Vol à Chalon sur Saône
Décembre 1902, l’entreprise de démolition publique et de déplacement de capitaux fondée deux ans plus tôt par Alexandre Jacob tourne à plein régime. Après avoir visité la Picardie en compagnie d’Alcide Ader le mois précédent, la brigade formée par Léon Ferré, Félix Bour et ‘honnête cambrioleur fait un tour par la Bourgogne avant d’aller œuvrer en Normandie. Il y a tout lieu de penser que le périple ferroviaire des trois voleurs ne s’est pas arrêté qu’à Chalon sur Saône, à 341 km au sud-est de Paris et où le 2 juin 1900 la troupe, sur ordre du président du Conseil Waldeck Rousseau, a tiré sur les ouvriers manifestants ce jour-là. Trois sont resté, sans vie, sur le carreau. Le vol commis dans l’église Saint Cosme s’inscrit-il dans le cadre d’une vengeance sociale ? Cela n’est pas sûr non plus.
Nous pouvons nous interroger en revanche sur le fait que Georges Etienne Apport soit né le 22 avril 1873 dans cette ville à l’industrie florissante depuis que la famille Schneider y a installé les chantiers dit du « petit Creusot » en 1839. Apport est l’employé du fondeur Brunus établi au 15 de la rue Michel Le Comte dans la capitale et chez qui les anarchistes cambrioleurs écoulent les objets métalliques volés. Brunus est d’ailleurs lui aussi originaire de Saône et Loire. Les compagnons auraient-ils indiqué la ville à leurs camarades illégalistes comme une cible potentielle ? Toujours est-il que seul l’édifice religieux consacré au saint anargyre et thaumaturge a été l’objet d’une effraction.
L’examen de ce vol lors de la 4e audience du procès d’Amiens en 1905 révèle qu’il n’a pas rapporté grand-chose. Les troncs de l’église, située près de la gare de Chalon, avaient été vidés la veille. Mais la prise de calottes met en lumière les techniques des Travailleurs de la Nuit. L’habit faisant le moine et le calotin, qui pourrait soupçonner d’inavouables et délictueuses intentions l’honorable religieux se promenant le soir, dans les rues de telle ou telle sous-préfecture. Jacob avait acquis un lot de friperie sur Montpellier ; le cambriolage de l’église Saint Cosme montre que cette garde-robe pour passer inaperçu s’est largement étoffée.
Archives de la Préfecture de Police de Paris
EA/89, dossier de presse La bande sinistre et ses exploits
4e audience, 11 mars 1905
Vol à Chalon-sur-Saône
Le 6 décembre 1902, M. Cornace, sacristain à l’église Saint-Côme, à Chalon-sur-Saône se rendant dans l’église pour sonner l’angélus, vers 5 heures du matin, fut surpris de trouver ouverte une trappe donnant sur le calorifère, ainsi qu’une porte en fer ouvrant sur le sous-sol et qui étaient encore fermées la veille au soir. Il constata alors que la sacristie avait été visitée par des voleurs.
Les tiroirs et placards avaient été fouillés, les ornements du culte avaient été laissés sur le plancher.
Dans l’intérieur de l’église les troncs de saint Antoine de Padoue et du Perpétuel Secours avaient été fracturés et vidés. Sur celui du bénitier on remarquait des traces de pesées.
Ces troncs ayant été vidés la veille ne devaient contenir que des sommes insignifiantes. Dans la sacristie deux petits vases en argent avaient été dérobés ainsi que les calottes des marguilliers.
Ce vol est l’œuvre de Jacob, Ferré et Bour qui l’a reconnu. Dans la sacoche saisie à Pont-Rémy se trouvait une des calottes dérobées dans la sacristie ; elle servait à Bour de calotte de voyage.
Bour se souvenait d’avoir été enfant de chœur.
Le témoin est absent. M. Pennellier lit sa déposition à l’instruction.
Bour – Je n’ai dénoncé Ferré que par vengeance.
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