39 kilogrammes avec les chaussettes !


Instinct de survie ? Si l’affaire Capeletti et le meurtre du forçat Vinci par le surveillant Bonal impriment encore leur marque à la correspondance du matricule 34777 pour l’année 1911, force est de constater que pour le premier semestre de cette année les passages devant le Tribunal Maritime Spécial et donc les envois à Saint Laurent du Maroni ne figurent pas au centre de ses préoccupations. L’enfermé, le réclusionnaire Jacob est au plus mal. Il multiplie les problèmes de santé et les envois médicamenteux de Marie, sa mère, ne parviennent pas à le soulager du scorbut, des diarrhées sanguinolentes ou encore des névralgies faciales. Effet délétère du milieu mais aussi conséquence d’une ration alimentaire insuffisante et de très basse qualité ou encore détournement des paquets reçus par les agents de la Tentiaire, l’homme puni affiche de fait une affolante et squelettique maigreur : ces derniers jours, j’avais perdu du poids mais au pesage d’aujourd’hui – constate-t-il avec une superbe ironie le 2 février – j’ai regagné deux kilos. Il est vrai que j’avais mes chaussettes … Je pèse 39 kilogrammes. J’en pesai 65 il y a un an ! Mais il est écrit que le système éliminatoire ne peut avoir raison du forçat récalcitrant … et de son active génitrice qui multiplie les démarches administratives et les appels à l’aide pour soutenir son rejeton enchristé. Jacob tient bon malgré tout et envisage même une énième Belle. Ses lettres le révèlent. Si Julien, malgré une brouille apparente avec Joseph et un début de dépression, côtoie Auguste,  c’est bien que Barrabas, par l’entremise de Tante ou de Bonne Voisine, entend fausser compagnie à Elisabeth au grand dam d’Octave.

26 décembre 1910

Îles du Salut

Chère maman,

Contrairement à ce que je t’ai dit dans ma dernière lettre, les quatre colis m’ont été remis en partie. Seules Les Feuilles littéraires m’ont été confisquées. C’est te dire de ne plus m’en adresser, pas plus, d’ailleurs, qu’aucune autre publication.

Comme il est probable que la lettre que je t’ai adressée le mois passé et qui a été interceptée ne te soit pas parvenue, je vais t’expliquer de nouveau ce qu’il te faut faire.

J’ai besoin de lait ; j’en ai un besoin impérieux. Va donc consulter Me Justal et prie-le de te rédiger une demande en secours alimentaire en se basant sur l’article 3 de la loi du

31 mai 1854[1].

L’arrêté local du 1er juillet 1908 et les instructions ministérielles de 1903 traitant de cette matière sont aussi utiles à consulter. Par la voie ordinaire, la demande pourrait avoir une tardive réponse ; tandis que présentée par qui tu sais, elle serait plus prompte.

Fais pour le mieux. L’autorisation obtenue, tu n’auras qu’à porter les denrées au ministère des Colonies qui se charge gratuitement de l’expédition, sauf les frais d’envoi de mer. D’ailleurs, tu es bien placée pour te renseigner.

Ta chère lettre du 12 novembre que j’ai reçue exalte toujours l’espérance, comme les précédentes. Il ne me faudra pas longue attente pour en vérifier l’exactitude. Dans quarante-huit heures, je serai fixé.

30 décembre

Le courrier n’est pas encore arrivé, de sorte que je ne puis attendre la remise de tes lettres pour te répondre, car la mienne risquerait fort de ne pas partir. Que te dirai-je ? La vie est si monotone que les nouvelles n’encombrent pas mon esprit. Quant à te dire ce que je pense, ce n’est guère utile : du reste, tu dois bien t’en douter. Dès que tu le pourras, envoie moi une serviette éponge, une seule. Pour le moment je n’ai pas besoin d’autre linge.

Reçois, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre

17 janvier 1911

Saint-Joseph

Chère maman,

Il m’est bien pénible d’avoir été si peu compris. Certes, ma situation n’est pas faite pour me porter à l’optimisme; j’admets volontiers que l’irritabilité nerveuse, effet inévitable de cette situation, m’ait entraîné à t’écrire des choses qui ont pu te paraître déplacées ; cela je le regrette sincèrement, ma bien bonne, surtout en pensant que tu en as été affligée. Cependant, il a fallu que je me fusse bien mal exprimé pour que ces appréciations aient été comprises comme étant à l’adresse de personnes envers qui je professe la plus sincère gratitude.

Comment veux-tu, sainte femme, que je puisse mettre en doute et leur bonne foi et leur dévouement? Mais ce n’est pas possible. Avec toutes les marques de bonté qu’elles t’ont prodiguées et dont tu n’as cessé de m’entretenir, il faudrait que je fusse un monstre, non seulement pour douter de leurs intentions, mais encore pour me permettre la plus légère des critiques à leur endroit. Crois-tu que j’ignore à combien d’obstacles on a dû se heurter ? Crois-tu que je ne sache pas apprécier toute la bonne volonté, le dévouement même qu’il a fallu dépenser pour tenter une pareille démarche à mon sujet ? Je sais tout cela, ma bien bonne, et c’est précisément parce que j’en étais instruit que j’ai toujours cherché à te détourner d’employer ces moyens ; c’était surtout par délicatesse, plus encore que par orthodoxie, que je te disais de ne pas faire agir ces personnes en ma faveur, certain d’avance que leurs démarches n’auraient aucun succès. Mais de là à penser ce que tu t’es imaginé, il y a une énorme nuance. J’espère que tu sauras le comprendre[2].

Il est surprenant que tu ne saches encore rien de ta demande du 18 juin. Je suis plus avancé que toi et puis te dire qu’elle est rejetée : je l’ai appris ce matin. J’ai su également que tu avais écrit à M. le directeur qui a dû te répondre ce qu’il m’a dit lui-même, d’ailleurs, qu’il ne pouvait rien pour moi. Tu vois, pauvre maman, tu as cru, tu as eu la foi, une foi presque aveugle en une entité que je ne veux pas nommer et tu as été déçue. Il ne pouvait en être autrement. Cela n’existe pas, et bien que le devoir de chacun soit de croire à la possibilité de son avènement, c’est à en douter. Pour moi, sois certaine que ce résultat m’indiffère ; il me fait plutôt plaisir car ainsi je ne suis pas lié par une sorte de reconnaissance qui m’eût peut-être contraint à me conduire autrement que selon ma conscience. Mais c’est pour toi que j’en suis peiné. Pourvu que cela ne te rende pas plus malade que tu ne l’es. Et, pourtant, au fond, tu aurais tort, ma bien bonne, de te chagriner pour ça. Ça n’en vaut vraiment pas la peine. J’ai encore dix-sept mois de réclusion à subir et pas plus. En voilà une affaire ! Tout est relatif. Il y a des malheureux qui en purgent dix ans.

