Lupinose en bulles
La sortie du Journal d’un anarchiste cambrioleur chez Sarbacane en janvier dernier n’est de toute évidence pas passée inaperçue et c’est tant mieux. L’ouvrage le mérite amplement. La couverture médiatique, émanant surtout de la presse spécialisée, révèle la qualité de la bande dessinée retraçant une partie de la vie de cet honnête homme que fut Alexandre Jacob. Elle a de quoi attirer, bien évidemment, l’œil averti des amateurs de bulles, elle retient aussi l’attention des sectateurs de la muse Clio ou encore celle des lecteurs de feuilles régionales. Ainsi, pourra-t-on apprendre que Gaël Henry, le dessinateur, dédicace son livre dans une librairie de Lille ou que Vincent Henry, le scénariste, n’a pas imaginé la fin de la vie de « l’Arsène Lupin de Reuilly » ! Mais rares sont les papiers ne versant pas dans l’amalgame entre le réel et l’imaginaire.
Si certains propos usent du conditionnel, la plupart d’entre eux affirment, par facilité et quitte à réécrire l’histoire selon leur a priori tout en pratiquant une espèce d’inversion dialectique et anachronique, la filiation entre l’illégaliste anarchiste et le gentleman de Maurice Leblanc. Le milieu anar peut alors « sortir ses griffes » ; Alexandre Jacob serait … est qui vous savez. On finit même pour quelques articles par se demander si les auteurs ont réellement lu l’ouvrage qu’ils recensent. Mais oui, on peut être voleur et honnête. Mais oui l’homme fut d’abord anarchiste avant de devenir un criminel. Le contraire rend d’ailleurs l’histoire inopérante. Elle est plus complexe que celle d’un fait divers hors norme. Si multiforme et malaisée, que la lupinose apparait comme un paramètre aussi appétissant que le hamburger vedette d’une grande chaîne de restauration rapide. On lit, on consomme mais la digestion est, elle, nettement plus tendue, à la hauteur du simpliste et prémâché propos écrit. Reste quelques tâches de gras …
N°1061
6 novembre 2015
Vols de nuit
BD France
Alexandre Jacob a fait l’objet de cinq biographies entre 1950 et 2012. Mais la vie de cet anarchiste-cambrioleur (1879- 1954), qui conduisit à la tête d’une équipe de « travailleurs de la nuit » près de cinq cents cambriolages entre 1899 et 1905, reste mal connue. Vincent Henry (l’éditeur de La Boîte à bulles, au scénario) et Gaël Henry resituent avec brio la trajectoire de cet aventurier de la Belle Epoque qui volait pour « donner aux pauvres » et au mouvement anarchiste. Ce Robin des Bois moderne inspira à Maurice Leblanc le personnage d’Arsène Lupin. Mais il ne se réduisait pas à l’élégance morale, à l’humour et à l’éloquence de son double de papier. Alexandre Jacob était d’abord caractérisé par son enracinement social et son indéfectible engagement politique anarchiste. Le grand mérite du travail apparaître les débats qui traversèrent le mouvement ouvrier émergeant sur les moyens les plus pertinents de parvenir à davantage de justice sociale, et sur les frontières entre engagement militant et crime organisé. Marseille, où il est né, Sète, Montpellier, Paris, Orléans, Abbeville… La vie rocambolesque d’Alexandre Jacob passe par les cases prison, évasion et clandestinité jusqu’à son procès, en 1905 à Amiens, suivi, via l’île de Ré, par sa déportation à Cayenne, où il reste vingt-deux ans. Pour rendre au dessin ce parcours frénétique, le jeune Gaël Henry, 26 ans, a beaucoup puisé dans le style de Christophe Blain. On lui pardonne d’autant qu’il en tire le meilleur – le souffle, le mouvement -, s’inspirant aussi des dessins de presse du début du XXe Siècle. Fabrice Piault
VINCENT ET GAËL HENRY
Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur
SARBACANE
TIRAGE : 6 000 EX.
PRIX : 22,50 EUROS ; 160 P. ; BICHROMIE ISBN : 978-2-84865-838-4
Bandes originales pour bandes dessinées
http://bobd.over-blog.com/2016/01/c-est-le-plus-grand-des-voleurs-ah-non-c-est-pas-lui-alexandre-jacobb-vs-arsene-lupin.html
4 janvier 2016
C’est le plus grand des voleurs…ah non c’est pas lui / Alexandre Jacobb Vs. Arsène Lupin
C’est quoi : ALEXANDRE JACOB. JOURNAL D’UN ANARCHISTE CAMBRIOLEUR.
C’est de qui ? Vincent et Gaël Henry
Déjà croisés sur B.O BD? Non
C’est édité chez qui ? Sarbacane, un lien vers le site :
http://editions-sarbacane.com/alexandre-jacob-journal-dun-anarchiste-cambrioleur-2/
Ça donne Quoi ? Si j’avais de vraies inclinaisons politiques, les lecteurs de B.O BD l’ont compris avec le temps, elles seraient probablement très à gauche, sous les drapeaux rouges (des Léninistes) voir sous les drapeaux noirs (ceux des anarchistes). Ceci étant dit, vous vous doutez que c’est avec un certain intérêt que j’ai lu cette évocation de la vie d’Alexandre Jacob, personnage peu connu du grand public et pourtant haut en couleur. Libre penseur, rebelle à quasi toute forme d’autorité et adepte de la cambriole de haut vol dans l’esprit d’un Robin des Bois du début du XX° siècle. Les deux Henry livrent une belle copie, qui évoque avec humour et émotion le parcours rocambolesque de notre héros, de ses débuts dans les petites combines jusqu’aux « Travailleurs de la Nuit », sa petite entreprise de cambrioleurs forcenés. Les passages du procès sont aussi truculents que le personnage qui n’échappera pas au bagne dont il reviendra cependant après plus de 20 ans. Au rayon des petits bémols j’aurais aimé que le scénario insiste un peu plus sur la redistribution des butins des rapines de Jacob et ses acolytes (qui du coup passent parfois plus pour des as de la cambriole que comme des amis des « petits et des faibles ») et je trouve que le style de Gaël Henry est parfois très (trop) influencé par celui de Manu Larcenet (voir de Blain) et gagnerait à s’en émanciper (surtout qu’on sent un vrai potentiel derrière). Rien de terrible cela étant, l’album reste des plus réussi et est en plus enrichi d’un supplément riche en documents d’époques sur Jacob et les siens.
http://www.historia.fr/web/nos-critiques/alexandre-jacob-gentleman-anarchiste-05-01-2016-139216
5 janvier 2016
Alexandre Jacob, gentleman anarchiste
Nos critiques – 05/01/2016 par Véronique Dumas
Saviez-vous que l’anarchiste Alexandre Marius Jacob est l’un des personnages qui a inspiré à Maurice Leblanc Arsène Lupin ? Né en 1879 à Marseille, d’un père boulanger d’origine alsacienne qui a fui sa région devenue allemande, il s’engage comme mousse à douze ans et voyage jusqu’en Australie avant de déserter. La fréquentation des navires, microcosme de la société de l’époque, de la cale au pont supérieur, a sans doute en partie décidé de son engagement dans le militantisme anarchiste et un « illégalisme pacifiste » revendiqué. Se faisant passer avec deux complices, pour des policiers lors d’un premier vol au mont-de-piété de Marseille en 1899, il fait rire la France entière. Alexandre Jacob vient d’entrer dans la légende des monte-en-l’air de grande classe de la Belle Époque. De ruses en déguisements, il trompe ses victimes et signe ses forfaits d’une carte au nom d’Attila.
Vincent Henry et Gaël Henry ont trouvé en ce voleur au grand coeur, réputé pour son humour et son intelligence qui ne dépouille que les puissants, un héros de choix pour une bd de choc. Le cahier historique qui complète l’album revient sur le destin de cet homme qui a survécu à plus de vingt ans de bagne à Cayenne et a lutté pour améliorer le sort de ces compagnons d’infortune.
Par Véronique Dumas
Mis en ligne 6 janvier 206
Alexandre Jacob – Journal d’un anarchiste cambrioleur
Texte Vincent Henri, dessin Gaël Henry – Ed. Sarbacane, 160 p., 22,50 €
On est en mars 1905, pas de suspense possible, celui qui défraie la chronique judiciaire du fait de ses multiples cambriolages, perpétrés au nom d’un idéal anarchiste, est sur le point d’être jugé. À vingt-six ans, il risque les travaux forcés à perpétuité. Alexandre Jacob, que l’on repère immédiatement sur la bd à son nez en forme de sucre d’orge, n’est pas seul dans le box des accusés, ses complices, » les Travailleurs de la nuit « , attendent eux aussi de savoir à quelle sauce ils vont être dévorés.
Ce procès retentissant est, pour nous lecteurs, l’occasion de découvrir les circonstances qui ont présidé à l’engagement politique de ce tout jeune homme, militant indéfectible de la cause anarchiste, stratège hors-pair de la cambriole, et à son arrestation.
Le premier coup d’essai de la bande se révèle être un coup de maître: le directeur du très emblématique Mont-de-Piété est délesté en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire des alliances et autres objets précieux qui ont appartenu à ceux que la misère avait poussés à se séparer de leurs précieux souvenirs.
Dès lors, les fric-frac s’enchaînent (150 avoués), les parties de cache-cache avec la maréchaussée aussi, avec parfois retour à la case prison pour le monte-en-l’air, et évasion rocambolesque en bouquet final. Jacob et ses complices ont l’art du déguisement et de la mystification, ils vont en user à de nombreuses reprises. Mais tout cela, ce ne sont que des escarmouches, déclare-t-il au bout de quelques temps. Fort de sa conviction de faire oeuvre de salubrité publique en dépouillant les riches pour donner aux pauvres, le jeune marseillais désire maintenant mener une bataille d’envergure contre le capitalisme et ses privilèges.
