Léon la discrétion
Alors que vont s’ouvrir les 18e Rendez-Vous de l’Histoire de Blois sur le thème des empires, le Jacoblog rappelle qu’au mois d’avril dernier est sorti aux éditions Libertalia un document totalement inédit sur les colonies pénitentiaires françaises. Des hommes et des bagnes rassemble les deux carnets de notes et les photographies du docteur Léon Collin. Direction la Guyane et la Nouvelle Calédonie. Rappelons alors que depuis la création officielle du bagne en 1854 jusqu’au dernier convoi de condamnés en 1938, ils furent plus de 100000 à venir s’échouer en terre de grande punition. Il y a plus d’un an, les historiens Michel Pierre et Jean-Lucien Sanchez relevaient dans le n°64 des Collections de L’Histoire (juillet-septembre 2014) l’aspect exceptionnel de ce « rare » témoignage qui est un des seuls à révéler l’échec des camps à la française sur deux espaces particuliers : la Guyane et la Nouvelle Calédonie.
Pourtant, et cela donne encore plus de l’intérêt au livre de Libertalia, l’institution bagne connaît une sorte d’âge d’or à l’époque où le docteur Collin officie sur le vapeur La Loire (de 1907 à 1910) puis sur le Caillou (de 1910 à 1913). Il faut attendre l’effet Albert Londres pour réellement voir une critique généralisée aboutissant à la réforme de 1925 puis à l’arrêt de la transportation en 1938. Le style du docteur Collin est clair, direct. Le médecin décrit, donne des détails, nous raconte un nombre incroyable de vies perdues. Ses photographies sont hallucinantes. Certaines ont paru dans la presse de l’époque.
La presse d’aujourd’hui n’a pourtant que très peu évoqué un ouvrage qui fait date dans la connaissance historique du traitement des « hommes punis ». Un léger entrefilet dans le Canard Enchaîné, une double page à l’été 2015 dans CQFD, mensuel de critique et expérimentation sociales, et trois articles dans les journaux régionaux (Vosges Matin, le Journal de Saône et Loire, Le Progrès). Et c’est tout. Et c’est bien dommage. Nous peinons à saisir ce silence médiatique. Il eut pourtant été intéressant de trouver une note de lecture, une critique, un compte-rendu dans un magazine comme L’Histoire, qui a reçu deux ou trois exemplaires en service presse, par exemple. Le Monde, Libération, et beaucoup d’autres aussi d’ailleurs. Le papier aurait pu ainsi mettre en valeur un beau livre où le propos du médecin est accompagné d’un riche travail de notes de manière à fournir aux lecteurs un maximum de clés de compréhension. Revue de presse.
Médiapart
18 février 2014
Parti au bagne avec les forçats
Photographe : Léon Collin
Le médecin militaire Léon Collin a débuté sa carrière en accompagnant un transport de prisonniers vers la Guyane, avant de partir en Nouvelle-Calédonie où il a assisté aux dernières années du bagne en 1924. Au cours de ces voyages, le docteur Collin va réaliser un reportage photographique, composé principalement de 125 plaques négatives. Il va les tirer par contact puis les assembler dans des cahiers tapuscrits, où sont compilés les témoignages qu’il a accumulés auprès de chacun des forçats (et que nous reproduisons tels quels en légendes). Cet officier va diffuser ces « interviews » en gardant l’anonymat dans plusieurs magazines du début du XXe siècle, et dénoncer ce mode de châtiment judiciaire. Médiapart en publie des extraits et ouvre ainsi une collaboration régulière avec le musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône.
[L’article est accompagné de neuf photographies et des extraits des notes du Dr Collin]
N°64, juillet-septembre 2014
Article Vivre et survivre au Maroni
Michel Pierre
Quelles sources pour l’historien ?
Il n’est pas simple de trouver un chemin d’Histoire dans les méandres des archives et des ouvrages imprimés de forçats, journalistes, médecins, gardiens… Ainsi, on ne peut pas comprendre l’ancien transporté Raymond Vaudé lorsqu’il écrite dans les centrales métropolitaines, l’annonce du départ en Guyane était saluée par des hurlements de joie » sans cette affirmation d’un autre forçat, Charles Spagnol :
« On n’était pas au bagne pour expier, mais pour s’évader. »
De même, comment mettre en regard un extrait de la notice annuelle de l’Administration pénitentiaire de la Guyane française précisant pour 1935, au chapitre « Vivres », que « les envois de la Métropole ont permis d’assurer normalement les délivrances tant au titre de la ration normale qu’au titre de la ration supplémentaire et des pratifications » avec les innombrables témoignages de la sous-alimentation des transportés et relégués.