Comme je ne veux rien te cacher, je dois ajouter que ma réclusion finie, il est probable qu’il me faudra encore subir une année d’emprisonnement. Voici pourquoi. Tu dois te souvenir de ce qui arriva à Joseph, il y a un peu plus d’un an, sur le bateau qui nous ramenait de Saint-Laurent-du-Maroni et que je te relatai alors. À ce sujet, j’écrivis une lettre au ministre de la Justice (que Joseph signa aussi) et les faits ayant paru faux, nous sommes tous deux, pour ce fait, traduits devant le prochain tribunal maritime spécial. J’ignore ce que Joseph en pense; mais quant à moi, ça ne me fait ni chaud ni froid. J’ai écrit ce que mes convictions et ma conscience me dictaient d’écrire et je suis prêt à répéter aujourd’hui ce que j’ai dit hier. J’estime qu’entre deux voix il vaut mieux écouter celle du cœur que celle de l’intérêt.

La vie est courte; qu’un homme ait vécu quarante ans, qu’il en ait vécu quatre-vingt-dix, au moment final ils ne sont pas plus avancés l’un que l’autre; que nous soyons heureux ou malheureux, riches ou pauvres, forçats ou ministres, à la dernière seconde nous devenons tous des Gros-Jean. Aussi est-il préférable de se conformer à ce que nous croyons la vérité sans nous inquiéter des conséquences, ces conséquences dussent-elles être pénibles pour nous.

Remarque bien que, dans la circonstance, il n’y a rien de pénible et que tu ne serais pas raisonnable de te chagriner de ce contretemps. Au reste, nous pouvons être acquittés. Mais même condamnés, nous ne pouvons l’être à plus d’un an et, en outre, l’emprisonnement ce n’est pas la réclusion. On y travaille en plein air, en commun; on y travaille deux heures de plus, il est vrai, mais c’est pour donner de l’appétit ; enfin être forçat tout court ou forçat-prisonnier, la différence n’est pas énorme. Aussi tu me ferais bien plaisir de ne pas te faire du mauvais sang pour une chose qui, en toute vérité, n’en vaut pas la peine.

Exceptionnellement, les dix colis que tu m’as envoyés m’ont été remis. Aussi tu ne veux pas m’écouter ; tu m’en envoies trop à la fois, ma bien bonne. Sur le camp, ce n’est même pas permis ; en droit, c’est simplement toléré ; donc à plus forte raison pour des réclusionnaires. À l’avenir modère-toi ou sinon, malgré le bon vouloir, on se verra forcé de ne plus me les donner. Je suis content surtout d’avoir reçu ce médicament. Ce n’est pas que je sois plus malade, non, au contraire ; en ce moment je vais même beaucoup mieux. Te dire que je suis guéri ne serait pas exact, car la maladie étant inhérente au régime pénal, je ne crois pas qu’il soit possible de guérir absolument. Mais j’espère me porter mieux encore grâce à ce remède tonifiant. Par la suite, je te dirai s’il m’a été salutaire.

J’ai lu la brochure-réclame. Comme c’est bien présenté tout de même ! Ce n’est pas seulement de la réclame, c’est aussi de la littérature, presque de la poésie ! Un homme qui n’est pas malade et qui lit cela, ça doit lui suggérer l’idée qu’il n’est pas des mieux portants.

Et puis, comme ça traite des maladies les plus communes, il est bien rare que ça ne s’adresse à bon escient. Ça, c’est une caractéristique de l’époque. Avant on s’adressait au prêtre ou au sorcier, aujourd’hui on préfère le médecin et le pharmacien ; on aime mieux soigner le corps que l’âme et je crois que c’est plus raisonnable. Abstraction faite du [illisible] que contient cette brochure (la concurrence en fait une nécessité), je dois avouer que toutes les indications, les critiques de systèmes qui y sont développées me paraissent d’une rare exactitude, car j’ai pu les constater par de nombreuses observations faites sur moi-même. Ainsi, il n’est pas étonnant que j’aie l’appareil digestif détraqué, puisque certaines semaines j’ai eu absorbé jusqu’à 150 grammes de sulfate de soude ; j’ajoute que depuis vingt-six mois, j’en suis au moins à mon 500e lavement consécutivement administré, de sorte que j’ai de la chance de ne pas être encore plus malade que je ne le suis. À la dernière visite médicale, le médecin m’a dit que j’avais une entérite, et le Jubal étant justement le traitement spécifique de cette affection, ne vaudrait-il pas mieux que tu m’adressasses de cette spécialité au lieu du Globéol ? Ça coûte cher, c’est vrai, mais si ça devait me guérir, coquin de sort, cela en vaudrait la peine. Qu’en penses-tu ?

Mes deux flanelles commencent à être usées. Au prochain courrier, tu m’enverras donc deux gilets de flanelle sans manches auxquels tu auras soin de faire subir la préparation d’usage de façon à ce qu’après deux ou trois lavages, ils ne ressemblent pas à des maillots de nouveau-né. Des deux que j’ai en ce moment, il y en a un à qui j’ai dû mettre des pointes, des contre-pointes, des demi-lunes, des contrescarpes. Ce n’est plus un linge, c’est un château fort.

Alors tu désespères pour Yvonne ? Que veux-tu, il est bien difficile d’extirper les racines des idées, des habitudes données par la prime éducation. Ça peut se modifier, bien sûr, mais le milieu où elle est quasiment obligée de demeurer n’y est guère favorable.

Enfin, que veux-tu que je te dise?… Fais pour le mieux. À propos : j’oubliais de te dire que parmi les renseignements figurant au dossier de ta demande de grâce, il s’en trouve un disant que tu étais partie en Angleterre. L’agent qui s’est présenté chez toi pour prendre des renseignements a sans doute été mystifié par un voisin. Et c’est ainsi qu’on écrit l’histoire. Tu peux croire ce que je te dis. La personne de qui je le tiens est digne de foi et ses dires ne sauraient être mis en doute.

Amitiés à tous les camarades, à tante-, à ta bonne voisine- et à toi, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre

20 janvier 1911

Îles du Salut

Chère maman,

Tes lettres m’étant toujours remises après le départ du courrier, je n’y puis répondre immédiatement. Au fond, cela n’est pas gênant puisque je puis me rattraper au courrier suivant. Mes deux avant-dernières ont dû te suggérer mille suppositions fâcheuses tant elles étaient laconiques. Que veux-tu, ma bien bonne, j’étais tellement déprimé par la maladie ou, si tu aimes mieux, par le régime – l’un étant cause et l’autre effet, je crois que c’est la même chose -, que je ne savais quoi te dire. Le cerveau n’agit pas exactement à la manière des autres organes. Avec un peu de bon vouloir, au pis-aller, on peut toujours faire aller les jambes, les bras, les mains ; mais pour l’esprit, c’est autre chose. On a beau vouloir, dans ces cas, sa paresse est telle que rien ne peut la réveiller. Heureusement que cette crise n’a pas duré ; depuis quelques jours ça va mieux et je fais tout mon possible pour que cela continue.

22 janvier

Tiens ! à quels heureux concours de circonstances dois-je le plaisir de recevoir ta chère lettre du 12 décembre 1910 plus tôt qu’à l’ordinaire ? Qu’importe. L’essentiel est de l’avoir reçue. Pauvre mère ! je t’ai beaucoup chagrinée en te disant que je ne t’écrirais plus. Je t’ai dit cela dans un moment d’humeur, ma bien bonne ; il ne fallait pas s’y arrêter.

