En trois lettres
Charles Diaz et Jean-Marc Berlière s’étaient déjà retrouvés dans le documentaire réalisé en 2003 par Christine Bouteiller pour le compte de la chaîne câblée Toute l’Histoire. Onze ans plus tard, les deux hommes, le premier contrôleur général de la police française et le second historien spécialiste des chaussettes à clous et autres pandores, ne se sont pas perdus de vue. Nous les retrouvons mêmes devant les micros de Jacques Pradel pour l’émission L’heure du crime diffusée le 24 février 2014 sur les ondes de RTL. Le célèbre animateur, ancien collaborateur radiophonique de Françoise Dolto, à moins que ce ne soit un de ses assistants, mettait en ligne trois jours plus tôt un article d’accroche pour ses futurs auditeurs. On allait évoquer un honnête voleur ayant commis au nom de l’anarchie plus d’une centaine de forfaits. Un festival de lupinose était-il pour autant et involontairement annoncé ? Tout portait volontairement à le croire en lisant ce court billet. Ainsi de Roswell au gentleman cambrioleur de Maurice Leblanc, il y aurait eu … Alexandre Jacob.
Puis vint l’émission que nous mettons demain en ligne. Pendant une cinquantaine de minutes, Charles Diaz évoque certains coups restés célèbres, Jean-Marc Berlière tente dans cette espace de vulgarisation radiophonique de contextualiser et de politiser le roi de l’audace. Darien, l’anarchie, la pression policière expliquent par exemple les reprises individuelles de Jacob. Le professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne évoque même par trois fois notre soutenance de thèse à l’université de Nancy en 2006, « un moment fort » et particulier dû selon lui à la présence de Josette Duc-Passas, ancienne compagne de l’illégaliste.
Mais, à force de mettre en avant la singularité du personnage historique, de relater d’extraordinaires et caustiques anecdotes – même si elles restent toujours à prouver pour certaines d’entre elles – comme le vol du Mont de Piété de Marseille, le fric-frac commis dans la maison de Pierre Loti, le coup du parapluie de la rue Quincampoix, etc., la pertinence du héros de papier finit par s’imposer dans l’auditoire qui retiendra forcément les mots d’humour, les billets laissés dans certaines églises et villas visitées, les déguisements ou encore la technicité de certains forfaits. Charles Diaz qui, en 2003, affirmait que Jacob n’avait pas la classe de Lupin, semble toutefois revenir sur ce point de vue tant il verse dans le dithyrambe en rappelant la brillance du personnage réel. Il est même rappelé en fin d’émission, pour évoquer le suicide de l’anarchiste, que celui-ci resta fidèle à ses principes tout au long de sa vie et malgré les années de bagne subies.
Lupinose en trois lettres ? A Aucun moment, la légendaire inspiration de Maurice Leblanc n’est remise en cause. Nous pourrions regretter aussi que le site internet fasse la publicité au contestable ouvrage à prétention biographique de Jacques Colombat ou encore commette certaines erreurs comme la participation de Jacob à la campagne internationale en faveur des anarchistes Sacco et Vanzetti en 1927 alors que le voleur se trouve à cette époque à la prison de Fresnes (information vraisemblablement prise dans la « biographie » de William Caruchet écrite en 1993) mais relevons que nos craintes de lupinose en trois lettres étaient largement au-dessus de ce que nous avons pu entendre.
Emission L’Heure du Crime / Jacques Pradel
Mise en ligne le 21/02/2014 à 16:30
http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/l-heure-du-crime-lundi-24-fevrier-2014-marius-jacob-7771230704
Lundi 24 février 2014 : Marius Jacob
Alexandre Marius Jacob, anarchiste du début du XXè siècle, fut l’un des modèles dont s’inspira Maurice Leblanc pour son célèbre Arsène Lupin. Ce cambrioleur ingénieux à l’humour ravageur choisira de vivre dans » l’illégalisme pacifiste » avec sa bande : » Les Travailleurs de la Nuit « . Il créera sa propre étique du vol : on ne tue pas, sauf pour protéger sa propre vie, et on ne vole que les parasites (patrons, juges, clergé…) Il s’empoisonna en 1954, à l’âge de 74 ans, laissant derrière lui de nombreux admirateurs.