La série H des Archives nationales d’Outre-mer (Anom) à Aix-en-Provence : c’est la source essentielle pour la connaissance du bagne de Guyane. Elle rassemble en effet les dossiers individuels des condamnés, les correspondances, rapports, décisions et dépêches, la gestion des personnels et des locaux, etc.
Les témoignages manuscrits ou oraux : ceux de forçats (Liard-Courtois, Dieudonné, Roussenq, Hut, etc.) rencontrent ceux de quelques médecins, gardiens, religieux et journalistes.
Des découvertes inédites : il y en a encore !
Ainsi les écrits et photographies du docteur Léon Collin qui séjourna en Guyane de 1906 à 1910 et en Nouvelle-Calédonie de 1910 à 1913, rassemblés et classés à partir de 2011 par son petit-fils.
L’archéologie : l’ensemble des constructions du camp témoigne de l’époque des forçats. Il en est de même aux îles du Salut avec des bâtiments préservés (telle l’église de l’île Royale), des ruines émouvantes du quartier de la réclusion à l’île Saint-Joseph, tout comme celles que l’on peut découvrir dans d’autres sites, ainsi à Saint-Jean-du-Maroni ou au camp de la Forestière, plus au sud.
Les archives municipales de Saint-Laurent-du-Maroni : elles sont conservées dans l’une des anciennes cases du camp de la transportation.
M. P
Article Statistiques et bosse du crime, le corps du bagnard
Marc Renneville et Jean-Lucien Sanchez
Le médecin Léon Collin témoigne
Le médecin militaire Léon Collin a laissé un rare témoignage photographique du bagne de Guyane au début du XXe siècle. Cette image a été prise lors de l’examen médical de forçats malades au camp de Charvein.
Ainsi en parlait-il dans ses écrits : « On apprend que le médecin précédent a été tué par un détenu. Du coup, le nouveau médecin ne veut voir les bagnards que s’ils sont nus. Comme ils sont très faibles, ils s’entraident et se déshabillent les uns les autres. On apprend aussi que l’un des trois hommes par terre est décédé. »
Lundi 15 décembre 2014
Au bagne en Guyane
au XXe siècle
Le Dr Collin a photographié le bagne de Guyane et de Nouvelle-Calédonie au début du XXe siècle, offrant un témoignage rare et humaniste sur ces lieux de détention. Les photographies et les écrits de ce médecin font l’objet d’une publication et d’une exposition.
C’est dans le grenier familial que Philippe Collin, petit-fils du Dr Collin, a retrouvé il y a deux ans les documents présentés lors des Rencontres photographiques de Guyane au tout nouveau Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane. « J’avais le souvenir d’y avoir vu des photographies à caractère médical lorsque j’étais enfant, mais je ne savais pas exactement ce qui se trouvait au grenier », déclare Philippe Collin. C’est finalement un ensemble exceptionnel qu’il sort de la poussière, « un millier de plaques de photographies prises durant sa carrière dans les troupes coloniales ».
Une partie concerne le bagne. Pour Marie Bourdeau, directrice du Service patrimoine de la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, la capitale du bagne de Guyane, « il est assez rare de trouver des photographies de bonne qualité et un fonds aussi conséquent, avec les textes. En général, on a des bouts de fonds, mais des aussi complets : je n’en connais pas ».
Pendant sa formation à l’Institut Pasteur
Le Dr Léon Collin a 27 ans lorsqu’il débarque en Guyane en 1907. Il est médecin sur le bateau La Loire qui transporte les bagnards de Saint-Martin-de-Ré en Guyane, en passant par Alger où d’autres condamnés viennent grossir les rangs des forçats. « Il a fait ça quatre mois par an pendant quatre ans. Le reste du temps, il se formait à l’Institut Pasteur », explique son petit-fils. Cette formation l’emmena ensuite à faire une campagne de vaccination en Nouvelle-Calédonie de 1910 à 1912, où il visita également le bagne qui y vivait ses dernières années.
Le Dr Collin travailla ensuite à Madagascar, dans l’Annam à Hué, avant d’ouvrir un cabinet d’ophtalmologie à Mâcon. Au cours de cette carrière coloniale, il aurait contracté choléra et peste.
Le Dr Collin appartenait, comme les autres médecins du bagne, au Corps de santé des troupes coloniales. « Ils sont officiers ou sous-officiers, formés par l’École de santé navale de Bordeaux, fondée en 1889 », rappelle Michel Pierre, historien, auteur d’ouvrages sur le bagne.