Alexandre Jacob répond sans jamais louvoyer aux questions que lui pose le président du tribunal d’Amiens. Non seulement il assume les faits qui lui sont reprochés, mais il les revendique haut et fort, avec un humour et un sens de la répartie qui forcent l’admiration.
Il est évident que je préfèrerais être libre et que mes compagnons ne risquent pas leur vie dans ce procès inique. Mais force est de reconnaître que ce tribunal m’offre une tribune inestimable, une occasion inespérée d’ouvrir les yeux du peuple, écrit-il dans son journal. Cependant, s’il se réjouit de pouvoir délivrer son message devant le plus grand nombre, il ronge son frein car compte bien jouer » les filles de l’air » dès que l’occasion s’en présentera. Ne l’a-t-il pas déjà fait ?
Comment ne pas être fasciné par cet homme éminemment romanesque (il a inspiré le personnage d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc), resté libre et fidèle à la cause anarchiste jusqu’à la fin de sa vie, qu’il a quittée quand bon lui a semblé. On regrette évidemment que l’album ne se concentre que sur les années – fondamentales – qui vont grosso modo de 1890 à 1905, tant ce que l’on y découvre est passionnant, mais les curieux pourront aisément en savoir plus, en consultant le site www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob ou en parcourant la thèse de doctorat en histoire contemporaine de Jean-Marc Delpech (Université Nancy 2, 2006).
Anne Calmat
http://www.planetebd.com/bd/sarbacane/alexandre-jacob/-/28273.html
Fabien Gil
7 janvier 2016
Alexandre Jacob
L’histoire vraie d’Alexandre Jacob, anarchiste cambrioleur qui, au début du XXème siècle, voulu faire trembler la bourgeoisie en place. En réponse, elle l’envoya au bagne pour 22 ans. Le combat d’un d’Arsène des bois contre le capitalisme naissant.
L’histoire : Les presses du journal Germinal livrent le dernier numéro. Le procès Jacob fait les gros titres. La foule se presse autour du fourgon qui le mène au tribunal, et essaie d’apercevoir le visage de celui dont tout le monde parle. A l’intérieur, Alexandre Jacob essaie simplement de négocier une cigarette avec un des gendarmes qui semble l’avoir plus en sympathie que son collègue. Alexandre se dit que ce procès est l’occasion de décrocher une tribune publique où il pourra ouvrir les yeux du peuple. Jusqu’à présent, les bonnes gens sont aveuglées, à tel point qu’elles se rangent toujours du côté des oppresseurs. Comme le jour de son arrestation, il s’en rappelle bien, quand maladresses et imprudences le menèrent, lui et ses 2 complices, directement sur le banc des accusés. Tout commence par un début de cambriolage un peu trop bruyant. Un témoin se précipite à la gendarmerie pour signaler que des montes en l’air sont à l’ouvrage en ville. Les trois compères, confiants dans l’inertie de la maréchaussée, ne couvrent que partiellement leurs arrières et partent tranquillement jusqu’au village voisin. Quand les gendarmes leur tombent dessus à la gare, ses complices prennent la fuite après en avoir descendu un. Alexandre doit aussi faire feu pour se débarrasser du dernier. Il sera quand même rattrapé par l’estafette, alors qu’il reprend son souffle dans les hautes herbes.
Ce qu’on en pense sur la planète BD : A une époque où consommation et individualisme sont religion, revenir à une période lointaine où le mal était déjà à l’œuvre est le choix intéressant fait par Vincent Henry et son frère Gaël. Ils abordent le sujet par les rocambolesques aventures d’Alexandre Jacob, personnage hors norme, proclamé anarchiste, qui décida de voler les riches, mais pas n’importe lesquels : seulement ceux du côté de la loi, de l’Eglise, de la politique ou du sang. Narguant les autorités malgré les arrestations qui s’enchaînent, il paiera longtemps son engagement au nom des « pauvres ». Particulièrement bien documenté, le scénario de Vincent Henry retrace les moments clés qui ont contribué à façonner sa personne, ses valeurs et son engagement. Les lavis noir et blanc de Gaël Henry s’accordent bien avec l’époque et les personnages. L’imprécision des traits de ces derniers ne gêne pas leur reconnaissance, tant les physiques sont remarquables, tellement moins lices qu’un siècle plus tard ! L’atmosphère est également bien rendue (cf. les costumes…) et le propos carrément philosophique, comme le souligne la quatrième de couverture avec la fameuse citation de Joseph Proudhon « la propriété, c’est le vol ». C’est en effet un des enjeux de cet album : une réflexion sur la liberté de penser une société différente, dans un état conservateur où la bourgeoisie ne partagera jamais sa part du gâteau obtenue à la sueur du peuple qu’elle méprise tant. L’histoire de la vie de Jacob jusqu’à son départ pour le bagne de Cayenne revient sur les morceaux de bravoures d’un sans-grade qui, malgré ses démêlés judiciaires, traversera les épreuves, porté par son juste combat. Les péripéties s’enchainent comme dans un film d’action, faisant presque oublier qu’Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur est un récit biographique à cheval entre XIX et XXème siècle.
Blog du Courrier Picard
http://blog-picard.fr/bulles-picardes/les-albums-a-ne-pas-rater/la-belle-echappee-de-marius-jacob-lhonnete-anarchiste-cambrioleur/
La belle échappée de Marius Jacob, l’honnête anarchiste cambrioleur
Publié le 8 janvier 2016
Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur, Vincent Henry (scénario), Gaël Henry (dessin). Editions Sarbacane, 156 pages, 22,50 euros.
Il inspira, selon la légende, le personnage d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc. En Picardie, il fut aussi le principal prévenu d’un procès haut en couleurs et historique, à Amiens en mars 1905, suite à son arrestation à Pont-Rémy (près d’Abbeville), deux ans plus tôt après un cambriolage raté. C’est d’ailleurs par ce fait divers que débute cette biographie dessinée d’Alexandre « Marius » Jacob.
Etait-il un cambrioleur anarchiste ou bien un anarchiste cambrioleur, thèse soutenue dans cet album ? Chantre de « l’individualisme altruiste « Alexandre Jacob – plus connu sous son nom de « Marius Jacob » eu en tout cas une sacrée destinée. Né à Marseille en 1879, ayant sillonné les mers dans sa jeunesse (où il entrevit également toutes les misères sociales) avant de revenir à la boulangerie paternelle, il aura été crédité de quelque 500 cambriolages – toujours chez les bourgeois ou les ecclésiastiques, jamais chez les artistes ou les écrivains. Des méfaits réalisés en grande partie pour la « cause » anarchiste, qu’il embrassa tout jeune…
Dès 16 ans, il entre dans le comité de rédaction de l’Agitateur ou sa verve et sa gouaille font merveille. Ses premières actions ont encore des airs de bonnes blagues potaches, comme de jeter des boules puantes dans une église ou, plus fort, de se faire passer pour des policiers pour dépouiller le directeur du Mont-de-Piété et l’envoyer une nuit en prison. Mais, rapidement, Marius Jacob va aussi faire connaissance avec les forces de l’ordre et subit sa première arrestation en 1897, alors âgé de 18 ans. Devenu spécialiste dans l’ouverture des coffres-forts, avec sa bande des « travailleurs de la nuit », il se « professionnalise » et élargit son champ d’action, tout en théorisant un anarchisme radical. Et si son procès à Amiens ne lui permet pas d’éviter le bagne, son éloquence (avant qu’il ne soit expulsé par le juge) l’aura fait entrer dans l’histoire des luttes sociales du début du XXe siècle.
Le nom de Marius Jacob parle encore un peu dans la capitale picarde, ou il fut jugé singulièrement dans le même bâtiment que soixante-dix ans plus tard Pierre Goldman, (autre « agitateur politique » à la frontière du délit de droit commun). Nul doute que cette belle biographie dessinée le fera revivre encore plus.
Oeuvre de l’éditeur Vincent Henry (créateur de la maison d’édition la Boîte à bulles), ce « biopic » ne cache pas son empathie avec le personnage. Porté par le dessin de Gaël Henry (par ailleurs neveu talentueux du scénariste) dans le style léger et alerte d’un Christophe Blain, c’est un Alexandre Jacob sympathique et joyeusement « anar » qui émerge de ces 150 pages (qui se lisent d’une traite). Mais c’est surtout toute une époque qui revit à travers lui, une France au tournant du siècle, en pleine effervescence politique et sociale. Et, sans avoir l’air d’y toucher, Vincent Henry décrit bien l’idéologie de cet anarchisme individualiste, repoussant le marxisme tout autant que les syndicats forcément trop « réformistes ».
En complément du récit, l’historien Jean-Marc Delpech (auteur d’une biographie de Jacob) complète la bio par un texte enlevé enrichi de nombreuses illustrations (dont plusieurs saisissantes en lien avec le procès d’Amiens).
Ce Journal d’un anarchiste cambrioleur rend en tout cas justice à la finesse d’esprit de Jacob, illustré notamment par cet extrait, à méditer, d’une lettre de l’anarchiste à Jean Maitron, l’historien du mouvement ouvrier, placé en exergue au dossier: « Le criminel n’étant, au fond, qu’un honnête homme qui n’a pas réussi, il suffit d’inverser le postulat pour avoir la définition de l’honnête homme. »
Vos critiques de livres d’histoire
http://www.gregoiredetours.fr/revolution-xixe-siecle/fin-xix-et-belle-epoque/vincent-henry-et-gael-henry-alexandre-jacob-journal-d-un-anarchiste-cambrioleur/
14 janvier 2016
Avis de Xirong : « Le cambriolage au rythme du travail en usine »
Alexandre Jacob inspira vraisemblablement à Maurice Leblanc, le personnage d’Arsène Lupin. C’est par son procès à Amiens en mars 1905 que le récit ouvre. Alexandre Jacob avait tenté à Pont-Rémy (près d’Abbeville, dans la Somme), deux ans plus tôt un cambriolage qui avait foiré.