Marius Jacob, » anarchiste illégaliste » a fondé son groupe appelé » Les Travailleurs de La Nuit « à sa sortie de l’asile en 1900. Asile qu’il avait intégré un an auparavant après s’être fait passer pour fou et éviter la prison.
Les principes du groupe sont simples : on ne tue pas, sauf pour protéger sa vie et sa liberté, et uniquement des policiers ; on ne vole que les parasites, c’est-à-dire les patrons, les juges, les militaires, le clergé et jamais les professions utiles comme les architectes, les médecins ou les artistes.
Marius Jacob est le roi de l’astuce
Pour voir si les personnes qu’il projette de cambrioler sont chez elles, il coince des morceaux de papier dans leurs portes et passe le lendemain vérifier s’ils sont toujours en place. Il est aussi un as du déguisement. Autre astuce : il achète une quincaillerie et se fait livrer des mécanismes de coffres forts pour s’entraîner à les crocheter.
Mais sa plus belle invention reste » le coup du parapluie « : un trou dans le plancher de l’appartement du dessus, un parapluie fermé glissé dans le trou, ouvert ensuite par un système de ficelles, pour récupérer les gravats et éviter le bruit de leur chute !
Marius Jacob fait preuve de beaucoup d’humour et agit parfois de façon étonnante…
Il laisse parfois des messages, comme en février 1901 dans l’église Saint-Sever de Rouen : » Dieu des voleurs, recherche les voleurs de ceux qui en ont volé d’autres « . Un autre jour, alors qu’il cambriole la demeure d’un capitaine de frégate, il s’aperçoit soudain qu’il s’agit de celui de Pierre Loti et décide alors de tout remettre en place, en prenant soin de laisser un petit mot : » Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire. Attila. P.S. : Ci-joint dix francs pour la vitre brisée et le volet endommagé « .
Marius Jacob commet entre 150 et 500 cambriolages sur la période de 1900 à 1903, à Paris, en province et à l’étranger.
Le 21 avril 1903, une opération à Abbeville tourne mal. Marius Jacob et ses complices se font arrêter et sont jugés deux ans plus tard à Amiens. Marius Jacob n’est pas accusé de meurtre et échappe donc à la guillotine, mais est condamné à perpétuité au bagne de Cayenne.
Il revient en métropole, suite à la campagne d’Albert Londres contre le bagne. Marius Jacob purge don sa peine jusqu’en 1927. A sa libération, il s’installe dans l’Indre avec sa compagne Paulette et sa mère. Il évolue alors dans le milieu forain, où il trouve une générosité proche de celle des milieux anarchistes. En 1939, il achète une maison à Reuilly et se marie.
Marius Jacob va vivre entouré de camarades de discussions comme Pierre-Valentin Berthier, écrivain anarchiste ou encore R. Treno, le directeur du Canard Enchainé, jusqu’à son suicide le 28 août 1954.
Après s’être injecté de la morphine, il laisse derrière lui un ultime petit mot : » Linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé. J’ai la cosse. Excusez. Vous trouverez deux litres de rosé à côté de la paneterie. À votre santé «
Maurice Leblanc s’est inspiré de Marius Jacob pour créer son personnage d’Arsène Lupin en 1905
Invités : Charles Diaz, historien et contrôleur général de la Police Nationale ; Jean-Marc Berlière, historien et spécialiste de l’histoire de la police
Tags: Alexandre Jacob, anarchiste, Arsène Lupin, cambriolage, Charles Diaz, Darien, Françoise Dolto, illégalisme, Jacques Pradel, Jean-Marc Berlière, Josette Passas, L'Heure du Crime, Lecoin, lupinose, Marius Jacob, Maurice Leblanc, Pierre Loti, police, Quincampoix, Roswell, RTL, Travailleurs de la Nuit
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