En Guyane, on trouve alors trois hôpitaux, à Cayenne, aux Iles du Salut et à Saint-Laurent-du-Maroni. Les médecins du bagne sont aussi amenés à visiter les camps forestiers répartis sur le territoire guyanais, où les conditions de vie et de travail sont les plus éprouvantes. Un des clichés du Dr Collin montre une visite médicale au Camp de Charvein, dit « Camp de la mort » ou « Camp des Incorrigibles », car on y envoyait les forçats les plus récalcitrants. Les condamnés y apparaissent décharnés et le texte du Dr Collin mentionne le décès d’un des bagnards étendus au premier plan.
Critique du système pénitentiaire
« Tuberculose pulmonaire, accès pernicieux, misère physiologique, dysenterie amibienne »… sont les maux les souvent mentionnés dans les documents d’époque. « Les médecins se plaignent parfois de ne pas recevoir les médicaments demandés, explique Michel Pierre. Et l’un des plus gros problèmes, c’est la mauvaise alimentation et la sous-alimentation. » Sans compter les fièvres équatoriales qui font des ravages notamment dans les premières années du bagne.
Au fil de ces écrits, le Dr Collin se montre critique contre ce système pénitentiaire déshumanisant. Une dénonciation qu’il porte dans la presse de l’époque en publiant sous pseudonyme. En retrouvant les textes originaux et les négatifs des photos de son grand-père, Philippe Collin a découvert que certains articles publiés dans Le Monde illustré ou Détective étaient de son grand-père.
Comme le Dr Collin, d’autres médecins ont laissé des témoignages de leur passage au bagne. L’ouvrage du Dr Louis Rousseau, Un médecin au bagne, publié en 1930, joua ainsi un rôle dans l’arrêt de la transportation, l’envoi de condamnés aux travaux forcés en Guyane, qui fut supprimé en 1938.
Après la Guyane, l’exposition du Dr Collin pourrait être présentée au musée Ernest-Cognacq à Saint-Martin-de-Ré en 2015. Écrits et clichés photographiques seront réunis dans un beau livre, Des hommes et des bagnes, qui sortira en mars 2015 aux éditions Libertalia.
Hélène Ferrarini
Édition Tarare
4 avril 2015
Dans le grenier familial, une source documentaire incroyable sur les bagnes
Histoire. Philippe Collin, enseignant en Segpa à la cité scolaire de Tarare, a exhumé des photos prises et manuscrits écrits par son grand-père, médecin du navire qui convoyait les condamnés au bagne de Guyane, entre 1906 et 1910. De son récit, et de sa multitude de plaques photos en verre, l’enseignant et Jean-Marc Delpech, docteur en histoire et professeur de collège, ont tiré un ouvrage à paraître début avril, « Des hommes et des bagnes ».
Quand il était enfant, Philippe Collin passait une partie de ses vacances dans la maison familiale, du côté de Mâcon. « Comme tous les gosses, j’ai eu envie d’aller fouiller dans le grenier. J’y ai découvert beaucoup de photos sous forme de plaques en verre. Certaines m’ont beaucoup marqué. Arrivé à l’âge adulte, j’étais devenu un peu photographe amateur. J’ai demandé à ma mère si je pouvais récupérer les caisses de photos et documents », se souvient Philippe Collin. Sa mère accepte.
Un témoignage rare
Seulement, les années passent et ce professeur des écoles spécialisé ne prend possession du petit trésor qu’il y a deux ans. En tout, près d’un millier de plaques photos et de nombreux écrits. Il s’y plonge avec l’ardeur et la candeur de l’historien néophyte.
Parmi les pépites de ce fonds documentaire, deux manuscrits : « Mon grand-père, Léon Collin, m’a facilité le travail. À l’époque, il a d’abord écrit des articles, qu’il vendait aux journaux métropolitains. Puis, sans doute un peu dans l’idée de se rendre célèbre, il a écrit deux manuscrits : Quatre ans chez les forçats, Guyane 1906-1910, et Fin de bagne en Nouvelle- Calédonie, Nouméa 1912. Il était militaire, affecté pendant trois ans comme médecin des troupes coloniales, et détaché auprès de l’administration pénitentiaire sur le bateau qui convoyait les condamnés depuis la métropole vers le bagne de Guyane. En 1910, il est parti avec sa femme en Nouvelle-Calédonie, pendant quatre ans, pour une campagne de vaccination sur les îles Loyauté », détaille l’enseignant.