Cette biographie dessinée d’Alexandre Jacob rappelle qu’une des orientations d’anarchistes français fut la pratique de la reprise individuelle. Le but est d’obtenir, par le vol de bourgeois, une redistribution des richesses des riches vers les pauvres. On attribue à Alexandre Jacob environ cinq cent cambriolages, entre 1900 et 1903, uniquement chez des rentiers et des ecclésiastiques. Ce dernier se professionnalise avec sa bande dans l’ouverture des coffres-forts, et se spécialise en théoricien d’un anarchisme radical.
Alexandre Jacob est à Marseille en 1879, d’un couple de boulangers. Il a sillonné les mers dans sa jeunesse. Heureusement non accusé de meurtre, il échappe à la guillotine et arrive au bagne de Cayenne le 13 janvier 1906 sous le numéro 34777. Il tente de s’évader dix-huit fois ; sur ses 18 ans de bagne, il en passe 11 en cellule. Il rencontre Albert Londres pour son enquête sur le bagne. Grâce à une campagne de presse, il est autorisé à rentrer en métropole en 1928 (libéré de leur peine, les bagnards n’étaient pas de retour dans l’hexagone avant plusieurs années) et passe une grande partie de sa vie dans un village de l’extrême-sud de l’Indre-et-Loire.
Ce Journal d’un anarchiste cambrioleur rend une image joyeusement anarchiste d’Alexandre Jacob. On y rencontre des figures historiques du mouvement anarchiste, comme Sébastien Faure qui lança le 16 novembre 1895 l’hebdomadaire Le Libertaire et Louis Matha qui fut le premier gérant de ce même journal. Le récit se clôt avec le départ depuis Saint-Martin-de-Ré vers la Guyane. Le dessin de Gaël Henry est nerveux et caricatural, le graphisme est en noir et blanc ce qui renforce le côté Belle Époque de l’atmosphère.
Article posté le mardi 19 janvier 2016 par Damien Canteau
Alexandre Jacob
Anarchiste et cambrioleur, volant aux riches bourgeois pour donner aux pauvres, Alexandre Jacob voit sa vie déclinée en bande dessinée grâce aux frères Henry, Gaël et Vincent, aux éditions Sarbacane.
ALEXANDRE JACOB : ARSÈNE LUPIN, ROBIN DES BOIS ET PAPILLON
Fin du 19e siècle. Tout le monde accourt au procès de Alexandre Jacob, tout le monde veut entr’apercevoir celui qui vole aux riches pour donner aux pauvres. La presse en fait ses gros titres et lui n’aurait pas rêvé mieux que cette tribune publique pour faire passer son message anarchiste.
Ce moment judiciaire est un bon moyen de connaître l’histoire, le destin hors norme et les motivations de ce bandit de grand chemin.
DES PREMIERS PAS D’UN ANARCHISTE…
Né à Marseille en 1879, Alexandre est le fruit de l’union d’une mère célibataire et d’un père qui quitta la région alsacienne devenue allemande. Ils sont pauvres et habitent dans un appartement sans eau ni électricité du quartier de La belle de mai. Enfant unique, il obtient son certificat d’études et s’engage comme mousse sur un paquebot. Cette envie de grands espaces et de la mer, il la doit à son père, ancien cuisinier maritime et ses lectures des romans de Jules Verne.
Ce service militaire, il l’arrête lorsqu’il décide de déserter. Il devient alors pirate quelques temps mais prend de la distance avec toute cette violence (la mort d’un équipage) qui le révulse. Il revient alors à Marseille en 1897, s’essaie à l’océanographie puis devient apprenti typographe. Il fréquente alors les milieux anarchistes et lors d’une soirée dans un troquet, il croise la route de Rose, qui partagera sa vie.
… AUX COMBATS POUR LE PEUPLE
Alexandre se forme, lit beaucoup d’essais d’anarchistes, notamment Elisée Reclus, Pierre Kropotkine ou Errico Malatesta. Il se forge ainsi sa propre opinion. Il commence, dans la clandestinité, des actions coup de poing et devient alors un militant actif.
Mais, il est condamné à six mois de prison après une affaire d’explosifs. Après sa peine, il a beaucoup de mal à se réinsérer, se faisant renvoyer par ses patrons, contraints par la police. C’est à cette période qu’il devient cambrioleur.
LES TRAVAILLEURS DE LA NUIT : PROCES ET BAGNE
En 1899, il est arrêté à Toulon, accusé du recel d’une montre du Mont de Piété. Par une ruse, il s’enfuit et est de nouveau arrêté. Il simule la folie pour ne pas accomplir ses 5 années d’emprisonnement. Il s’évade, allant de Sète à Montpellier.
Et en 1903, après le fameux procès, il est envoyé au Bagne de Cayenne (il échappe à la guillotine parce qu’il n’est pas reconnu coupable de meurtre). Il tentera de s’évader 18 fois…
LE JOURNAL D’UN ANARCHISTE-CAMBRIOLEUR
Ce bel album scénarisé par Vincent Henry, revient ainsi sur le destin hors du commun de cet anarchiste-cambrioleur, qui n’utilisera jamais la violence, partisan de l’illégalisme pacifiste. Sa signature semble le panache; il laisse souvent des mots sur le lieu de ses forfaits signés Attila et volera en France, en Espagne ou en Italie. Doté d’un grand humour, il s’amuse souvent avec la police; ce qui ressort d’ailleurs de l’album. Solidement documenté, le récit de l’auteur de Loulou ne veut pas grandir (avec Stéphanie Bellat, La Boîte à Bulles) est construit comme une belle fable d’aventure, parfois sombre mais toujours teintée de bonne humeur et de joie. Ses lectures historiques lui permettent de mettre en lumière un personnage fantasque, rocambolesque, révolté mais très attachant. Les conditions de vie et d’enfermement à Cayenne et ses tentatives d’évasion ressemblent aussi à l’existence d’Henri Charrière dit Papillon (voir notre chronique de Sansevrino est Papillon). D’ailleurs Maurice Leblanc – même s’il ne l’a jamais avoué – a pris modèle pour créer Arsène Lupin; cette sorte de Robin des Bois du 20e siècle.
L’ambiance de révoltes, d’après guerre contre la Prusse et de la charnière entre les deux siècles sont admirablement mis en image par Gaël Henry. Comme son frère, il a apporté du soin à la reconstitution des décors et des costumes. Son trait en noir et blanc, avec de belles teintes de gris, est d’une grande élégance, dans un style proche de celui de Christophe Blain.
Un dossier de 6 pages est adossé à l’album. Intitulé Que sait-on d’Alexandre Marius Jacob ?, il est signé Jean-Michel Delpech et revient sur l’existence de l’anarchiste.
http://bdzoom.com/95945/interviews/entretien-avec-gael-henry-et-vincent-henry-auteurs-d%E2%80%99%C2%AB-alexandre-jacob-%C2%BB%C2%BB/
Entretien avec Gaël Henry et Vincent Henry, auteurs d’« Alexandre Jacob »
22 janvier 2016
Par Laurent Lessous
Arsène Lupin a vraiment existé ! Ou tout du moins, Maurice Leblanc s’est grandement inspiré, pour créer son personnage de gentleman cambrioleur, d’un anarchiste adepte de la reprise individuelle : c’est-à-dire voler aux riches et donner une partie de son butin aux pauvres. Alexandre Jacob (1879 -1954), puisque c’est de lui qu’il s’agit, a connu une vie hors-norme : anarchiste illégaliste sincère, il fit de son procès, en 1905, une véritable tribune pour ses idées. Son sens de la répartie et son humour ne lui évitèrent cependant pas la condamnation au bagne de Cayenne. La bande dessinée éponyme raconte la première partie d’une vie rocambolesque.
Alexandre Jacob, la reprise individuelle
Aujourd’hui, comme il y a un siècle, l’injustice du monde a de quoi révolter, surtout les plus humbles. Au tournant des XIXe et XXe siècles, quelques hommes croient en l’anarchisme pour obtenir un monde meilleur. Les idées anarchistes se répandent alors dans de nombreuses couches de la société française.
Si certains choisissent la violence en commettant des attentats terroristes – assassinat du président de la République ou bombe jetée à l’Assemblée nationale – d’autres optent pour une méthode illégale, mais pacifique, comme Alexandre Jacob.
Le Marseillais devient un Robin des Bois des temps modernes : il vole aux riches pour aider les plus pauvres.
Généreux, intelligent, caustique, cultivé, attachant et très organisé, Alexandre Jacob commet plus de 500 cambriolages lors d’une Belle Époque qui n’est heureuse que pour les plus fortunés. La vie et les combats de ce révolté sympathique et toujours sincère ont inspiré Gaël et Vincent Henry, auteurs d’une bande dessinée captivante, qui se lit d’une seule traite.
Gaël et Vincent ont bien voulu répondre à nos questions, nous les remercions vivement de leur grande disponibilité.
BDzoom.com : Bonjour, Vincent et Gaël, pouvez-vous vous présenter ?
Vincent Henry : Alors moi, c’est Vincent Henry, je suis le scénariste du livre. C’est mon troisième scénario… mais le premier sur un roman graphique. Je suis également l’éditeur de La Boîte à bulles depuis 13 ans.