Comment veux-tu que je veuille sciemment te faire de la peine ? N’aie crainte, va ; à moins d’être puni, ce qui peut m’arriver au moment où je m’y attends le moins, sois assurée que je ne manquerai jamais l’occasion de te donner de mes nouvelles. Alors l’hiver est si rude que cela. Pourvu que tu ne tombes pas malade. Je ne fais qu’y songer jour et nuit. Ne te surmène pas toujours. Tu sais, lorsqu’il n’y a plus de santé, le reste ne vaut plus rien. Et, avec les bonnes nouvelles que Julien- t’a données et qu’il ne fera que confirmer à l’avenir, espérons-le pour lui et Dorothée-, il ne faudrait pas que tu fusses malade. Il faut, au contraire, que tu te portes très bien, que tu sois très contente, de façon à pouvoir les aider de ton mieux. Après la crise qu’ils viennent de traverser, un peu de bonheur leur est bien dû. Tout irait pour le mieux si Paul Reboul se rapprochait de tantine. Au demeurant, leur brouille n’a été qu’un regrettable malentendu et, comme toi, je pense que tantine, lors des prochaines vacances d’août, sera la première à lui tendre la perche. Au reste, Paul doit écrire à David et par ses confidences tu dois bien savoir le fond de ses intentions, qui ne peuvent être qu’excellentes[3]. Fais pour le mieux pour eux tous, ma bien bonne, puisque cela te cause un si sincère plaisir. Je conçois ce que tu me dis d’Yvonne ; mais qu’y faire ? Quoi qu’on en dise, on ne moule pas une mentalité à la façon d’un morceau de cire, surtout lorsque la prime éducation a été défectueuse.

Je crois avoir annoncé, dans ma dernière, la réception des dix colis, mais je n’en suis pas plus certain que ça. Je le répète donc pour te tranquilliser. La santé va de mieux en mieux. Faut-il en attribuer le mérite au Globéol ? Il y a tellement d’intérêts cachés derrière les pompeuses phrases de cette réclame que j’aime mieux attendre encore quelques jours avant de me prononcer.

30 janvier

La santé s’améliore, faiblement, bien sûr, mais le mieux gagne du terrain au lieu d’en perdre. Je t’ai dit de faire cette demande pour du lait, croyant que cet élément me guérirait ; mais pour ne pas changer, je crois t’avoir encore donné du tracas pour rien. Le lait me soulage, mais il ne me peut guérir. J’ai plus de confiance au Jubal que tu dois m’envoyer prochainement. À l’user nous verrons ses qualités. Au lieu de m’adresser un tas de denrées comme tu l’as fait, envoie-moi seulement quelques jolis harengs saurs, au lait. Pas en boîtes, simplement saurés. C’est ce qui me fait le plus de profit et stimule le mieux mon appétit. Emballe-les dans du papier imperméable, sinon avec la chaleur ils risquent de parfumer les autres colis. Joins à l’envoi un peu de poivre et de la poudre de malt. Écoute-moi une fois pour toutes et n’expédie plus de papier ni d’enveloppes puisque c’est défendu. De même à Joseph.

2 février

Ces derniers mois j’avais perdu du poids ; mais au pesage d’aujourd’hui j’ai regagné 2 kilos. Il est vrai que j’avais mes chaussettes… Je pèse 39 kilogrammes. J’en pesais 65 il y a un an.

7 février

Le scorbut a fini par m’atteindre. Ce n’est pas grave puisque selon certaine opinion la gravité d’une affection ne consiste que dans son exception. À ce compte-là, la tuberculose en Europe, le choléra dans l’Inde et la peste en Palestine n’ont rien de grave non plus. Ici, peu ou prou, tout condamné a le scorbut et je dois même m’estimer chanceux d’avoir pu l’éviter jusqu’à ce jour. Au début, le mal est vite enrayé. Dans quinze jours de régime, il n’y paraîtra plus. C’est pour m’en préserver que je t’ai demandé de la poudre de malt qui est un excellent antiscorbutique.

8 février

J’attendrais bien encore quelques jours, la fin du mois même, avant que de remettre ma lettre ; mais je dois comparaître devant la commission disciplinaire demain[4], de sorte qu’il est préférable d’en devancer la remise de plusieurs jours, de manière à ne pas te priver de mes nouvelles. Ce n’est pas que je doive certainement être puni ; selon moi, je devrais être justifié. Mais comme la perfection n’existe nulle part, sans récriminer, il vaut mieux en prendre son parti et tabler sur le pire plutôt que sur le mieux. Tu le croiras si tu veux, c’est une méthode philosophique qui ne m’a pas encore causé la plus petite des désillusions.

En relisant ta dernière lettre, je crois m’apercevoir que, de nouveau, te voilà lancée avec une foi à coup sûr sincère, mais aussi aveugle que sincère, dans les nuages de l’espoir. Tu crois à la bonté de certaines gens avec la conviction d’un musulman pour Mahomet. Soit.

Puissent les événements ne pas te retirer trop brusquement à tes rêves. Je ne t’en dirai plus rien, mais je te prie simplement de ne plus m’en parler. Fais comme tu l’entendras ; tout ce que tu feras aura toujours mon approbation et mes sincères remerciements, mais, je te le répète, ne m’en informe pas. Lorsque tu auras un résultat, vers l’an 2000 sans doute, alors tu m’en feras part. Jusque-là, mes idées, mes convictions et mes tendances me font un devoir d’avoir une croyance diamétralement opposée.

C’est tout juste si tu m’as dit deux mots de la sœur Thérèse, deux mots il est vrai qui sont éloquents. La brave femme ! et pourtant si heureuse. La vie d’abnégation et de douleur est bien le soufflet le plus ironique que l’on puisse appliquer à certaine morale. Et dire qu’avec un tel exemple, il se trouve encore des âmes aussi naïves que toi pour croire à la bonté chez des personnes qui ne peuvent faire que du mal ! C’est là pourtant un exemple frappant, tangible, indiscutable. Existe-t-il une autre personne au monde aussi bonne, autant dévouée, désintéressée, aussi héroïque même que soeur Thérèse ? C’est à se demander. Et pourtant, pas une vie n’a été si misérable que la sienne ; personne n’a subi autant d’avanies de toutes sortes que cette sainte femme. Heureuse est-elle d’espérer en la justice divine car sur cette planète, même en prenant le métropolitain, il est douteux qu’elle ne la rencontre jamais. Enfin, si, comme tu le supposes, Paul se rapprochait de tantine, cela serait un bien grand bonheur pour elle. Après tant de vicissitudes, ce serait quasiment le repos. Souhaitons-le-lui du fond du coeur et dans la mesure de tes moyens, emploie-toi-z-y de ton mieux, comme je te l’ai déjà dit plus haut.

Que te dirai-je encore, ma bien bonne ? D’employer tes efforts à ne pas tomber malade ; de me donner des nouvelles de Brun, si tu peux en avoir, ainsi que de Caba[5], d’Albert et toute la famille. À propos, et Honoré, sais-tu ce qu’il est devenu?

