Calendrier Jacob : juin 2020


Les anarchistes au bagne

Le bagne, créé 1854, est un système éliminatoire. Pour plus de 100 000 hommes jusqu’en 1938. Élimination par l’éloignement : la Guyane à plus de 7 000 km de la métropole, la Nouvelle Calédonie – entre 1867 et 1893 – à plus de 12 000. Élimination par le travail, la faim, l’épuisement, les maladies et les coups.

Jacob pose le pied sur l’île Royale en janvier 1906. La statistique ne donne qu’à peine 5 ans de vie au transporté débarquant en Guyane. Être anarchiste peut vous raccourcir ce délai. Les révoltés de l’île Saint-Joseph ont été tirés comme des lapins les 21 et 22 octobre 1894. 16 morts dont 14 forçats et, parmi eux, 5 anarchistes. Le matricule 34777, classé aux internés A  – comme anarchiste, est pourtant resté 19 ans aux îles du Salut ! Être anarchiste peut rallonger votre espérance de vie !

Des réseaux de solidarité à l’extérieur et à l’intérieur, une réelle force de caractère et un climat plus sain. On meurt moins vite sur cet archipel d’à peine 69 ha, balayés par les vents, situé à 15 km de Kourou et dont on ne s’évade pas tant les courants et les squales sont de précieux auxiliaires à la cinquantaine de surveillants militaires.

Les lois dites « scélérates » de 1893-94 ont fourni un petit lot de libertaires. Guère plus de cent : « Si l’on excepte les anarchistes, représentés au bagne par une très infime minorité, on ne compte que des individus complètement démunis d’instruction civique et qui n’ont aucune opinion politique » (Louis Rousseau, Un médecin au bagne, 1930).

Considéré comme un droit commun, l’anarchiste n’est pourtant pas traité comme tel. L’internement aux îles renforce alors la cohésion d’un groupe se démarquant par une attitude de rejet des normes carcérales. De là beaucoup de punitions subies pour refus de travail, bavardages et autres infractions aux règlements. Roussenq cumule plus de 4 000 jours de cachot entre 1909 et 1929 ! L’opposition s’illustre aussi par les nombreuses plaintes que les bagnards adressent aux hautes sphères de l’administration pénitentiaire (AP). L’anarchiste sait écrire et sait fort bien le devenir de ses doléances : « réclamation non fondée » ou « dénonciation calomnieuse »… et punition à la clé. Il se distingue ensuite par son comportement : alcool et jeu, homosexualité et prostitution le répugnent. Rarement tatoué. Il préfère de loin l’étude et la lecture. S’il camelote comme les autres, il ne le fait guère sur le dos de ses codétenus.

Le refus est enfin une attitude de la survie et l’espoir de la Belle s’inscrit comme une constante. Beaucoup cherchent à obtenir un déclassement de la catégorie A et font mine de s’assagir. La fin de ce statut permet ainsi un envoi sur le continent. L’évasion devient envisageable. C’est ce qu’entreprend avec succès Clément Duval en 1901 ou encore Eugène Dieudonné en 1926.

Peu sont revenus de l’enfer guyanais, peu ont témoigné et, parmi ceux-là, beaucoup furent anarchistes : il faut lire Duval, Law, Liard-Courtois, Dieudonné, Roussenq… et Alexandre Jacob.

CIRA Marseille 2020 : calendrier Jacob

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