Gaël Henry : Je suis dessinateur de BD, diplômé en 2010 de l’Académie de Tournai (Belgique) en section bande dessinée. J’ai participé à des collectifs, livres indé, mais « Alexandre Jacob » est ma première BD.
BDzoom.com : D’où vient l’idée d’écrire et de dessiner la vie d’Alexandre Jacob ?
V. H. : J’ai découvert l’histoire d’Alexandre Jacob par une émission de radio, dans les années 1990 qui présentait le personnage et l’une de ses biographies. J’ai donc acheté le livre en question et me suis aussitôt dit qu’il fallait en faire un scénario de BD… C’était il y a 20 ans ! Ce personnage et sa vie sont remarquables : cela donne une existence pleine d’aventure, de rebondissements, vécue par un mec qui a des convictions chevillées au corps et qui ne les perdra jamais. Un révolté qui a voulu défier la société au nom de son anarchisme, pratiquant avec ses acolytes la « reprise individuelle ». Il a survécu à tout, sans jamais changer de cap idéologique.
G. H. : Pour ma part, je n’arrivais pas à travailler seul, j’ai alors cherché un collaborateur. Je me suis tourné vers Vincent, voire s’il ne pouvait pas me mettre en contact avec des scénaristes, et il m’a sorti ce projet du placard ! Au début, j’étais (un peu) réticent à travailler sur un récit biographique, d’une époque qui ne m’était pas familière. Et puis j’ai assez vite changé d’avis, plus intéressé par les péripéties de la vie d’Alexandre Jacob que par ses convictions politiques (qui restent liées).
BDzoom.com : La documentation est-elle abondante sur un tel sujet ? Avez-vous fait vos propres recherches de votre côté, Gaël ?
V. H. : La documentation est assez abondante, car il existe plusieurs biographies d’Alexandre Jacob. Et un historien, Jean-Marc Delpech, a voué sa vie de recherche à Alexandre Jacob. Il a fait sa thèse d’histoire sur lui et il continue inlassablement à recouper, clarifier les dernières zones d’ombre. J’ai donc pu travailler sur la base de toute la matière qu’il a récoltée. Notamment les écrits, assez nombreux, d’Alexandre Jacob, le récit de son procès dans la gazette des procès, etc. Après, il a aussi fallu que je me renseigne bien sur la période pour pouvoir, de-ci de-là donner des éléments de contexte politique et historique… À la base, je ne suis pas du tout un spécialiste de l’histoire du mouvement anarchiste…
G. H. : Sur l’histoire d’Alexandre Jacob, non. Il était convenu avec Vincent que j’évite de lire les biographies, etc. Pour ne pas interférer sur le déroulement de l’histoire. Je connaissais les grandes lignes, c’est suffisant, ça me permettait de me concentrer sur la mise en scène, ce qui demande déjà pas mal de documentation (lieux, personnages, véhicules…) ! Heureusement, la photo existait déjà en 1900, et il est facile de trouver des archives d’époque !
BDzoom.com : Pourquoi l’éditer aux éditions Sarbacane alors que tu diriges, Vincent, La Boîte à bulles, et que tu édites de nombreuses bandes dessinées ?
V. H. : Le livre aurait parfaitement cadré avec notre ligne éditoriale. Mais j’avais envie de publier des scénarios chez d’autres éditeurs pour plusieurs raisons : d’abord pour bénéficier de l’œil d’un éditeur sur notre travail ; ensuite, car, pour me sentir vraiment auteur, j’avais besoin que mon projet soit choisi, retenu par un autre éditeur… Sinon, cela ressemble peu ou prou à de l’autoédition ; enfin pour traverser le miroir et vivre ce que vivent les auteurs avec qui je bosse.
J’avais donc toujours conçu ce projet pour ne pas l’éditer moi-même. Mais là, en plus, je n’avais de toute façon pas le choix : Gaël aurait refusé de faire ses premières armes chez son tonton, cela aurait trop ressemblé à une affaire de famille, à un passe-droit…
G. H. : Oui et au moins on était logé à la même enseigne !
BDzoom.com : En quoi Alexandre Jacob est-il un anarchiste extraordinaire en cette période, de la fin du XIXe et au début du XXe siècle, d’apogée de l’anarchisme en France ?
V. H. : Encore une fois, je ne me prétends pas un expert de l’histoire de l’anarchisme. Je m’y suis intéressé par le biais d’Alexandre Jacob. Alexandre a exécuté ses cambriolages avant 1905, avant la création des partis politiques. Les anarchistes étaient un courant de pensée très important et très craint. Ils avaient commis nombre d’attentats sanglants dans les années 1880 à 1894 – que j’évoque brièvement dans le livre – et se retrouvaient particulièrement visés par la police et par les lois dites scélérates…
La destinée d’Alexandre s’inscrit dans ce contexte, avec des anarchistes qui pratiquent donc déjà couramment « la propagande par le fait », en plus de la propagande par l’écrit. Figure typique de l’anarchisme, Alexandre est un lettré, se retrouve à un moment ouvrier typographe… Il est persécuté par la police et ne peut mener une existence normale… La singularité de sa démarche est qu’il procède, parmi les premiers je pense, à la reprise individuelle, et ce avec une approche ciblée (militaires, religieux, juges et bourgeois, mais pas artistes, médecins…), globalement non violente : on est armés, mais notre arme ne doit servir que si les forces de l’ordre cherchent à « attenter à ma liberté ». Et ses vols servent en partie à financer la cause…
BDzoom.com : Est-il vraiment à l’origine du personnage d’Arsène Lupin comme vous le suggérez ?
V.H. : Je ne dis pas qu’il est à l’origine du personnage d’Arsène Lupin… Je dis que Maurice Leblanc, qui avait reçu la commande d’un roman policier au moment du procès d’Alexandre, a forcément entendu parler du personnage, car son procès a été très médiatisé et qu’au moins un confrère proche de lui a couvert le procès. Ensuite, je laisse le lecteur libre de voir des points de ressemblance entre les deux personnes (citons non-violence, mais à des degrés différents, identités multiples, petits mots laissés sur le lieu de vols, mais moins systématiquement chez l’un que chez l’autre), mais aussi leurs dissemblances (l’un est joli cœur, l’autre pas, et surtout l’un n’agit que pour son propre intérêt, l’autre espère œuvrer à faire tomber la société). On ne peut réduire l’un à l’autre, ce serait passer à côté de la complexité d’Alexandre Jacob et du travail de création de Leblanc… Et j’aime bien laisser le lecteur se faire sa propre opinion…
BDzoom.com : N’est-il pas davantage voleur qu’anarchiste ?
V.H. : Il est les deux, mais dans sa démarche de voleur, il est pleinement et avant tout anarchiste… J’en veux plusieurs preuves : il sélectionne ses cibles, refuse de cambrioler les médecins, les artistes ; il reverse une partie de ses gains à la cause et, durant son procès, en pleine lutte du pouvoir contre le « danger anarchiste », il a clairement revendiqué son idéologie, raillé les jurés… pas franchement la meilleure façon de s’attirer les bonnes grâces de ceux qui devaient le juger… Et certains de ses codétenus ont écrit en prison des textes qui sont sans ambiguïté sur leurs convictions.
Pour autant, c’est un voleur de génie, qui exploite toutes les possibilités offertes par les technologies modernes de l’époque : train, télégrammes, pistolets automatiques… Il organise une vraie association de malfaiteurs, où chacun à son rôle (réceptionneur colis, fondeurs, receleurs…). Et il est vrai que son entourage mêle allègrement anarchistes (pas toujours doués pour les vols) et purs malfrats (pas toujours respectueux de l’éthique).
BDzoom.com : Gaël, ta première bande dessinée compte près de 150 pages, comme l’as-tu abordée ? T’es-tu inspiré du graphisme de certains auteurs ?
G. H. : J’ai essayé de ne pas y réfléchir. C’est beaucoup de pages, surtout pour un premier album (ça a rebuté des éditeurs). Une fois commencé, je savais que je finirais… Je fonctionne étape par étape. Je bosse vraiment en pensant une scène après l’autre, comme si c’était la fin de l’album. Je ne réfléchis pas à ce qui se passe dans 20 pages (de toute façon, Vincent sera là pour me le rappeler dans les corrections).
Dans le rendu graphique, je cherche à me rapprocher de l’aspect, grain, vieilles photos. Pour le dessin, on me dit que je suis très inspiré de Blain ou Larcenet. Je ne le renie pas. Mais ce n’est pas quelque chose à laquelle je pense en travaillant. Après, ça reste un premier album, je m’émanciperai naturellement par la suite.
BDzoom.com : Comment avez-vous travaillé ensemble ? Cela a-t-il été facile ?
V. H. : Ça s’est très bien passé. Il a juste fallu que l’on se mette bien en phase : initialement, j’avais préparé ce projet avec un autre dessinateur, mais on n’avait pas réussi à trouver un éditeur. Gaël, lui, a tout de suite dit qu’il détestait les voix off et qu’il fallait que je lui en mette le minimum. Et il a donné aux personnages une énergie du diable, injecté des gags visuels, des gags dérisoires qui ont donné une autre dimension au récit que celle prévue initialement. J’ai donc progressivement imaginé les scènes de façon à répondre à son attente, à m’inscrire dans son registre.