Amitiés sincères à tante, à ta bonne voisine, à Yvonne et aux camarades, et à toi, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre

12 mars 1911

Îles du Salut

Ma chère maman,

Hier, je suis sorti du cachot, après y avoir passé trente jours. J’y ai gagné, non pas le gros lot, mais ce qui vaut mieux, 3 kilos en poids. Drôle, hein ? Drôle, mais vrai pourtant, à moins que la balance… Le Globéol me réussit assez bien comme tu vois ; je me sens revivre. J’avais les nerfs comme des ficelles ; ils sont à présent comme des cordes à violon. Ça va mieux, beaucoup mieux. Et si le Jubal est aussi efficace pour l’estomac et les tripes que le Globéol l’est pour le sang, eh bien, je vais joliment me radouber. Je pense le recevoir à la fin de ce mois.

Si c’était bien vrai, au moins, que tu ne sois pas malade comme tu me l’assures dans ta lettre, ce que j’en serais heureux ! Toutes mes pensées gravitent autour de cette question : ta santé ! Avec ces sautes de température, ces froidures, ces brouillards, je crains toujours que tu ne rechutes encore. Pauvre sainte femme ! Il ne te manquerait plus que ça. Aussi, ma bien bonne, ne néglige rien, mais absolument rien de ce qui peut t’être utile pour te bien soigner, m’entends-tu ? Ne fais pas des économies de bouts de chandelle en te privant de ce qui peut te soulager. Je me languis que la bonne saison arrive. Je serai moins soucieux pour toi. En juillet ou en août, pourquoi n’irais-tu pas passer quelques semaines à Chatou ? L’air y est pur, le site charmant. Qu’en penses-tu ? Chatou vaut mieux, en tout cas, que Levallois qui n’est après tout qu’une extension parisienne.

Certes, pour bien des motifs, il est possible que tu ne partages pas ma façon de voir. Ton travail, tes amies, etc. Mais ce qu’il faut considérer surtout, ce sont les personnes chez qui l’on va. À Chatou, c’est de la famille ; tandis qu’à Perret tu ne connais même pas le nom, puisque tu t’es contentée d’un prénom pour le nommer. Enfin, cela te regarde, au fond. L’essentiel, c’est que tu ne te tues pas à l’ouvrage, que tu te reposes et prennes un peu d’agrément à l’occasion. Si tu savais, ma bien bonne, comme ça m’est pénible de lire tes usines, tes collègues et tous les coquins du diable qui les [illisible]. Je te l’ai dit déjà, que tes [illisible], je te le répète et à ma prochaine, s’il le faut, je le mettrai en musique : ne me parle plus de ces choses-là, en ces termes surtout.

Ça t’étonne que l’on m’ait représenté sous de si sombres couleurs ? Moi, pas. Comme dit l’autre, avec une légère variante, quand on a noyé son chien, on s’en excuse en prétextant qu’il avait la rage. Mais ce qui me surprend, c’est le conseil que tu me donnes en me disant d’écrire, de me justifier. Ah ! celle-là elle [illisible], par exemple ! Doublement victime et trois fois dupe, il faudrait que je me justifiasse, par-dessus le marché ? En premier lieu, n’oublie pas que neuf fois et demie sur dix, se justifier c’est s’accuser. Secondement, s’il fallait démontrer que deux et deux font quatre, de ne pas le faire, cela les ferait-il être cinq ? Je n’ai rien à écrire à ce sujet. Ma propre estime et celle de ceux qui me sont chers me suffisent. Il est bien regrettable que je ne puisse t’exprimer toute ma pensée à cet égard. Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son, et celle qui a pu vibrer à certaines oreilles était bougrement fêlée. Ainsi, moi qui étais acteur autant que spectateur, je n’ai connu le fin mot de l’affaire que quinze mois après, et tu voudrais que des gens qui n’en ont été informés que par des on-dit pussent connaître la vérité. Laisse dire et laisse faire, ma bien bonne. Ne te fais pas de la mousse pour ces bêtises-là ; crois-moi. T’y intéresser, ce serait leur accorder une valeur qu’elles n’ont pas.

16 mars

Décidément je ne sais pas dans quelles eaux tu navigues pour aller pêcher de pareilles idées. Franchement, je suis navré de te voir couper dans le panneau vernissé, truqué et caduc des conventions sociales. C’est en appréciant les hommes et les choses à travers le prisme de ses intérêts que l’on commence par des capitulations de conscience et que l’on finit dans la boue. Je crois te l’avoir dit déjà, c’est là une gymnastique à laquelle mon cerveau n’est pas exercé et je ne tiens nullement à ce qu’il le devienne. Tu ne sais pas, pauvre mère, et ceux qui te conseillent ne savent pas non plus, sinon vous ne me tracasseriez pas tant pour mériter ce que tu appelles bien improprement une amélioration à mon sort. Mazette ! tu en as de bonnes, sais-tu, pour désigner le grand art des cabrioles morales. Grande sagesse, ça c’est tapé. Sais-tu ce que c’est que la grande sagesse ? Figure-toi un chien à qui son maître ou son ennemi – c’est la même chose – allonge un fort coup de pied dans les environs de la queue. Pleurnichant, la bête se sauve et va se tapir dans un coin. Quelques minutes après, ayant besoin de lui, l’homme le rappelle et pour l’engager à venir, lui présente un morceau de sucre. Et l’animal, qui sait faire preuve de grande sagesse, accourt, tortillant la queue, l’échine basse, happe sa récompense et, tout en la dégustant, il songe que si les coups sont amers, le sucre est fameusement doux. Ma foi ! pour un chien c’est pas mal raisonner, pas vrai ; mais pour des hommes… C’est comme ton grand coeur et ta haute intelligence. Autre perle. Pourquoi pas tolstoïste. Dans un salon, la nuit, en se tenant dans l’ombre, je ne dis pas, bien maquillé, ça peut paraître ainsi ; mais en plein soleil, au pied du mur, ce n’est pas sans un frisson dans le dos que l’on songe, par comparaison, ce que ce serait si l’intelligence était basse, le coeur étroit. Brrr ! tout ça, ma bien bonne, c’est de la blague ; ça ne vaut pas un pet de lapin. Au-dessus du convenu il y a le vrai, le beau, le juste. C’est là une vérité qu’il ne faut pas perdre de vue et ne pas en faire litière lorsque l’intérêt semble l’exiger. D’abord, sainte femme, tu te chagrines bien mal à propos. Tu te donnes du mal, au fond, pour une chimère. Tu me crois malheureux et je le suis beaucoup moins que tu ne penses. Le malheur ne résulte pas des situations, mais plutôt des idées que l’on s’en fait. Et c’est précisément parce que je vois les choses sous un autre jour que le commun des mortels que je suis moins malheureux dans un cachot que bien des gens qui passent pour heureux ne le sont dans leurs salons. Il n’y a qu’une chose qui me pourrait toucher : ton malheur, si tu étais malheureuse. Je te sais à l’abri d’un besoin immédiat et cela me console un peu. Je ne crains pour toi que la maladie. C’est pourquoi je te le dis encore une fois, laisse pisser le mouton ; ne te mets pas martel en tête à cause de ma réclusion.

