque exerçant avec ferveur son apostolat médical. De là, les nombreux conflits qu’il a dû endurer avec les surveillants, les commandants et autres chaouchs galonnés. L’A.P. a la dent dure mais depuis le reportage d’Albert Londres en 1923 elle prend l’eau de toute part. Le bagne et sa dénonciation sont à la mode dans les médias. Le bagne est en train de mourir.
Le 8 octobre 1936, Louis Rousseau fait la Une du magazine Détective (n°415). Marius Larique, auteur quatre et trois ans plus tôt des Hommes punis et de Dans la brousse avec les évadés du bagne, consacre une série d’articles sur les médecins de la colonie pénitentiaire. Un an plus tard, Louis Rousseau préface l’ouvrage Bagne de l’avocate Mireille Maroger et ses conclusions sur la colonie pénitentiaire demeurent inchangées face à « cette œuvre de mort » qu’il dénonçait déjà dans l’avant-propos de son propre livre sept ans plus tôt.
Nul mieux qu’un médecin – qui a vécu au centre même de cette monstruosité, de cette honte (ce qualificatif approprié est de M. Daladier, ancien ministre des Colonies) qu’est le bagne, et qui, chaque jour, durant deux longues années, a eu sous ses yeux le spectacle des horreurs de la Transportation – n’était qualifié pour essayer d’éclairer l’opinion publique sur ce que, moi-même, j’ai pu voir, constater, déplorer, essayer de modifier, d’améliorer, de transformer, sur le bagne qu’il faut, présentement, non pas réformer, mais supprimer, dans l’intérêt de la Guyane Française, dont il paralyse la mise en valeur et le développement économique, et, on ne saurait trop le dire, l’écrire, le répéter, pour l’honneur de la France.
Je dis supprimer car, en effet, à cette heure, toute réforme serait inopérante. Quand la gangrène s’est généralisée, quand elle a atteint les centres vitaux d’un organisme, il n’y a plus de remède. Pour le bagne, la gangrène a fait son œuvre, il faut supprimer, radicalement supprimer.
Sans aucune exagération, avec la force que donne une conviction née d’une observation absolument impartiale mais attentive, avec le courage d’une opinion basée sur la vérité, je puis écrire, sans crainte d’être démenti, que tout ce qu’expose, clairement et avec autorité, le docteur ROUSSEAU, dans son ouvrage si intéressant et si documenté, est encore au-dessous de la réalité. Et je le prouve.
Un de mes prédécesseurs avait tenté de remédier à l’état de choses existant ; mais, comme le constate très justement le docteur ROUSSEAU, si la législation du 18 septembre 1925 a apporté à l’exécution de la peine des travaux forcés quelques modifications dans le régime disciplinaire, elle a respecté le principe de la Transportation et n’a rien changé à ses résultats.
Et l’organisation et le fonctionnement de l’Administration Pénitentiaire était telle, en cette année 1925, qu’un des fonctionnaires des plus qualifiés de la dite Administration pouvait écrire, dans une lettre adressée à un haut fonctionnaire de l’Administration Coloniale : « Je trouve étrange la façon dont le Département conçoit les économies et dans tous les domaines. »
« Ainsi pour ne pas acheter de la toile à matelas, les matelas pourrissent dans les hôpitaux. Pour ne pas donner aux condamnés l’indispensable on multiplie les journées d’hôpital, ce qui revient cher tant par la dépense que par le manque à gagner résultant du défaut de travail, etc…
« Enfin je ne vous apprends rien, mais c’est décevant. »
Au début de 1927, j’ai trouvé, à la Guyane, une Administration Pénitentiaire en plein désarroi, en pleine décomposition. J’ai agi … – je dirai un jour comment et quels ont été les résultats de mon action. Pour l’instant, je me contente de souligner que, grâce à l’intervention d’un inspecteur des Colonies – que j’avais éclairé et qui avait vu – on s’est décidé, en haut lieu, à augmenter la ration alimentaire des transportés susceptibles de fournir un effort physique ; je sais également, que, pour éviter la distribution des vêtements aux particuliers, on a donné aux transportés des costumes spéciaux (étoffe spécialement rayée) que j’avais préconisés. Toutes choses que, parmi d’autres, je n’ai cessé de réclamer à cor et à cris, parce que j’en avais reconnu l’impérieuse nécessité, parce que, dès juin 1927, le Directeur p. i. de l’Administration Pénitentiaire me répondait : « Le condamné, qu’il soit transporté ou relégué, est insuffisamment nourri, insuffisamment habillé.
« C’est là une des vérités contre laquelle personne ne saurait s’inscrire en faux. »
A qui donc la faute, non pas au Ministère des Colonies, certes, mais à la fausse conception de certains fonctionnaires des Finances – car il s’agit du budget de l’Etat – qui ignorent tout de la question !
Depuis que j’ai quitté ta Guyane, j’ai reçu des communications fort édifiantes autant qu’intéressantes, dont la véracité est indiscutable car elles émanent d’une autorité on ne peut plus qualifiée :
« J’ai hâte de connaître le livre dont vous me parlez (je n’ai pu encore le terminer) et je puis vous assurer que si l’on a besoin de moi pour aider à la supression de l’anachronisme… (l’Administration Pénitentiaire) … je suis tout prêt à m’y employer. »
Puis :
« Je suis effaré de ce que peu à peu je découvre dans l’A. P., on n’ose pas généraliser, et pourtant on peut se demander s’il y a quelques gens honnêtes dans le personnel !