J’écris le scénario comme on le ferait pour un film : en expliquant la situation, l’action, les dialogues, la voix off. Mais je donne très peu de notions de découpage, parfois un rapport texte/image un peu précis. C’est Gaël qui décide donc du découpage initial. Il me l’envoie, je le lis et regarde si ce qu’il a fait ne trahit pas l’histoire. Le plus souvent, ses propositions, ses trouvailles apportent un plus au récit (la scène sur le bateau avec la « suceuse » n’était pas du tout prévue ainsi) et je m’adapte à elle, retaillant le texte, rajoutant une bulle ci et là. Il est parfois arrivé que sa proposition me semble trahir le personnage et que je lui demande de rester plus près de mon récit initial.
G. H. : C’était pour lui, comme pour moi, une première expérience de collaboration (de cette ampleur) dans la BD. On n’avait pas vraiment de repères, ou d’habitudes. Elles se sont construites au fur et à mesure. À la fin, c’était très facile : on tombait vite d’accord. Il sait quand me donner plus de détails sur une scène « laborieuse » et me laissait champ libre sur des séquences qui vont m’amuser.
BDzoom.com : Les différentes étapes du procès rythment l’album, vous êtes-vous détachés de la réalité ou, au contraire, avez-vous respecté vos sources ?
V. H. : Dans cette BD, j’ai essayé de concilier 3 objectifs : construire un récit historiquement solide, mon premier objectif, faire un livre d’aventure trépidante, pour satisfaire mon éditeur et mon dessinateur, et ne pas trahir la personnalité d’Alexandre Jacob pour satisfaire Jean-Marc Delpech. Sourire. Donc le traitement du procès répond à cet objectif. Son déroulement global est rigoureusement exact : la police qui quadrille la ville, les passes d’armes entre le juge et Alexandre, les lettres de menace aux jurés, l’incident avec les avocats parisiens et l’expulsion d’une partie des prévenus.
En revanche, les paroles que je mets dans la bouche des protagonistes sont un mélange de vraies déclarations et de pures créations. C’est assez jouissif à faire. Par ailleurs, le déroulement détaillé, lui, ne répond qu’à une logique de rythme du récit et de logique de lecture. Je doute fort que l’histoire du furoncle (rigoureusement exacte) ait été évoquée dans le tribunal ! Enfin, le projet d’évasion d’Alexandre, je l’ai trouvé dans le livre de Bernard Thomas. Aucune preuve matérielle ne vient actuellement l’étayer, mais je trouvais que ça donnait un ressort intéressant à l’histoire.
BDzoom.com : Qu’est-ce qui a été le plus difficile à dessiner, les scènes dans le palais de justice ou d’autres séquences ?
G. H. : Les scènes du palais étaient particulièrement difficiles à dessiner au début. Mais une fois le lieu « maîtrisé », ça devenait beaucoup plus facile. C’est un des rares lieux qui revient régulièrement. J’ai eu plus de mal sur des séquences courtes, avec peu de mouvements et beaucoup de dialogues, où un nouveau lieu apparaît pour disparaître trois pages après. Tu n’as pas le temps de t’approprier l’endroit, et je ne peux pas compenser avec de l’action. Par exemple, la première séquence qui me vienne à l’esprit est celle de Montpellier… Pas difficile techniquement, mais bien « chiante » à faire !
BDzoom.com : Quels sont vos projets maintenant ?
V. H. : Nous travaillons déjà sur notre second album : le scénario en est bouclé, le découpage fait à moitié. C’est l’adaptation d’une nouvelle d’Émile Zola, « Jacques Damour », un récit qui se situe juste en amont d’Alexandre Jacob (la Commune et le retour des communards d’exil). Et pour revenir à ta question précédente sur notre mode de collaboration, je peux dire que, cette fois, je construis toute la narration spécifiquement pour stimuler la créativité de Gaël… Et je m’amuse à le mettre parfois devant de nouveaux défis comme de dessiner des décors de fou (opéra de Paris…).
Ensuite, nous nous mettrons à écrire la seconde partie de la vie d’Alexandre Jacob, son séjour au bagne et son retour en France. Mais vu la documentation à digérer (il a écrit des centaines de lettres au bagne…), cela me prendra pas mal de temps.
Et avec cette fois Bruno Loth au dessin (« Ermo », « Apprenti »), je prépare la biographie de John Bost : un pasteur qui a créé au XIXe siècle, en Dordogne (chez moi !), un asile révolutionnaire pour l’époque… Après l’anarchie, je vais m’immerger dans les conflits entre chapelles protestantes !
G. H. : Là, je me concentre sur Jacques Damour. Ça va m’occuper une bonne partie de l’année 2016. En parallèle, j’ai des projets collectifs, plus éloignés de la BD. Mais, pour le moment, c’est compliqué de me projeter plus loin !
Laurent LESSOUS « Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur » par Gaël Henry et Vincent Henry
Éditions Sarbacane (22,50 €) – ISBN : 978-2-84865-838-4
http://casesdhistoire.com/alexandre-jacob-de-lanarchiste-au-gentleman-cambrioleur/
25 janvier 2016
Albums XIXe siècle XXe siècle
Alexandre Jacob : de l’anarchiste au gentleman cambrioleur
Pauline Ducret
Le genre biographique est décidément en vogue chez les auteurs de bande dessinée historique. Vincent et Gaël Henry nous prouvent à nouveau, si besoin est, l’efficacité du genre, en brossant le portrait d’un anarchiste au tournant du siècle dernier, Alexandre Jacob.
« La Belle Epoque » : c’est sous ce nom que sont passées à la postérité les quelques années qui marquent la fin du XIXe siècle et le début du XXe, avant que la Première Guerre mondiale ne vienne brusquement mettre fin à cette période que l’on dit dorée. L’image que l’on en retient est de fait celle d’un moment de paix politique permise par le consensus républicain, et d’une société qui se modernise, profitant d’une économie fleurissante qui tranche avec les années difficiles de la Grande Dépression (1873-1896). Mais c’est aussi la grande période de l’anarchisme, avec des épisodes particulièrement marquants, comme l’assassinat de Sadi Carnot, alors président de la République, par l’Italien Santo Caserio le 24 juin 1894.
La vie d’Alexandre Jacob, un « anarchiste cambrioleur » né en 1879 et condamné au bagne en 1905, embrasse presque parfaitement cette période. La chronologie proposée en fin d’ouvrage nous le rappelle, en mêlant les dates de son histoire privée avec celles de la vie politique française. Cependant, le récit proposé par Vincent Henry n’est, lui, absolument pas linéaire. Les folles aventures d’Alexandre, ponctuées de courses poursuites avec la police et d’évasions à répétition, sont racontées à l’aide de différents récits enchâssés produits par l’intéressé lui-même lors du procès qui aboutit à son exil en Guyane. Ce choix d’un récit rétrospectif à la première personne permet au scénariste de donner un sens et une unité à cette vie qui semble pourtant avoir été assez décousue, et d’expliquer comment ce garçon de marine de Marseille est devenu une figure majeure de l’anarchisme français. Bien souvent, on retrouve dans les moments où son engagement se fait plus important la figure de policiers et gendarmes, qui incarnent une autorité souvent rapidement tournée en ridicule.
L’humour semble de fait avoir été un des points forts d’Alexandre Jacob, et l’album lui rend parfaitement hommage sur ce point ; certains passages, comme le « poisson d’avril » que Jacob et ses acolytes concoctent au directeur du mont de Piété, sont l’occasion de récits truculents. Cette écriture vivante et pleine de bons mots est, de plus, servie par un dessin dynamique, centré sur les personnages, leurs expressions et leurs mouvements, frisant souvent avec la caricature (le trait de Gaël Henry rappelle beaucoup celui de Christophe Blain).
Donner directement la parole à l’intéressé, qui utilise le tribunal moins pour se défendre que pour exposer ses idées à un large public, offre au scénariste une grande liberté. L’album est en lui-même un parti-pris en faveur du personnage, rendu immédiatement sympathique au lecteur. Même si Vincent Henry met aussi en scène des moments moins glorieux, notamment le meurtre de policiers, on sent combien le scénariste est tributaire du personnage légendaire créé par Maurice Leblanc, dont Jacob est probablement le modèle. Le dossier documentaire de J.-M. Delpech, à la fin de l’album, semble vouloir rectifier le tir en insistant sur la construction d’une légende qui s’éloigne du personnage historique.
Sur le plan historique, la valeur de l’album est donc moins à chercher dans la biographie en elle-même que dans l’image de la société que cette vie nous renvoie. Vincent Henry propose à travers le regard de Jacob, certes dur mais souvent très juste sur cette vie « bourgeoise » dont il s’extirpe non sans difficultés, une véritable histoire des mentalités. C’est bien là le propre de toute comédie – et cet album peut se lire comme une tragi-comédie en quatre actes – que de tourner en dérision une société donnée pour mieux en montrer toutes les ambiguïtés.
Bref, un ouvrage dont la lecture est des plus agréables, et qui réussit à travers la vie d’un homme à faire revivre un moment d’histoire fort en contrastes.
Alexandre Jacob. Vincent Henry (scénario) et Gaël Henry (dessin). Sarbacane. 160 pages. 22,50 €
La Bullothèque, le blog BD de France 3 Picardie
Mis en ligne le 1er février 2016
http://france3-regions.blog.francetvinfo.fr/bd-amiens/2016/02/01/alexandre-jacob-journal-dun-anarchiste-cambrioleur.html
Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur
de Vincent Henry et Gaël Henry
Début du XXème siècle. Le procès d’Alexandre Jacob et de ses camarades se tient au Palais de Justice d’Amiens. Ils sont accusés de plus de trois-cent vols par effraction. Alexandre Jacob qui se définit comme anarchiste-cambrioleur en profite pour transformer les débats en tribune politique.