À l’heure présente, j’ai le sang rajeuni, les nerfs solides et la viande dure. De bric et de brac je terminerai, j’irai jusqu’au bout des quinze mois qu’il me reste à faire. Nous verrons après. D’ici là beaucoup d’eau aura passé sous le pont.

Remercie bien les personnes qui ont bien voulu s’occuper de nous. Dis-leur qu’il n’y a rien à faire – c’est rigoureusement vrai d’ailleurs -, réglementairement avant 1915, aucune amélioration ne pourra être accordée. Reste chez toi, bien tranquille ; va ton petit train-train, sans plus rien solliciter, ni demander. Ton amour maternel t’aveugle, ma bien bonne ; tu ne t’aperçois pas que tu dois importuner ces personnes. Et enfin attends-toi, sinon à voir le Messie, du moins à recevoir de bonnes nouvelles de son prophète.

Amen !

17 mars

Réponse à ta lettre du 23 janvier 1911 que j’ai reçue il y a bientôt un mois. Ta, ta, ta, ta, qu’est-ce que tu me racontes là ? As-tu besoin de ces personnes ? Non, pas vrai ? Alors pourquoi t’occuper d’elles ? Nous ne leur devons rien, et n’oublie pas qu’à leur tour, elles ne nous doivent pas davantage. Oui, je sais. La solidarité, le dévouement réciproque auxquels on était en droit de s’attendre, etc., que de phrases banales et creuses. Ces parents-là, l’un d’eux surtout, sont plutôt des arrivistes que des camarades. Plaignons-les, mais ne les imitons pas. Il ne te manquerait plus que ça que d’aller t’empêtrer dans de telles histoires. Vraiment, je ne sais pas à quoi tu penses. Bref, n’en parlons plus. Octave en serait trop heureux.

18 mars

Depuis le 24 février, je n’ai plus reçu de lettres. Au courrier français, le plus régulier d’ordinaire, rien. Rien ce n’est pas le mot, j’ai reçu les colis, mais de lettres point. La police parisienne a dû les intercepter, de sorte que je ne les recevrai pas avant le prochain courrier. Pourquoi ne mets-tu pas en grosses lettres : « Rien d’intéressant pour les curieux » ? Je les recevrai peut-être plus tôt. Quel tracas pour ce lait et ce chocolat. À force de démarches, j’ai eu le lait par autorisation médicale ; quant au chocolat, il a été saisi, le pauvre ! et expédié au notaire-greffier, puis au commissaire-priseur de la colonie pour être vendu. Si tu n’écoutais pas ce que je te dis à la façon dont le Grand Turc écoute les bulles du pape, tu n’aurais pas gaspillé de l’argent inutilement. J’ai touché également Globéol et serviette. Ainsi c’est bien compris, n’est-ce pas ? Sauf le Jubal qui est un médicament que le docteur me fera toujours remettre, ne m’envoie plus rien comme denrées, à moins que je t’en fasse la demande, car dans ce cas j’en aurai la permission.

22 mars

Enfin, des nouvelles. Je reçois quatre lettres, une du 6 février et trois du 13. Pauvre mère ! que de tracas je te donne. Comme si ce n’était pas assez que les colis que tu m’adresses ne soient saisis en partie, voilà que la poste te cherche des querelles d’Allemand. Tout ça c’est la police qui le suggère. Pourquoi ? Ma foi, je n’en sais rien. Je comprends bien qu’il y a une anguille sous roche, mais je ne puis arriver à déchiffrer le fin mot. Patientons, ma bien bonne, ne nous plaignons même pas. Ce que l’on veut, ce que l’on cherche à provoquer, c’est la suppression des colis à mon adresse. Eh bien, contente le bon sort ! À part le Jubal, ne m’envoie plus rien. En ce moment, je suis bougrement retapé, va. Ces quelques boîtes de lait m’ont permis de pouvoir rétamer mon estomac qui, à te dire vrai, en avait grand besoin. Je ne pouvais plus, mais absolument plus digérer.

À présent ça coule comme un fleuve, ça glisse comme un lancement de bateau. Plus tard, si ça me reprenait, je t’en informerais et tu m’en enverrais encore quelques boîtes puisque j’ai obtenu l’autorisation médicale ; mais pour le moment, écoute-moi, ma bien bonne, ne m’envoie plus rien ; cela me cause bien des ennuis. Il me faut subir des propos peu plaisants, des mesures régulières mais rigoureuses, et par-dessus le souci du chagrin que tu dois éprouver à la nouvelle que ce que ton cœur de sainte mère te fait un devoir de m’envoyer ne m’est même pas remis. Et puis, pour te dire vrai, le chocolat je n’y tiens pas plus que cela. J’en donnais la plus grande partie à des camarades malades. Dans ce lieu c’est la misère et la souffrance qui règnent. Je ne suis pas le seul à ne me pas bien porter. Les maux qui m’atteignent n’épargnent pas les autres, puisqu’ils sont inhérents au régime. Même, je suis des plus heureux d’avoir une mère comme toi. Bon nombre n’ont personne ; isolés, perdus au fond de ce gouffre, ils ne vivent que pour souffrir, comme d’autres ne vivent que pour jouir. Alors tu comprends, ce peu de chocolat, ce n’est pas ça qui peut les guérir, certes, mais ça leur faisait plaisir ; c’était un pâle rayon de soleil dans leur sombre existence. Et j’étais encore le mieux partagé par la satisfaction que j’en éprouvais. Bref, n’en parlons plus ; n’en envoie plus, puisque cela déplaît à l’autorité. Amen !

Ainsi Louise habite pour ainsi dire avec toi. Tant mieux. Console-la, pauvre femme ! La douleur qui l’a frappée est de celles que le temps seul apaise sans les guérir jamais. Bientôt je retournerai à Saint-Laurent revoir ces tristes lieux, qui me raviveront des souvenirs plus tristes encore. Pauvre André[6] ! je le revois encore décharné, squelettique, rongé de fièvre et de dysenterie, me racontant les méchancetés dont il fut victime de la part de ses voisins de cellule et d’hôpital. Il conclut, devant tant de lâcheté et de cruauté : «Et dire que Jean-Jacques soutient que l’homme naît bon… » La douleur, la misère l’égaraient. S’en tenant aux effets sans rechercher les causes, il jugeait sévèrement des inconscients que l’ignorance et le milieu excusent pourtant. Au fait, n’ai-je pas fait pire ? Je ne m’en suis pas tenu aux propos, j’ai agi ; j’ai jugé irrémédiablement et… je me suis trompé. Quelle leçon ! Quel regret!…

Que se passe-t-il donc de si extraordinaire ? Peuh ! du moment que tu m’assures que ta santé est satisfaisante, qu’importe les événements généraux. Laissons les pitres déclamer leurs boniments, les saltimbanques faire leurs tours d’adresse. Espérons, espérons en des jours meilleurs. Soigne-toi bien ; ne fais pas d’imprudences et laisse tourner la terre.

La bonne saison approche. Lisa sera bien contente de pouvoir te faire plaisir tant elle est serviable, de même que Paul, du reste. Tu verras qu’à la fin de l’été, ils ne manqueront pas de t’inviter à aller passer quelques mois à la campagne[7]. Ça te fera du bien.