C’est un témoignage rare, alors que les fonds documentaires sur les conditions de vie dans les bagnes français ne sont pas nombreux. Dans ces manuscrits, Léon Collin raconte ce qu’il voit, donne la parole aux bagnards, retranscrit même certains de leurs poèmes. Les photos viennent mettre des visages sur certains de ces hommes.
« Il voyait avant tout des êtres humains »
« J’ai découvert vraiment mon grand-père à travers ses écrits. Et je suis heureux de voir qu’il était un homme bien, humain. Quand il soignait ces hommes, il voyait avant tout des êtres humains, et non pas des condamnés. Dans son premier manuscrit il parle surtout de la vie sur le bateau à vapeur, La Loire », explique Philippe Collin. Le quotidien des forçats ne fait déjà pas rêver pendant le transport. Il est au-delà de l’entendement par la suite. Les bagnes sont l’expression d’une vision de la pénitence demandée par la société française à des hommes et des femmes condamnés pour les plus lourds crimes de l’époque. Ils paraissent aussi, depuis la métropole, comme une alternative à la peine de mort qui fait débat en France. Ils seront pourtant, pour la plupart des forçats, synonyme de mort, parfois lente, mais surtout rapide et douloureuse. Pour exemple, au bagne de Guyane, alors que deux fois par an un bateau vient déverser 600 à 1 000 nouveaux prisonniers, les effectifs sont stables. Ce qui signifie qu’en l’espace de six mois, l’équivalent d’un bateau meurt de maladie, de violences entre détenus ou des gardiens. Au fil des pages, c’est au travers des yeux d’un homme de l’époque que l’on découvre cette réalité, précisément circonscrite entre 1906 et 1910 pour la Guyane et 1910 et 1913 pour la Nouvelle-Calédonie.
Philippe Collin a laissé le soin à son collègue Jean-Marc Delpech, par ailleurs docteur en histoire, d’introduire les deux manuscrits, de remettre dans le contexte ces deux témoignages et les photos qui font le corps principal de l’ouvrage. Les deux hommes ont ensuite fait un gros travail d’explication à travers des notes très fournies. Ils ont aussi pris soin de détailler un glossaire se reportant aux 74 personnes citées par Léon Collin.
Cette incursion dans un monde carcéral, narrée par un contemporain, ne laisse pas indifférent. Même si parfois les mots de Léon Collin choquent, ils ne sont rien en comparaison de ce que ces hommes, certes condamnés, ont enduré.
« Des hommes et des bagnes » , sur la base des manuscrits de Léon Collin, par Philippe Collin et Jean-Marc Delpech, aux éditions Libertalia. Disponible à partir du 4 avril. Prix : 32 €.
Emilie Charrel
7 avril 2015
Pages Saint Dié
« Des hommes et des bagnes ». Un vrai beau livre coédité avec Libertalia. Il s’agit des souvenirs inédits du Docteur Léon Collin, qui a voyagé au début du XXe siècle sur le bâtiment La Loire, notamment en Guyanne, où il soignait les forçats en route pour le bagne. Le médecin a visité chaque endroit, pris des tonnes de notes, 150 photos sur le bagne de Guyanne et de Nouvelle-Calédonie. « Son petit-fils m’a transmis deux énormes carnets qu’il m’a fallu retravailler, annoter, expliquer. » Un an et demi de travail acharné pour le prof d’histoire, tandis que Philippe Collin se chargeait du volet archives – conséquent également ! « C’est une réflexion sur le bagne, l’enfermement, le crime et le fait divers. C’est une galerie de portraits de criminels, de gens connus incroyables. On sent très fortement la présence de Dreyfus, par exemple… Progressivement, le Docteur Collin va s’insurger contre l’institution Bagne avant de la condamner totalement. On sent la mort. Les plaques photos sont terribles. C’est aussi un exposé des bagnes, on y parle d’élimination, on y parle de déchets. C’est un document d’histoire totalement inédit qui prend d’autant plus de force qu’il émane d’un homme de sciences. »
29 mai 2015
Pages Chauffailles
Un médecin de bagne témoigne
Philippe Collin, petit-fils de Léon Collin, médecin aux bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie de 1907 et 1911, relate dans un livre, et à partir des carnets de son grand-père, l’enfer carcéral.
Entre 1907 et 1911, le docteur Léon Collin, natif de Crêches-sur-Saône, a été nommé médecin aux bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie. Il a vécu au cœur de ces sociétés où les hommes ont relégué les parias, les fautifs, les criminels.