« En un mot il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. »
Alexandre Jacob, né à Marseille, embarque très jeune sur des bateaux de commerce. Il fait le tour du monde et découvre les inégalités et l’exploitation. Revenu en France, il épouse la cause anarchiste à laquelle il reste fidèle jusqu’à sa mort en 1954. Si Jacob est un voleur, ils ne volent que les riches qui sont du côté de la loi, de l’Eglise, de la politique et du sang. Et c’est pour « donner aux pauvres » et au mouvement anarchiste. L’argent va ainsi servir à financer journaux militants, campagnes politiques…
La trajectoire de cet aventurier, qui inspira le personnage d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc, est ici restitué avec éclat par Vincent Henry au scénario et Gaël Henry aux pinceaux. Mais contrairement au « Gentleman-cambrioleur », Jacob revendique son enracinement social et son engagement. Le scénario est chronologique. Il est jalonné par les moments importants de la vie d’Alexandre Jacob… Le procès qui l’enverra au bagne de Cayenne, constituant un temps fort de l’ouvrage. A chaque péripétie, chaque épreuve, le personnage est ainsi porté par son combat politique.
Le graphisme en noir et blanc, qui s’inspire des dessins de presse de la fin du XIXème, donne au récit tout son relief. Les visages proches de la caricature et les décors vite brossés s’accordent à l’ambiance de l‘époque et à ce personnage haut en couleur. L’humour n’est pas en reste. Et on sourit plus d’une fois aux grimaces du juge qui s’étrangle devant le discours tenu par Jacob quand il comparaît à la barre.
Le propos très politique, comme le souligne la citation inscrite sur la quatrième de couverture « La propriété, c’est le vol ! », résonne encore aujourd’hui. Et l’histoire de « ces travailleurs de la nuit » dépasse la simple biographie ou le roman d’aventure pour nous immerger dans une certaine lutte des classes telle qu’elle a pu exister au début du siècle dernier.
Mathieu Krim
8 février 2016
http://www.lavoixdunord.fr/region/alexandre-jacob-l-histoire-d-un-anarchiste-ia19b0n3319604
«Alexandre Jacob», l’histoire d’un anarchiste racontée par un Lillois
Arsène Lupin a existé, et il s’appelait Alexandre Jacob ! Voler aux riches pour donner aux pauvres, c’est le leitmotiv de cet anarchiste condamné à 22 ans de bagne après son procès en 1905. Son histoire, c’est Gaël Henry qui la raconte, illustrateur lillois de 26 ans.
L’idée vient de son oncle et scénariste Vincent Henry. Bien que réticent à l’idée d’illustrer un récit historique, Gaël se laisse finalement charmer par « l’histoire de dingue » de ce robin des bois moderne. C’est donc avec une grande liberté de mise en scène, des lavis noir et blanc et un trait d’humour qu’il nous entraîne dans les détails rocambolesques de la vie de cet anarchiste du début du XXème siècle. Pousse en l’air pour la première BD captivante de ce jeune illustrateur, installé à la Malterie à Lille depuis peu.
« Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur » 22.50€ aux éditions Sarbacane, de Gaël et Vincent Henry.
http://arsenelupingc.free.fr/actu.php?id=176
Une BD biographique sur Alexandre Jacob
Le 11/02/2016
Une fois n’est pas coutume, parlons un peu de celui qui a (trés probablement) inspiré à Maurice Leblanc le personnage d’Arsène Lupin, j’ai nommé Alexandre Jacob.
Les éditions Sarbacane ont édité début janvier Alexandre Jacob : Journal d’un anarchiste cambrioleur. Cette bande dessinée retrace la vie et les aventures de ce monte en l’air de génie aux fortes convictions anarchistes. Après la description de sa jeunesse et de ses débuts dans la cambriole, nous suivons ses plus grands exploits à travers son procès et celui de sa bande les biens-nommés travailleurs de la nuit. Notons que Maurice Leblanc est évoqué dans cet ouvrage.
Aux maneettes, on retrouve un père et son fils : Vincent Henry au scenario et Gaël Henry pour les illustrations. Coté scenario, le récit est clair et très lisible. Coté dessin, je n’ai pas réussi à me faire au style de Vincent Henry Les personnages sont peu expressifs, sur certaines cases, leurs membres sont démesurés, les dessins manquent globalement de détail. Par contre la mise en scène est trés claire et fluide.
Un livre fait pour tous ceux qui veulent découvrir ce gentleman cambrioleur anarchiste.
12 février 2016
http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre/Loisirs/Livres-cd-dvd/n/Contenus/Articles/2016/02/13/L-Arsene-Lupin-de-Reuilly-en-bande-dessinee-2622331
Indre – Livres
L’Arsène Lupin de Reuilly en bande dessinée
L’anarchiste et cambrioleur Alexandre Marius Jacob vécut à Reuilly de 1939 à 1954, après plus de vingt années de bagne à Cayenne. Un sacré numéro.
Sous le titre Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur, c’est l’histoire d’un personnage révolté et plein d’humour que mettent en scène, en bande dessinée, le Tourangeau Vincent Hardy – créateur de la maison d’édition La Boîte à bulles – et son neveu, Gaël, dessinateur disciple de Christophe Blain. Un personnage incroyable, tout à la fois Arsène Lupin, Robin des bois, Rocambole et Papillon, pour lequel Reuilly (« Le pays où il ne se passe jamais rien », écrivait-il) fut, de 1939 à 1954, la dernière étape d’une vie hors norme.
Né à Marseille le 29 septembre 1879, Alexandre Marius Jacob s’engage à 12 ans dans la Marine, comme mousse, pour un voyage à destination de l’Australie… où il déserte. Apprenti typographe, il devient anarchiste militant actif. Compromis dans une affaire d’explosifs et quelques vols, Jacob est condamné à six mois de prison. Adepte de la « reprise individuelle », il décide de devenir cambrioleur, une fois libéré.
Attila à principes
Arrêté à Toulon en juillet 1899, il simule la folie, s’échappe de l’asile d’Aix-en-Provence et s’installe à Montpellier, où il prend en gérance une quincaillerie… dans laquelle il s’initie au crochetage des coffres forts ! C’est là qu’il monte sa bande, « les Travailleurs de la nuit ». Mais avec les principes d’éviter de verser le sang et de « ne voler que les métiers de l’ordre social injuste » : patrons, juges, militaires, clergé. Un pourcentage des butins est reversé à la cause anarchiste et aux camarades nécessiteux. As du déguisement, Jacob opère sous une kyrielle de pseudonymes, notamment celui d’Attila, laissant des messages plein d’humour après ses forfaits. Pas étonnant que Maurice Leblanc se soit inspiré en partie de lui pour créer son personnage d’Arsène Lupin, en 1905…
Le 21 avril 1903, un vol à Abbeville tourne mal. Jacob est jugé deux ans plus tard à Amiens pour… cent cinquante-six affaires. Il échappe à la guillotine mais est condamné à perpétuité au bagne de Cayenne qui se referme sur lui le 13 janvier 1906 et d’où il tentera de s’évader dix-sept fois en plus de vingt ans.
Revenu en métropole à la suite de la campagne contre le bagne lancée par Albert Londres, il travaille au Printemps parisien, puis se fait marchand forain dans le Val de Loire. Il s’installe à Reuilly, avec sa compagne et sa mère, y achète une petite maison et s’y marie en 1939. Si l’album très réussi de Vincent et Gaël Henry n’évoque ni la période du bagne, ni la fin de la vie de Jacob à Reuilly – il se suicida le 28 août 1954, un mois avant son soixante-quinzième anniversaire -, il met en lumière un étonnant personnage. Et Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur se lit d’une traite, comme un roman d’aventure.
« Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste cambrioleur », par Vincent Henry et Gaël Henry, Éditions Sarbacane. 160 pages ; 22,50 €
Pascal Vigneron
23 février 2016
http://www.actuabd.com/Alexandre-Jacob-Journal-d-un
Alexandre Jacob. Journal d’un anarchiste cambrioleur – Par Gaël et Vincent Henry – Éd. Sarbacane
Le « sous-sous-titre » de cette pure merveille aurait pu être Ceci n’est pas une biographie imaginaire d’Arsène Lupin, mais au contraire belle et bien celle – dessinée et scénarisée par Gaël et Vincent Henry – du militant anarchiste illégaliste, individualiste et altruiste, ayant réellement existé dont Maurice Leblanc se serait peu ou prou inspiré dans ses romans !
Marius Alexandre Jacob est né en 1879, à Marseille d’un père alsacien – « réfugié de l’intérieur » vraisemblablement peu après la défaite de Sedan et l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par l’Allemagne – et boulanger, et d’une mère… femme du boulanger, toute « pagnolade » mise à part ! Enfant de chœur athée, il rêve de voyages et d’aventures autour du monde.
Pitchoun de Marseille
À onze ans, le certificat d’études primaires en poche, il devient mousse sur les paquebots des Messageries maritimes puis déserte et rejoint un équipage de forbans opérant sur un baleinier. Il voulait découvrir le monde et sa beauté. Il n’en vit que la face la plus abjecte : des riches dépravés et bigots, l’opulence arrogante des uns et la détresse des plus misérables : esclaves du sultan de Zanzibar embarqués à fond de cale, bagnards enfuis de Nouméa et repris en Australie, ou équipages exécutés sans faire de quartier par ses compagnons pirates ; la réalité de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Laide Belle Époque
De retour à Marseille, il commence à militer. C’est ainsi qu’à seize ans seulement, de simple spectateur de la cause anarchiste, il en devint acteur tant par ses articles dans la presse libertaire que par la « propagande par le fait » : d’abord avec l’humour d’un potache qui balance des boules puantes en pleine messe puis en devenant un esthète de l’illégalité et de la « reprise individuelle », c’est-à-dire en détroussant les riches pour redistribuer tout ou partie du butin aux pauvres. Il s’agit donc de voler ceux (capitalistes, politiciens, clergé…) qui tirent profit de l’exploitation des travailleurs, puisque selon le précepte proudhonien : « La Propriété, c’est le vol. »
Adepte de l’« illégalisme », c’est-à-dire du recours à des actions interdites qui doivent mener à la révolution, il passe successivement du vol avec ruse au vol en bande organisée, avec ses fameux « Travailleurs de la nuit », des monte-en-l’air qui maniaient la pince-monseigneur, le pied-de-biche et les passe-partout avec dextérité.