« Les condamnés sont volés, et poussés à voler.
« Tous se liguent contre eux pour en tirer profit, civils, fournisseurs, surveillants – sous l’influence d’une ambiance spéciale de l’éloignement, de la monotonie de l’existence, du punch aussi, les individus perdent tout sens moral.
« Quand donc se décidera-t-on à supprimer cette institution lamentable. Ce serait si simple. Par l’arrêt des convois le bagne n’existerait plus en cinq ans. Et l’Algérie conservant ses condamnés il suffirait en France d’une maison centrale d’abord, et de deux ensuite. Or elles existent. Saint-Martin-de-Rê, par exemple, puis Thouars qui a été désaffecté il y a trois ou quatre ans. On ne ferait plus de nominations de personnel, et à l’extinction on répartirait l’existant dans les prisons civiles, pour les surveillants, dans certains services coloniaux, secrétariats généraux et autres, pour le personnel civil.
« Et la Guyane – quand elle voudra travailler – trouvera au Brésil toute la main-d’œuvre nécessaire. » Les fortes pages du docteur ROUSSEAU contribueront certainement au résultat que désirent ardemment ceux qui, tout en voulant la punition des criminels, l’éloignent des indésirables et le relèvement des individus susceptibles de l’ëtre, sont persuadés que le maintien d’un cloaque ne peut atteindre ces buts moraux.
Aussi félicitons très sincèrement l’auteur d’Un Médecin au Bagne et souhaitons à son livre la plus grande diffusion.
Adrien Juvanon,
Ancien Gouverneur de la Guyane Française.
Chargé pendant deux ans du service médical d’un pénitencier guyanais, j’ai eu sous les yeux le triste spectacle de la pratique pénitentiaire coloniale. J’ai été profondément dégoûté. Ayant pour tâche professionnelle de défendre la vie dans la modeste mesure où, je le peux, je n’ai pu assister à cette œuvre de mort sans me demander à quelle louche besogne j’avais été convié et ce que j’étais venu faire dans cette galère. Je n’ai pu qu’observer, absolument impuissant. Pour n’avoir pas perdu mon temps j’ai voulu, à mon retour en France, publier ce que j’avais vu, mais je dus y renoncer devant les frais de publication. C’était en 1923. L’attention du public était attirée sur les abus de la Transportation par le remarquable reportage de M. Albert Londres. Un peu plus tard, au mois de juillet 1924, une commission composée des représentants des départements de la Justice, de l’Intérieur et des Colonies fut instituée et chargée d’étudier les améliorations à apporter au régime de la Transportation. Le 18 septembre 1925 parut une législation nouvelle qui, tout en apportant à de la peine des Travaux forcés quelques modifications dans le régime disciplinaire, respectait le principe de la transportation et ne devait en somme rien changer à ses résultats. Il est donc intéressant de revenir aujourd’hui sur une question qui a été escamotée plus que traitée, et de reprendre l’étude du système pénitentiaire français. C’est ce que j’ai tenté ici.
Louis Rousseau.
15 octobre 1930.
TABLE DES MATIÈRES
Avant-Propos VII
Chapitre Premier : La peine des travaux forcés. – Histoire de sa législation 1
Chapitre II : Régime des Condamnés 45
Chapitre III : La Camelote. – Travail Pénal. – Relèvement moral. 75
Chapitre IV : Les maladies et les malades 117
Chapitre V : La répression 139
Chapitre VI : Evasions. 179
Chapitre VII : Mœurs des Condamnés. 207
Chapitre VIII : La Conscience des Condamnés. 243
Chapitre IX : L’Esprit pénitentiaire. 277
Chapitre X : Vue d’ensemble sur la Pratique pénitentiaire Française. 297
Chapitre XI : La vieille Ecole et la Nouvelle. – Rénovation pénitentiaire. 329
[1] Levasseur Olivier, De la Coloniale au bagne de Cayenne : la carrière du médecin brestois Louis Rousseau, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1996
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29 juin 2017 à 17:52
L’aimable biographe pris en défaut ! « La maison toulousaine Léon et Fils », c’est l’Imprimerie Lion et fils, tenue par une famille d’anarchistes !
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article154329
Encore un coup de l’ami Jacob, sans doute.
29 juin 2017 à 21:21
Possible mais outre l’erreur de E il est tout aussi probable si tu avais lu le papier qu’il s’agisse plutôt d’un coup de Sautarel. Encore que pour Jacob se soit vraiment plausible au regard de son passage dans la ville rose après le coup de la rue Quincampoix n 1901. Il y a laissé des amitiés dont certainement Narcisse, celui-là même qu’il indique à sa mère dans sa correspondance carcérale comme en lien avec la fameuse quincaillerie.
Merci pour le lien mais je note ceci « sans doute grâce à l’intervention d’Alexandre Jacob », le sans doute est gênant car la correspondance de Jacob indique bien plus que « sans doute ». Un problème de source certainement.