D’ici là, va ton petit train-train sans te chagriner. Je me porte fort bien, toi aussi, que veux-tu de plus ?

Sincères amitiés à Louise, à tante-, à tous nos amis et à toi, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre

P.-S. Tes derniers colis, expédiés par courrier hollandais sont arrivés, mais sauf le lait, du moins je le pense, ils subiront le sort des précédents : saisis et vendus.

14 avril 1911

Îles du Salut

Ma chère maman,

Par extraordinaire, j’ai reçu hier ta chère lettre du 12 mars. Comme toujours, tu te chagrines pour peu de choses. Il est vrai que cette fois, j’en suis un peu la cause, car en t’annonçant les nouvelles poursuites dont j’étais l’objet, j’aurais pu être plus rassurant.

Je n’ai rien de neuf à t’annoncer à ce sujet. Une manière d’instruction a été faite, mais aucun des témoins cités n’a été interrogé. D’ordinaire, la session du tribunal a lieu au mois d’avril, quelquefois au mois de mai. Si l’ordre de mise en jugement est prononcé, je comparaîtrai donc le mois prochain, très probablement pour y être acquitté ou, au pire, très certainement pour entendre prononcer la confusion des peines : celle qui peut m’être infligée avec celle que je subis en ce moment[8]. De sorte que ce grand malheur se réduit aux petits tracas d’une villégiature à la sous-préfecture guyanaise. Amen !

Dans ma dernière, je t’avais donné à entendre que le colis contenant des sardines, du chocolat et des enveloppes ne me serait pas remis. La prévision s’est réalisée. Il a été saisi et vendu. Quant au lait, sur les six boîtes, je n’en ai reçu que cinq, la sixième étant allée s’éventrer dans le bureau du receveur-général à Cayenne. Laisse courir. La sauce te reviendrait plus cher que le fricot. Les trois colis du courrier suivant m’ont été remis intégralement, même le chocolat. Bien entendu, ce n’est pas une raison pour que tu m’en envoies encore. Sauf le Jubal, de la lecture et du linge lorsque je t’en ferai la demande, ne m’adresse plus d’aliments. C’est bien compris, n’est-ce pas ? Ce serait perdu.

20 avril

Je m’attendais à recevoir une seconde boîte de Jubal ces jours-ci, mais je n’ai reçu que ta lettre du 22 mars. Ce sera sans doute pour la fin du mois, au courrier français. Bien que je sois très sceptique quant à l’efficacité des spécialités pharmaceutiques, je dois convenir que dans le court espace de vingt jours, j’ai obtenu des résultats inespérés, résultats que n’avaient pu obtenir trente mois de médication… réglementaire. Je suis réellement en bonne santé et je désirerais bien pouvoir continuer la cure de Jubal pendant un semestre.

Tu feras donc pour le mieux, ma bien bonne. Je sais que si tu ne m’en as pas envoyé à ce courrier, c’est que tu n’as pas pu le faire, ou plutôt que tu as pensé qu’une boîte me ferait l’usage d’un mois. Les dernières me feront plus d’un mois ; mais au début, l’intestin est tellement paresseux qu’il m’en faudrait bien trois boîtes pour deux mois.

Je conçois qu’Élise soit impatiente, d’autant plus qu’elle n’est pas très au courant des démarches commerciales entreprises par Paul. Elle le sera moins, espérons-le, dans quelques mois, pas avant le mois d’août comme tu le supposes, lorsque Reboul ira se reposer quelques semaines à la campagne. Éloigné de sa femme, il sera sans doute moins réservé et lui expliquera tout au long ses espérances, et leur union depuis si longtemps projetée se réalisera peut-être enfin.

21 avril

Il y a aujourd’hui huit ans que je quittais Paris pour n’y plus revenir. Comme c’est loin tout ça et pourtant il me semble que ce n’est que d’hier. L’avenir sera-t-il meilleur? Espérons-le tout en nous contentant du présent ; puisque nos santés sont bonnes, c’est l’essentiel.

27 avril

Je ne peux pas encore partir pour Saint-Laurent. Sans doute dans les premiers jours du mois prochain, si toutefois la session n’est pas reculée au mois suivant ; cela arrive parfois. Au fond, peu importe. Il vaut même mieux que ce soit un mois plus tard que plus tôt, à cause du mauvais temps : depuis cinq mois les grains font rage, kif-kif le déluge. Les sinistres maritimes n’ont pas dû être rares dans la région, et les requins ont dû se trouver à la fête. Il faut bien que tous les êtres se régalent.

J’ai lu le morceau choisi du Petit Parisien. Bien informé, hein, ce « trois-millions-d’électeurs

». Laisse-le chanter.

28 avril

Le courrier n’est pas encore arrivé, que je sache ; de sorte que si je pars après-demain pour Saint-Laurent, je ne toucherai le ou les colis que je pense recevoir qu’à mon retour. C’est bien ennuyeux à cause des remèdes. Enfin, j’espère que ces quelques jours de retard ne suffiront pas au mal pour reconquérir le terrain perdu.

Je suis très satisfait des gilets de flanelle. Encore que lavés plusieurs fois déjà, ils n’ont pas bronché. Cela doit tenir surtout à la qualité de l’étoffe. Au prochain courrier ou au suivant, cela ne presse pas puisque nous allons entrer en la saison sèche, tu m’enverras un jersey en laine gris mais simple, sans gris-gris. Choisis-le de manière à ce qu’il ne subisse pas le sort des précédents avec lesquels j’ai dû me confectionner des chaussettes, tant ils se rétrécissaient par le lavage. Les nuits sont parfois si fraîches que ce linge m’est bien utile.

29 avril

Le courrier est enfin passé ce matin ; mais je n’aurai de tes chères nouvelles qu’après-demain, si toutefois je ne pars pas avant.

Amitiés sincères aux camarades, à ta bonne voisine, à tante – remercie-la bien pour le chocolat – ainsi qu’à Louise, et à toi, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre

21 mai 1911

Saint-Laurent-du-Maroni

Ma chère maman,

Ce mois-ci je n’ai encore reçu qu’une seule lettre de toi ; cela tient sans doute à mon transfert ; le courrier hollandais et l’anglais ont dû être expédiés aux îles tandis que je suis à Saint-Laurent depuis trois jours. N’importe, je les recevrai toujours.

N’ayant pas encore reçu le procès-verbal notifiant l’ordre de mise en jugement, j’ignore la date de notre comparution (car Joseph est également ici) ; mais je présume que ce sera dans les premiers jours de juin. Pour l’instant je ne puis rien te dire de nos moyens de défense, tu dois concevoir pourquoi, mais je puis t’assurer que, de toutes les manières, il ne peut rien, absolument rien en résulter de pénible pour nous. Je t’en expliquerai le pourquoi avec moins de réserve dans ma prochaine lettre, après comparution.