Et si le produit de leurs cambriolages est partagé avec équité entre les membres de la bande, une partie est systématiquement réservée au financement de la presse militante. Cambrioleur ? Assurément ! Les coffres-forts n’avaient plus de secret pour lui. Gentleman ? Itou ! Il signait chacun de ses forfaits d’une carte de visite établie au nom « d’Attila » et s’interdisait de cambrioler poètes et artistes. C’est ainsi qu’il pria l’écrivain Pierre Loti de bien vouloir l’excuser d’avoir brisé sa fenêtre en tentant le cambrioler, avant de lui laisser un billet de dix francs (une somme pour l’époque !) en dédommagement, juste après s’être aperçu de sa méprise.
Espiègle et rigolard
Cet album aurait pu tomber dans le travers de l’ouvrage militant plan-plan « tristounet mais sincère », et il n’en est absolument rien ! Bravo à Gaël et Vincent Henry qui ont su nous tenir en haleine en nous projetant dans la vie de cet anarchiste cambrioleur, espiègle et rigolard mais sérieux en ce qui concerne son idéal, qui survécut au bagne de Cayenne et donc à tout.
Signalons qu’un dossier complet, réalisé par Jean-Marc Delpech, historien et biographe d’Alexandre Jacob, est disponible en fin d’ouvrage.
Les petits miquets, le blog BD du Monde
25 février 2016
Alexandre Jacob, anarchiste cambrioleur
En 1840, l’anarchiste français Pierre-Joseph Proudhon écrivait « la propriété, c’est le vol » (dans Qu’est-ce que la propriété ?). Si cette formule est reprise au dos d’Alexandre Jacob, la vie de cet « anarchiste cambrioleur » ne saurait se résumer à cet aphorisme. Et si Vincent Henry, au scénario, et Gaël Henry, au dessin pour son premier album, ne se consacrent qu’à la première partie de l’existence d’Alexandre Jacob, à la fin du XIXe siècle, c’est pour mieux illustrer ce qui fait que la destinée d’une personne est le fruit des circonstances mais aussi de ses choix. Et cerner ainsi la genèse d’une volonté.
A savoir, comment à peine devenu adulte, on se retrouve à la tête d’un gang de cambrioleurs, « Les Travailleurs de la nuit », et accusé d’avoir commis plus de 150 cambriolages en quatre ans. « Cela fait presque un par semaine. On ne pourra pas vous reprocher votre oisiveté, vous ne deviez pas traîner au café », remarque le président du tribunal qui le juge en juillet 1905. Ce à quoi Alexandre Jacob répond par un de ses traits d’humour caractéristique : « En effet, nous avions une bonne hygiène de vie. »
Si le dessin est de Gaël Henry s’avère furieusement proche de celui de Christophe Blain, ce récit en deux partie (une pour la jeunesse du héros, une pour son procès) conte le destin d’une figure méconnue du mouvement anarchiste, trop souvent réduite à la silhouette d’un gentleman cambrioleur à l’humour tranchant ou d’un Robin des bois aux astuces sans limites.
Comme ne manque pas de le rappeler Vincent Henry, Alexandre Jacob avait pour deuxième prénom Marius. Il était le fils d’un boulanger marseillais. Né en 1879, parti sur les mers dès l’âge de onze ans, il dut rester à terre lorsqu’il en eut seize. Fin de l’analogie avec une la trilogie marseillaise de Pagnol. Car notre Marius ne va pas se contenter de partie de cartes en revenant au port.
Nourri de ses lectures (Lamartine, Zola, Hugo et, on l’imagine, d’autres auteurs révolutionnaires ou libertaires) et du dégoût des injustices vues ou subies, Alexandre Jacob va plonger corps et âme dans ce milieu anarchiste en plein boum – au propre comme au figuré : l’attentat d’Emile Henry contre un café de la gare Saint-Lazare ou l’assassinat du président Sadi Carnot par Santo Geronimo Caserio ont lieu à cette époque.
De fil en aiguille, il va aussi préférer à la propagande par le fait (qui approuve notamment les actes de terrorisme) un autre « courant » : la reprise individuelle par le vol. Comme Alexandre Jacob l’explique lors de son procès : « J’ai préféré combattre pied à pied mes ennemis en faisant la guerre aux riches, en attaquant leurs biens. (…) Tout homme a droit au banquet de sa vie. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. »
Maurice Leblanc se serait inspiré de lui pour créer son personnage d’Arsène Lupin dont la première aventure paraît dans le magazine Je sais tout en… juillet 1905, en plein procès. Amusant jeu de miroir quand on sait que notre anarchiste cambrioleur a beaucoup contribué à la liberté de la presse : il reversait en effet une part de ses gains – on parle de 10% – à certains journaux proche de la cause.
Arrêté le 2 avril 1903, condamné le 24 juillet 1905 à vingt ans de travaux forcés, il embarque le 22 décembre pour Cayenne. Là s’arrête notre ouvrage. Il aurait pu se poursuivre par le récit des années de captivité, la dénonciation du bagne (où il a passé dix-huit années), le retour à la vie normale (enfin, si l’on veut, pour quelqu’un n’ayant jamais renié ses idéaux libertaires) jusqu’à son suicide par injection, à l’âge de 75 ans.
Il laisse derrière lui cinq biographies, dont une de Jean-Marc Delpech sur laquelle est basée l’ouvrage, et une rue à son nom, inaugurée en 2005, à Reuilly (Indre), village où il donna un dernier banquet pour les enfants pauvres de la commune, le 27 août 1954, à la veille de sa mort.
Au dessin, Gaël Henry, né en 1989 et diplômé en 2010 de l’Académie de Tournai, fait preuve d’une belle maturité notamment par sa maîtrise du mouvement. Le découpage des planches est assez classique sans être totalement conventionnel avec parfois des vignettes qui occupent une page entière. Si le scénario de Vincent Henry – oncle du dessinateur, et par ailleurs patron de la maison d’édition le Boîte à bulles -colle à la réalité, le trait est lui beaucoup plus figuratif et garde une grande liberté, brossant chaque personnage en deux ou trois caractéristiques. Il colle en ce sens très bien à une époque où l’expérimentation picturale allait bientôt prendre le dessus. Ce qui ne fut pas le cas de l’anarchie.
Cyril Ouzoulias
Alexandre Jacob, Vincent Henry (scénario) et Gaël Henry (dession), Sarbacane, 160 p., 22,5 euros
http://www.bdgest.com/news-1067-BD-C-est-l-editeur-qui-fait-l-auteur.html
« C’est l’éditeur qui fait l’auteur »
Entretien avec Gaël et Vincent Henry
Propos recueillis par L. Cirade, L. Gianati et A. Perroud
Interview 16/03/2016
Quand Alexandre Jacob est présenté uniquement comme celui qui a inspiré Maurice Leblanc pour Arsène Lupin, le milieu anarchiste a tendance à sortir ses griffes. Car le natif de Marseille n’était pas seulement un cambrioleur ingénieux qui redistribuait aux pauvres ce qu’il prenait aux riches, il était aussi un vrai libertaire dans l’âme. Vincent Henry est sorti de sa Boîte – à Bulles – pour brosser un portrait fidèle et complet de ce personnage haut en couleurs en compagnie de son neveu, Gaël, qui signe ici sa première bande dessinée.
Pourquoi ne pas avoir sorti cet album chez La Boîte à Bulles ?
Vincent Henry : J’avais écrit le scénario pour Domas, un auteur de La Boîte à Bulles mais avec l’objectif de signer chez un gros éditeur. Le projet a été refusé de partout, on nous disait notamment que le texte n’allait pas avec le dessin. C’est un argument que je n’ai pas forcément compris, du coup Domas s’est rétracté. Ça a été le seul moment où je me suis posé la question de l’éditer chez La Boîte à Bulles. Quand Gaël (Henry, NDLR) a commencé à chercher un scénario, je lui ai proposé celui-ci. Au départ, il n’était pas trop emballé. Puis, au bout de trois semaines, il m’a dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Il m’a envoyé alors quelques pages et on a constitué un dossier qu’on a renvoyé aux éditeurs. On s’est refait jeter de partout, sauf chez Sarbacane. Cette fois, on nous disait surtout que le dessin de Gaël ressemblait trop à celui de Christophe Blain. On a présenté ce projet sous forme de diptyque et Frédéric Lavabre (éditeur chez Sarbacane, NDLR) a dit d’accord, pour l’instant, pour un livre. J’ai trouvé sa demande légitime. Quand un premier livre n’arrive pas à s’imposer, le deuxième n’y arrive pas non plus. On a donc signé pour un seul album, sachant qu’à la fin, il y a une véritable coupure dans la vie d’Alexandre Jacob. Ça ne posait donc pas vraiment de problème d’arrêter après ce premier tome.
Gaël Henry : Et pour moi, il aurait été très inconfortable que l’album sorte chez La Boîte à Bulles. Mon père est actionnaire… (sourire) Ça me gênait vraiment d’autant que je n’avais rien publié avant.
