La Mort d’un brave
Paroles d’Henri Riemer, musique de F. Brunel, Paris, imp. Brunel, [1889 ?].
In Gaetano Manfredonia, Libres ! Toujours …, Atelier de Création Libertaire, 2011, p.101
REFRAIN
Et ses lèvres, tout bas, bien bas,
Semblaient murmurer dans un rêve :
« Faudrait-il qu’en lâche, je crève ?
« De cette mort, je n’en veux pas !
« Je n’en veux pas ! »
I
C’était un jour sombre et brumeux
Décembre, d’un linceul de glace,
Enveloppait les pauvres gueux,
Qui sous les ponts, cherchaient leur place ;
Seul, un vieillard tout grisonnant,
S’en allait la tête penchée.
Tout comme un spectre, s’inclinant
Vers la fosse qu’il a creusée.
II
Il marchait, d’un pas chancelant,
À travers la foule joyeuse
Qui préparait le nouvel an,
Sans souci, de sa face creuse ;
Tout à coup son regard, brilla
D’une flamme vive et soudaine,
Qui reflétait du vieux paria,
La terrible et puissante haine.
III
C’est qu’il venait d’apercevoir
Le riche équipage d’un maître
Dont les laquais, en habit noir,
Attendaient qu’il voulut paraître ;
Alors, s’avançant, en badaud,
Tout près de la porte cochère,
Il s’accouda, fier, le front haut,
Semblant contenir sa colère.
IV
Bientôt, apparut sur le seuil,
Un bourgeois à la mine altière,
Dont l’allure, pleine d’orgueil,
Insultait sa noire misère ;
Soudain, le vieillard s’élança,
Et d’une, main bien assurée,
Saisit sa gorge et lui planta
Son couteau, jusqu’à la poignée.
V
Les deux corps s’étaient affaissés,
Et, dans une suprême étreinte,
Les mourants gisaient enlacés,
L’un grimaçant, l’autre sans plainte ;
Mais les laquais, tout furieux,
Frappaient le vieux de leurs cravaches,
Qui se dressa, l’air radieux,
Puis, par trois fois, leur cria : « lâches ! »
REFRAIN FINAL
Et ses lèvres disaient tout bas,
Dans l’extase d’un dernier rêve
« C’est ainsi qu’un vagabond crève,
« Vivre soumis, je n’en veux pas !
« Je n’en veux pas ! »
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