Ta chère lettre du 6 avril m’a causé beaucoup de plaisir. J’ai vu qu’Élisabeth avait su fort bien comprendre le sens des démarches que Paul s’était promis d’entreprendre pour Auguste. C’est un bien brave parent. Cœur excellent, plein de dévouement et de générosité, intelligent et ne manquant pas d’initiative, il est probable qu’il saura relever les affaires de son frère. Il n’y a rien de certain, bien sûr. En matière commerciale, il y a toujours de l’imprévu ; il faut compter avec le crédit, la concurrence, le caprice de la clientèle, etc. Mais crois-tu qu’il ne vaut pas mieux qu’Auguste se soit adressé à lui plutôt que de s’acheminer à une déconfiture quasi inévitable ? Du reste, dans quelques mois, j’espère que tu me donneras de leurs nouvelles, bonnes plutôt que fâcheuses. En attendant, adresse-leur à tous ma sincère amitié[9].

Il ne faut pas te chagriner comme ça, ma bien bonne, lorsqu’il n’y a pas lieu surtout. À moins de purger une très forte peine de réclusion ou de subir souvent du cachot, nous n’avons pas le scorbut à la façon des marins qui séjournent aux régions polaires. C’est moins grave. D’ailleurs c’est une des maladies inhérentes au régime pénal que l’on combat avec le plus d’efficacité grâce au citron, à une variété de cresson et au lait de coco que l’on donne à ceux qui en sont atteints, même quelquefois à titre préventif. J’ai suivi ce régime pendant quatre mois et m’en trouve fort bien. Il me tarde d’être retransféré à la réclusion afin de pouvoir le continuer.

La boîte de Jubal que tu m’as envoyée en avril m’a été remise ainsi que la poudre de malt ; mais tout le restant a été saisi et vendu conformément à la règle. C’est te dire, te répéter de ne plus m’envoyer d’aliments. De même à Joseph.

À propos de Joseph, il n’exagérait pas en se plaignant d’être malade. Chétif de son naturel, ces trente mois de détention cellulaire l’ont beaucoup débilité. À lui envoyer quelque chose, un flacon de Globéol ferait mieux son affaire qu’un dictionnaire. Heureusement pour lui qu’il ne tardera pas à être libéré (le 17 du mois prochain), car s’il lui fallait purger seulement une année de plus je ne sais pas trop s’il en verrait le terme[10].

Je ne suis pas des plus robustes non plus ; je suis le courant de la mode contemporaine : je me dégonfle ; chaque mois, au pesage, je constate la perte d’un ou deux kilos. Arriverai-je à devenir plus léger que l’air ? Cependant, le moral est on ne peut meilleur. Stabilité et énergie parfaites. Amen !

Bien sûr qu’il te faut aller voir Jacques de temps à autre. Fréquentation banale, mais qui pourra t’être utile à l’avenir. Pour tantine cela n’est que secondaire. Je conçois ta déception à l’endroit de la cousine; mais il faut compter avec ces choses-là dans la vie et y songer avec indifférence plutôt que d’en être peinée. Tu as raison d’être réservée. Là où règne un égoïsme étroit, la franchise devient un défaut. Constate, apprécie et laisse courir. L’essentiel est que tu ne sois pas malade, ce que j’espère. Quant au restant… Peuh!

N’oublie pas de remercier chaleureusement les personnes qui ont eu la générosité de s’occuper de moi ; pas en mon nom : on ne tient pas, dans ce monde-là, aux remerciements d’un forçat, mais au tien propre. À défaut de réciprocité, soyons reconnaissants par la politesse, puisque nous manquons d’autres moyens.

En attendant de tes chères nouvelles, amitiés sincères à ta bonne voisine, à tante, aux camarades, et à toi, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre

24 juin 1911

Saint-Laurent-du-Maroni

Chère maman,

J’ai comparu hier. Le tribunal, acceptant mes conclusions, a renvoyé l’examen de l’affaire à une prochaine session, pour plus ample informé, aucun témoin n’ayant été interrogé.

Je vais donc retourner aux îles du Salut pour ce supplément d’information et reviendrai à Saint-Laurent vers le mois de septembre. À moins d’acquittement, ce qui est fort probable, j’espère pouvoir m’offrir un troisième voyage, toujours avec la même affaire. Quelle riche idée a eue le ministre de me faire poursuivre. Cela brise un peu la monotonie du régime réclusionnaire. Ça distrait, ça dore la pilule du temps.

Malheureusement, il y a le revers de la médaille. Chaque fois que je viens dans ce pays, j’y tombe malade. C’est le paradis des escargots ; il y pleut presque tout le temps. De là des températures insupportables, malsaines. J’ai pris froid et pendant quinze jours, j’ai dû garder la planche. Une autre diarrhée et gastro-entérite. Ce n’est pas gai. Bien sûr, j’avais et j’ai encore du Jubal ; mais bien que ce médicament possède de réelles qualités laxatives, il n’est pas de force à lutter contre l’infection microbienne produite par le régime pénal et alimentaire. C’est excellent pour un habitant de la chaussée d’Antin ; c’est insuffisant pour un forçat. La Maya bulgare, qui est pourtant moins chère, lui est bien supérieure car, au moins, elle désinfecte l’appareil digestif.

Tu me demandes si je veux encore du Globéol. Mais, ma bien bonne, c’est demander à un noyé s’il veut une bouée de sauvetage. Tu devrais comprendre que tout ce qui est capable de donner de la force, de fortifier le sang, de reconstituer de la chair et de désinfecter le tube intestinal, le gros intestin surtout, ne peut que m’aider à me relever. Si tu voyais comme je suis étique ! Je ressemble un peu à ces maquettes qui sont à la montre des marchands de pièces anatomiques. Au fond, ce n’est rien, car la maigreur n’exclut pas la santé. Néanmoins, un peu de viande sur les os ferait bien mon affaire. D’autre part, je n’ai pas le sang bien propre et, faible comme je suis, je ne puis supporter l’iodure de potassium. J’ai des boutons scorbutiques qui ressemblent à des scrofules. Le sang en est noir comme de l’encre et en séchant, ça laisse des marques comme des grosses lentilles. Si tu crois que l’Urodonal puisse m’en débarrasser ? Renseigne-toi et fais pour le mieux. Il vaut mieux se fier aux lumières d’un médecin qu’au tam-tam d’un prospectus. Bien entendu, tiens-t’en aux médicaments ; plus d’aliments. Tu peux m’adresser de la lecture de notre bibliothèque, on m’a toujours permis de la recevoir, à moins d’être puni. Dans ce cas, on ne me la remet que plus tard, un mois après avoir subi la punition, de sorte que ce n’est jamais perdu. Avant d’envoyer de nouveaux colis à Joseph, tu m’informeras toujours de ce qu’il te demande avant de le satisfaire. Ce n’est pas le moment de dépenser inutilement de l’argent. C’est bien compris, n’est-ce pas ?

Pour Chatou, en effet, Élisa s’est un peu trop pressée. Que diable ! aux environs de Paris, ce n’est pas comme dans le Var ; le soleil y étant plus rare, les cerises y mûrissent un peu plus tard. En réfléchissant, si Élisa, à cause du dérangement, préférait la Bouletterie plutôt que Chatou, ce serait bien facile : elle n’aurait qu’à l’écrire à Paul.