V.H. : Et puis je voulais aussi voir si les autres éditeurs étaient aussi chiants que moi. (sourire) Plus sérieusement, celui qui fait l’auteur, c’est l’éditeur. On devient vraiment auteur, quand on fait un livre à compte d’auteur. Quand je me suis édité pour deux autres livres, j’ai fait pratiquement de l’auto-édition. Ne serait-ce que pour me sentir moi-même auteur, j’avais besoin qu’un éditeur me dise : « Ce bouquin, je le fais ». Et puis en termes de promotion, c’est de tout repos pour moi. Je me verrais mal demander à mon attachée de presse si elle a bien promu mon album.
G.H. : Pour moi, il aurait été étrange d’avoir une seule et même personne pour éditeur et pour scénariste.
Quels sont les rapports avec son éditeur quand on est soi-même éditeur ?
V.H. : Il y a certainement un peu plus de complicité, d’autant qu’on est du même âge et de la même génération avec Frédéric. Quand il me fait des remarques, et inversement, on sait très bien tous les deux de quoi on parle.
L’avantage est d’avoir une fin « propre » à la fin de ce premier tome…
V.H. : Oui. Et beaucoup de personnes pensent qu’il n’y aura pas de suite. D’ailleurs, je n’ai pour l’instant travaillé que sur cette première partie, ne sachant pas s’il y aurait un jour une deuxième partie. Les souvenirs que j’en ai commencent un peu à dater… Alexandre Jacob aimait beaucoup écrire. On a donc retrouvé beaucoup de lettres qu’il envoyait à sa mère alors qu’il était au bagne. Dans l’album, il y a beaucoup de mots qui sont les siens. Lors du procès, par exemple, quand les phrases s’enchaînent, j’ai alterné ses propres mots avec des mots complètement inventés. De même, la lettre présente à la fin reprend en partie ses propres termes. Il en sera de même pour la deuxième partie. C’est donc un investissement énorme en temps.
La deuxième partie se passant au bagne, n’y a-t-il pas un risque qu’elle soit moins trépidante que la première ?
V.H. : La deuxième partie est tout aussi trépidante mais totalement différente. Il a essayé une quinzaine de fois de s’évader dont une partie de ces évasions a été reprise par Henri Charrière, dit « Papillon ». Il écrivait souvent à sa mère pour demander sa grâce. Quand il était en isolement, les pieds dans la boue, il lisait des bouquins de Droit et passait même en procès l’établissement pénitentiaire. Il y a toujours des choses à raconter sur Alexandre Jacob… Après, effectivement, quand il sort du bagne c’est plus calme. Il y a une très belle histoire d’amour à la fin dont on parlera. J’ai la chance d’avoir la confiance de Jean-Marc Delpech, l’historiographe le plus pointu d’Alexandre Jacob. Je peux jouer au sparring partner avec lui pour lui demander conseil sur le déroulement de l’histoire.
Comment avez-vous eu vent du travail de Jean-Marc Delpech ?
V.H. : Il anime le site « Atelier de Création Libertaire » dans lequel il dépose toutes les informations qu’il possède sur Alexandre Jacob. Quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, je lui ai envoyé un mail en lui demandant s’il pouvait m’aider et me donner quelques conseils. Il m’a répondu oui immédiatement. Toute œuvre qui permet de parler d’Alexandre Jacob en tant qu’anarchiste l’intéresse. Par contre, il n’aime pas que l’on parle de lui uniquement comme un aventurier qui aurait inspiré Arsène Lupin.
Ou les Pieds Nickelés…
V.H. : Oui. On aime toutes les facettes de ce personnage. C’est d’ailleurs très bien raconté sur la très belle page de Gaël pendant son procès sur laquelle il explique pourquoi il vole. S’il n’était pas un vrai anarchiste, il ne prendrait pas le risque devant le juge de se déclarer en tant que tel, alors qu’ils étaient à l’époque très peu appréciés.
Il y a néanmoins une forme de complicité entre Alexandre Jacob et le juge…
V.H. : Il y a un vrai jeu de ping-pong entre les deux hommes, c’est vrai… Mais le jeu vient beaucoup plus d’Alexandre Jacob que du juge. Jacob coupait le juge en permanence… Le procès a été bien plus rapide quand il a été expulsé du tribunal.
Les avocats semblent tous sortis du même moule…
G.H. : Tout ce qui représente l’ordre est traité de la même façon, que ce soit les avocats, les policiers ou les jurés. C’est quelque chose qui marche bien narrativement, ça permet également de ne pas être trop perdu graphiquement, car il y a beaucoup de personnages.
V.H. : C’est une demande que j’ai eu de la part de l’éditeur et du dessinateur, celle de réduire le nombre de personnages. (sourire) J’ai pu le faire sauf pour la bande d’anarchistes.
Gaël, pourquoi avoir hésité au début sur ce projet ?
G.H. : Au tout début, j’étais déjà en contact avec un scénariste, Wazem, avec lequel je devais peut-être travailler. Finalement, ça ne s’est pas fait. Quand Vincent m’a présenté le projet pour la première fois, j’ai surtout vu son côté historique. Je ne connaissais pas cette époque, je ne connaissais pas Alexandre Jacob, je savais qu’il fallait que tout soit crédible… Tout ça me faisait un peu peur. Pendant cette période de flottement, j’ai lu de façon plus approfondie le scénario. J’ai commencé vraiment à m’y intéresser et je me suis lancé.
V.H. : Le storyboard a joué un rôle fondamental. Le scénario que j’écris n’est pas découpé et Gaël propose sa propre vision de l’histoire. Ainsi, l’album est vraiment devenu un livre non pas au moment de l’écriture du scénario mais au moment du storyboard. Gaël a un véritable rôle de co-scénariste.
Ce n’était pas un écueil de vouloir explorer plusieurs « exploits » d’Alexandre Jacob et de les enchaîner les uns après les autres ?
V.H. : Si et c’est pour ça qu’on ne l’a pas fait dans l’album. C’est ce qui m’a le plus amusé en faisant ce bouquin. Je l’ai imaginé comme un jeu de Lego dont toutes les pièces étaient déposées sur une table. J’ai cherché à les assembler pour en faire une belle maison. La recherche du bon rythme a été permanente avec Gaël qui a rajouté de temps en temps quelques gags.
Le personnage d’Alexandre Jacob est très attachant, sans trop d’ambiguïté. C’est un peu le contraire du parti pris de Fabien Nury dans Il était une fois en France…
V.H. : Je connais au moins une personne qui n’aime pas Alexandre Jacob après avoir lu l’album. Je n’avais pas la volonté que tout le monde l’aime. Même ses ennemis le trouvaient brillant et attachant. Pour autant, je n’ai jamais voulu occulté un point négatif du personnage. Je parle d’une jeune femme qui se fait tuer avant le procès, des jurés qui se récusent tous par peur de se faire assassiner suite à des menaces… Même si sa philosophie est « je ne tire que si on attente à ma liberté », on peut se demander si en tant que prisonnier, ce n’est pas lui qui a menacé indirectement les jurés. Je ne l’occulte absolument pas.
Il a aussi une certaine forme d’arrogance en se présentant au-dessus de la masse…
V.H. : Oui. Il a l’impression de se battre pour un peuple alors que le peuple n’en a rien à faire. Alexandre Jacob a évoqué cette frustration dans ses écrits. Si tout le monde trouve Alexandre Jacob très sympathique, c’est presque une déception pour moi.
Gaël, on parle beaucoup de votre trait qui ressemble à celui de Christophe Blain. Est-ce quelque chose que vous assumez ?
G.H. : J’en suis conscient, surtout après coup. (sourire) Pour moi, ce que fait Christophe Blain est ce qui se fait de mieux en termes d’expressions dans la bande dessinée. Mais concrètement, je ne me suis jamais dit que je faisais du Blain. Ça reste un premier album. Je pense que naturellement, je vais me défaire de certains tics pour le deuxième.
V.H. : On a donné aux personnages un côté « Pieds Nickelés » qu’ils ont un peu. Du coup, Pieds Nickelés = Vitalité = Pellos ou Blain.
G.H. : D’où aussi les grands nez. Cela a été une astuce pour immédiatement le reconnaître quand il est passé d’enfant à adulte.
V.H. : L’histoire d’Alexandre Jacob et le traitement de Gaël évoque clairement le dynamisme. Sur le prochain album sur lequel on travaille, une adaptation de Zola, il y a beaucoup de moments de discussions, des personnages absolument pas humoristiques… Son dessin sera sans doute différent.
G.H. : J’ai encore un peu de mal à me projeter, puisqu’on en est encore au storyboard. Je sais que graphiquement, ce sera très différent, du noir avec de la couleur, donc plus classique. Au niveau de l’ambiance, ce sera à peu près à la même époque, autour de 1870, mais ce sera beaucoup plus parisien.
Quels sont les retours des lecteurs ?
V.H. : En séance de dédicaces, nous n’avons que deux personnes qui l’ont lu (À l’époque du festival d’Angoulême, fin janvier 2016, NDLR). Les retours sont plutôt bons en général.
G.H. : On sent quand même que ce sujet est plutôt bien connu dans le milieu « anar ». Certains sont venus directement acheter l’album juste en ayant eu connaissance du thème.
V.H. : Pour la petite histoire, Alexandre Jacob a eu une dernière histoire d’amour avec une dame à la fin de sa vie qui est toujours vivante. Elle nous a dit avoir dévoré le bouquin en deux nuits et qu’elle a tourné les pages avec l’envie de savoir ce qui allait se passer, alors qu’elle n’aime pas la bande dessinée. Elle dit avoir redécouvert Alexandre Jacob avec nous alors qu’elle a passé un an avec lui. On va d’ailleurs la rencontrer et elle sera l’un des personnages principaux du deuxième tome.
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