Dans des conditions de vie (de survie) terribles, les condamnés au bagne ont vécu des moments terribles. Léon Collin, témoin de tout cela, à toucher du doigt la détresse humaine et l’échouage de ces vies fracassées. Il a consigné dans des carnets ce qu’il a vu, ceux qu’il a connus, pour en faire un étonnant et inédit récit où se croisent des destins, peu ordinaires, d’hommes dont chaque vie serait matière à roman.
« Des hommes et des bagnes »
Ces carnets sont accompagnés de photographies qui donnent une réalité palpable à ce témoignage de première valeur. Ils sont restés de nombreuses années dans les affaires de la famille, endormis dans la poussière d’un grenier, comme pour mieux surgir et révéler de façon éclatante ce que fut le véritable enfer carcéral. Et il a fallu que son petit-fils, Philippe Collin, arrive à l’âge de 50 ans pour que lui fût enfin confié ce trésor familial. Ainsi est né un livre étonnant Des hommes et des bagnes , publié par les éditions Libertalia.
Au-delà de la véritable qualité d’écriture du docteur Collin, ce livre se lit comme un documentaire sur l’univers carcéral extrême.
Conférence Philippe Collin présentera une conférence sur le livre Des hommes et des bagnes vendredi 29 mai, à l’Aléatoire, 14 rue du 8-Mai, à 20 heures.
Mercredi 26 juin 2015
Feuilleté de canard
« UN JURY qui condamne un homme aux travaux forcés ne saura jamais assez où il l’envoie », écrivait Léon Collin, médecin militaire en Guyane et en Nouvelle-Calédonie de 1907 à 1912. Dans l’enfer du bagne, illustré d’impressionnantes photographies, un témoignage précieux sur ces territoires « mangeurs d’hommes ». (« Des hommes et des bagnes », Libertalia, 32 €) – E. B.
N°134, juillet-août 2015
Supplément été 2015
Des hommes et des bagnes
Le livre Des hommes et des bagnes (éditions Libertalia, 2015) est la reproduction des carnets de voyage de Léon Collin (1880-1970), médecin militaire, qui fit de véritables reportages au bagne de Guyane, entre 1906 et 1910, et de Nouvelle Calédonie de 1910 à 1913. Appareil photo autour du cou et carnet sous le bras, il a consigné toutes ses réflexions et recherches. Il s’est intéressé aux gens qu’il a pu rencontrer, a fait leur portrait et raconté leur histoire. Des bigarrés, des cabossés, des mauvais garçons, des désespérés, des poètes, des anarchistes et des fous parfois.
Les 130 clichés de l’ouvrage, pris en Guyane et en Nouvelle Calédonie, lui confère une véritable valeur patrimoniale. Léon Collin a pris bien soin de légender pratiquement toutes ses photos. Les portraits ont donc tous un nom.
Ces carnets ont été découverts par Philippe, son petit-fils, qui jouait pendant les vacance »s dans le grenier de la maison familiale. Trente ans plus tard, sa mère lui a donné ses documents et il s’est emparé de l’histoire de son grand-père. Il a fait de nombreuses recherches puis a décidé de faire publier ce fonds exceptionnel.
« Mon grand-père au départ joue un peu au reporter. Il est issu d’un milieu bourgeois et conservateur pour lequel la peine de mort s’inscrit naturellement dans la liste des sanctions possibles. Pourtant, il ressort bouleversé de la double exécution à laquelle il assiste sur l’île Royale et juge inhumaine la peine de réclusion qui, pour lui, semble être pire que la mort ! Rapidement, il ne supporte plus la violence et la disproportion du châtiment, la monstruosité de ce système qui broie tout et nivèle l’homme à son plus bas niveau. Le style de son récit passe progressivement du reportage pour feuille à cinq sous de l’époque à la critique du système et même à la révolte : son témoignage et ses commentaires sur les surveillants militaires vont quand même bien au-delà de ce que l’on peut attendre d’un médecin militaire de l’administration pénitentiaire.
Léon Collin parle à des hommes, photographie des hommes, plus que des condamnés (et l’absence de surveillants se remarque sur la majorité des clichés), il n’excuse pas leur faute, mais dans de nombreux passages en cherche l’origine dans la misère sociale. »
[suivent 4 extraits des carnets de Léon Collin sur les photographies d’un Groupe de relégués sur le pont de La Loire, de Josepho, de Spécimens de tatouages, des lépreux sur l’île de Nou]
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