26 juin

Pas de chance ! Comme si ce n’était assez du reste, me voilà atteint de névralgies faciales. Quel supplice ! Et avec ça des soins inexistants, pas même un analgésique. Tu dois penser s’il me tarde de me retrouver à la même réclusion cellulaire. Mal que mal, j’y aurai au moins des soins médicaux.

29 juin

Partirai-je sous peu ou bien prétend-on me faire rester ici jusqu’à la prochaine session ? Dans ce dernier cas, je ne manquerai pas de me plaindre au gouverneur, car cela ne me paraît pas régulier. C’est aux îles que l’information doit être faite et non pas ici. Au fond, je m’inquiète peut-être à tort et ne tarderai pas à être dirigé sur les îles. Si je m’y trouve avant le 3, date où passe le courrier, tu auras ma lettre comme à l’ordinaire, c’est-à-dire le 24 ou 25 juillet ; mais si je suis transféré plus tard, tu ne la recevras pas avant le 24 ou 25 août. C’est justement ce qui me chagrine le plus, tant pour la peine que tu vas éprouver en ne recevant pas de mes nouvelles que pour le retard que cela va apporter à ce que je te demande. Je t’aurais bien écrit plus tôt, mais pour te dire quoi? Que j’étais bien malade ? Et puis je me trouvais tellement à bout de souffle que c’est tout juste si j’aurais pu te griffonner quatre lignes. Tu en aurais donc été plus chagrinée encore. Tandis qu’aujourd’hui je puis t’annoncer un mieux sensible. Si ce n’étaient ces maudites névralgies, ça pourrait encore passer par force. Le scorbut semble s’améliorer ; l’haleine n’est pas autant fétide, le goût moins atrophié. Je puis manger le pain. La diarrhée, plus rebelle, est cependant moins forte. Que veux-tu que j’y fasse ? Rien. Je patiente dans l’espoir de pouvoir me remettre à flot avec les médicaments que tu m’enverras. Mais d’ici là, c’est long et c’est pénible. Enfin…

J’oubliais de te dire que Me Félix Hersil a bien voulu se charger gracieusement de notre défense. À propos de cette affaire, ce qui me turlupine le plus, c’est qu’il est presque certain que nous serons acquittés. Alors adioù botto pour le troisième voyage. Il est écrit que je n’aurai jamais de chance !

Puisque j’y pense autant te le dire tout de suite. Envoie-moi un couvert en bois, cuiller et fourchette. J’éviterai ainsi un tas de maladies en mangeant avec la cuiller de n’importe qui.

10 juillet

Pas encore parti et toujours malade. Je n’en puis plus. Je passe les jours et les nuits à la selle : diarrhée et glaires sanguinolentes. Ça m’épuise. J’ai bien encore du Jubal cependant ; mais je le répète, il ne m’est d’aucune efficacité. Toute cette réclame à grand orchestre, c’est du charlatanisme. C’est un moyen comme un autre de pêcher des pièces de cent sous avec grâce, sans violence, rien plus. À la place des deux boîtes de Jubal que j’ai reçues hier, j’aurais mieux aimé des comprimés de Maya bulgare. Mais, ma bien bonne, tu ne pouvais savoir. Si seulement j’allais aux îles dans quelques jours, il me semble qu’avec des soins je pourrais encore me relever ; mais si je dois rester ici jusqu’à la prochaine session, je crains bien que ce soit la dernière étape. C’est le régime alimentaire qui aggrave mon mal. Il ne faudrait pas que je mangeasse de viande, de féculents, et il n’est composé que de cela. Si tu savais…

Je n’ai plus que peu de place. Je vais me résumer. J’ai reçu également trois paires de chaussettes qui m’ont été données et un chandail qui m’a été saisi parce qu’il n’était pas blanc. Remarque que le commandant des îles m’avait permis de le recevoir gris clair. J’ai écrit au directeur et j’attends sa décision. Il ne faut pas, parce que je t’expose franchement ma situation sanitaire, t’alarmer comme tu as coutume de le faire. Ça ne sert à rien. Va voir le docteur et remets-t’en à ce qu’il te dira pour l’envoi des médicaments. Ne te fie plus au tam-tam de la réclame. Il n’est pas utile pour le moment que tu m’adresses de la lecture. Je n’ai pas la tête à lire. Tu m’en enverras, non pas une grande quantité comme tu as coutume de le faire, mais un volume par courrier ou deux ou trois Feuilles littéraires, mais pas avant le mois d’octobre. Pour Joseph, c’est bien compris, hein ? Il ne mérite aucune bonté, pas la moindre. De nature profondément égoïste, la misère, loin de le rendre meilleur, l’a affreusement perverti.

13 juillet

Ça ne va pas mieux, mais ça ne va pas plus mal. Ce matin, j’ai passé la visite médicale et j’ai obtenu un peu de soins qui, je l’espère, me seront efficaces. Ne te fais pas du mauvais sang, ma bien bonne. Dans quelques jours, j’irai mieux et je surmonterai cette crise comme j’en ai surmonté tant d’autres déjà.

Si cette personne connaissait un Payan de Mempenté de l’endroit ça serait, je crois, le plus heureux pour Auguste. J’ai reçu la lettre de Jeanne, mais je ne puis lui répondre ; les règles s’y opposent. Il ne m’est permis d’écrire qu’à mes ascendants ou descendants.

En attendant de tes chères nouvelles, reçois, ma bien bonne, mes plus tendres et affectueuses caresses,

Alexandre


[1] Il s’agit de la loi instituant la peine de travaux forcés avec transportation dans les colonies.

[2] Allusion aux démarches entreprises auprès de personnalités politiques par Marie Jacob, démarches qui se poursuivront tant que durera la détention de son fils.

[3] Jacob emploie plusieurs noms de code pour parler de lui dans des situations différentes ; il semble être à la fois Julien et Paul. Julien pour l’affaire passée avec Joseph (vraisemblablement Dorothée), Paul pour une nouvelle tentative qui apparaît pour le coup administrative. La brouille entre Paul et tantine est certainement un problème de réception de courrier entre Jacob et sa mère.

[4] Jacob s’y verra notifier une punition d’un mois de cachot.

[5] L’unique mention de ce nom ; au même titre que M. Brun, peut-être un ancien complice de Jacob.

[6] André, on le sait par la lettre du 22 février 1910, était un ami de Jacob qui pouvait faire passer du courrier clandestin. Il est vraisemblablement mort et Jacob regrette des reproches qu’il a dû formuler à son égard, ignorant du sort de son camarade.

[7] Jacob semble bien parler d’une nouvelle tentative d’évasion au travers de l’image du séjour à la campagne.

[8] Jacob sera finalement acquitté le 22 novembre suivant.

[9] Le projet d’évasion dont parlait Jacob précédemment semble avoir échoué ; la métaphore de la difficulté du commerce décrit cet échec, qui pourtant ne paraît pas avoir de trop grandes conséquences, cela aurait pu être pire. Notons que Jacob dédouble encore son personnage (Paul et Auguste) pour mieux brouiller la lecture de l’administration pénitentiaire (Élisabeth).

[10] En fait, Ferrand sera condamné, lors de l’audience qui jugeait les faits survenus à bord du Maroni, à une année de réclusion supplémentaire pour sa tentative d’évasion.

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