Y’a rien de changé
Paroles et musique de François Brunel, Paris, imp. Brunel, [1889].
In Gaetano Manfredonia, Libres ! Toujours …, Atelier de Création Libertaire, 2011, p.77-78
I
Sur le grand centenaire,
On fait de longs discours ;
On dit que l’prolétaire
Est heureux pour toujours,
On parle des droits d’ l’homme,
D’la liberté
La misèr’ nous assomme :
Y’a rien d’changé ! }bis
II
La Bastille, démolie,
On nous donna Mazas ;
La dîme est abolie ?
Les curés sont trop gras ;
Mais la chose est complète,
Le gros clergé
Peut fair’ le proxénète :
Y’a rien d’changé !
III
Nos pèr’s avaient l’servage,
Nous le salariat ;
De l’ancien esclavage,
Tout ça c’est l’plagiat.
L’serf, par son seigneur maître,
Était grugé,
Le patron vole en traître :
Y’a rien d’changé !
IV
Jadis pour la Bastille
C’fut la lettr’ de cachet ;
La Bourgeoisi’, bonn’ fille,
Lanc’ le mandat d’arrêt.
Si quelqu’un vous soupçonne,
Vous êt’s coffré
Puis, on perquisitionne :
Y’a rien d’changé !
V
La liberté d’la Presse,
Justice, Égalité ;
C’qu’on prit à la noblesse,
L’bourgeois nous l’a volé.
L’peupl’ pour avoir d’l’aisance,
S’est insurgé,
Il crève d’abstinence :
Y’a rien d’changé !
VI
« Y’a plus d’distinction d’ordre ! »
Disait l’prolo d’alors ;
Mais toi, tu n’peux démordre
De tes princip’s retors.
Infâme Bourgeoisie !
L’peuple a jugé
Qu’avec ta hiérarchie :
Y’a rien d’changé !
VII
Y’a plus de droit d’jambage,
Mais le droit du patron,
Jett’les fill’s de tout âge
Dans la prostitution ;
Profitant d’la misère
Qu’il a créé
Il achèt’ l’ouvrière :
Y’a rien d’changé !
VIII
C’est comm’ des privilèges,
On n’en vit jamais tant ;
Et, bourgeois, tu protèges
L’monopol’ dégoutant ;
Par la noblesse immonde,
On fut rongé ;
Aujourd’hui. c’est l’grand monde :
Y’a rien d’changé !
78
IX
On avait la torture
Et l’inquisition ;
Eh bien ! la chose dure,
Ell’ n’a changé que d’nom ;
En prison, en caserne,
J’suis égorgé ;
À Bicêtre on m’interne :
Y’a rien d’changé !
X
Ils avaient la r’devance,
Et nous avons l’impôt ;
La cour et le roi d’France,
Et nous, monsieur Carnot ;
De députés, d’ministres,
J’suis affligé ;
Quel tas d’farceurs sinistres :
Y’a rien d’changé !
XI
On supprima Flesselle,
Foulon et Réveillon,
Et toute la séquelle,
Par la Révolution ;
Mais nous avons les nôtres,
Voleurs de blé !
Darblay, Rothschild, et autres :
Y’a rien d’changé !
XII
Les préjugés d’tout âge
Ont créé nos malheurs ;
Pour sortir du servage,
Y’n’ faut plus d’exploiteurs.
Détruisons ce vampire,
L’Autorité !
Alors nous pourrons dire
Tout est changé !
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