Salut Olivier
L’ancien hangar industriel avait été aménagé en salle de concert. On était dans le bas Montreuil pas très loin du périphérique. À l’étage se trouvait une salle de réunion et une bibliothèque. Là, se réunissait l’équipe de L’Insomniaque. Olivier participait à la discussion quand je suis arrivé et après de trois menues présentations, j’ai commencé à parler de mes recherches sur Alexandre Jacob. Olivier menait le débat, ses yeux pétillaient. C’était un fin observateur. Il m’a laissé parler. Il m’a laissé dire que faire de Jacob un aventurier n’était pas satisfaisant et que sans motivations politiques on ne pouvoir saisir l’homme, l’honnête homme et ses actes. Il savait déjà tout cela. À la fin de la discussion, il m’a refilé une boite d’archives : « tiens, c’est le dernier truc qu’on n’a pas eu le temps de le fouiller. C’est toi qui vas le faire. » L’Insomniaque venait tout juste de sortir des extraits des Écrits de Jacob en trois petits volumes dans sa collection À couteaux tirés. Je suis reparti avec le carton et un bon petit paquet de Travailleurs de la nuit, d’Extermination à la française et de À bas les prisons, toutes les prisons !. Olivier Cueto est entré dans ma vie jacobienne, c’est devenu un ami. C’était il y a dix-neuf ans. Aujourd’hui, dimanche 29 mars 2020, je viens d’apprendre sa mort et, lacrymales au garde-à-vous, je chiale mon ami perdu.
Olivier était un touche-à-tout culturel, opérateur dans un théâtre d’ombres, militant infatigable de la lutte anticarcérale ; ce fut un des initiateurs du journal et de l’émission radio L’Envolée (sur FPP) et on lui doit des ouvrages inestimables sur la prison comme Fraternité à perpète, Au pied du mur. 765 raisons d’en finir avec les prisons, ou encore Non je ne serai pas maton !. Il m’a raconté en novembre 2005 sa rencontre avec l’honnête cambrioleur et l’immense travail de redécouverte qu’il a pu accomplir et qui a aboutit en 1995 à la publication des Écrits. Grâce à lui, l’honnête homme a revêtu ses habits d’anarchie et laissé tomber ceux outranciers et ridicules avec lesquelles des biographes à prétention biographique – pour reprendre son expression – l’avaient habillé depuis 1970. Bernard Thomas n’avait d’ailleurs pas supporté ce coup de griffe. On peut entendre Olivier dans les disques qui accompagnent cette première édition. Il chante Dans la rue des bons enfants et intervient dans quelques-unes des saynètes retraçant la vie de Jacob. En 2004, j’apportai ma contribution à la réédition en un volume des Écrits, grâce à lui et au carton qu’il m’avait confié notamment. Aujourd’hui Olivier est mort. Putain de cancer. Dans le n°71 du mensuel Défense de l’Homme, Robert Passas rendait hommage en septembre 1954 à « Jacob mon ami parfait » : « A l’heure où j’écris ceci, le hideux voyage s’achève, et j’ai froid. » Pour toi Olivier, c’est pareil, on a froid… et on chiale. Salut l’ami.
La rue des bons enfants – 1er cd – Écrits 1995
Introduction cd Écrits 2004
Tags: Alerxandre Jacob, Ecrits, Jacob, L'Insomniaque, mort, Olivier Cueto
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30 mars 2020 à 12:18
Je ne connaissais pas Olivier Cueto, mais tu as des mots justes le concernant
1 avril 2020 à 10:16
Merci Olivier,
Sans Oliv’, je n’aurais jamais pu accomplir tout le travail sur Alexandre Jacob. C’est lui qui a sorti Jacob de l’impasse de l’aventurier lupinien et qui a permis que l’on puisse y voir un réel homme politique, littéraire de surcroît.