Mes tombeaux 8


Les Allobroges

7ème année, n° 1281,

vendredi 6 février 1948, p. 2.

Mes tombeaux

souvenirs du bagne

par Paul Roussenq, L’Inco d’Albert Londres

VII

LES FERS, LA PRISON DE NUIT, la CELLULE, et le CACHOT

Tel était le décor où se déroulèrent plus de vingt années de ma vie, la plupart du temps dans le fond des cachots.

STRUCTURE DU BAGNE

Passons rapidement à travers ce chapitre ingrat, mais qui a quand même sa valeur documentaire.

Le Bagne comprenait trois principaux pénitentiers : ceux de Saint-Laurent-du-Maroni, de Cayenne et des Iles du Salut.

L’effectif de la population pénale s’élevait à quatre mille cinq cents individus.

Chaque pénitentier avait à sa tête un commandant administratif. Un surveillant principal et plusieurs surveillants-chefs dirigeaient la cohorte de leurs subordonnés.

Les médecins militaires du corps d’infanterie coloniale assuraient le service médical. Je parlerai longuement, en tempe voulu de ces hommes d’élite.

Un tribunal spécial connaissait des crimes et délits commis en tours de peine, de même que les commissions disciplinaires sanctionnaient les infractions aux règlements. Les punitions prévues étaient la prison de nuit, la cellule et le cachot.

La première consistait à passer le nuit aux fers, dans un local approprié. Elle n’entraînait pas d’autres conséquences.

La punition de cellule se purgeait aux locaux disciplinaires, en dehors des heures de travail. Elle entraînait, en plus de la mise aux fers pendant la nuit, la mise au pain ace deux jours sur trois.

Quant à la punition de cachot, nous en reparlerons.

La nourriture allouée aux condamnés était suffisante tant qu’elle ne sortait pas des limites théoriques, c’est à dire sur le papier.

Il était prévu, quatre jours par semaine, 250 grammes de viande fraiche par homme ; deux fois par semaine, 200 grammes de viande de conserve en boite et une fois par semaine 150 grammes de lard. En outre, un demi-litre de bouillon Kub pour le premier repas.

Dans la pratique, après cuisson, cette demi-livre de viande fraiche, parvenant dans la gamelle, avait laissé en route les deux tiers de son poids. La ration de viande de conserve – et pour cause ! – était délivrée intégralement. Il n’y avait pas moyen de faire autrement, le témoignage éventuel de la balance était à redouter… Il n’en était pas de même pour le lard salé qui fondait à vue d’œil et nous arrivait à sa plus simple expression.

Pour le repas du soir, il était prévu 100 grammes de légumes secs, cinq fois par semaine et 60 grammes de riz, deux fois par semaine. Plus un demi-litre de bouillon, sauf les jours de riz. Ces rations, après cuisson, représentaient la contenance de vingt-cinq centilitres.

La plupart du temps, les légumes secs étaient moisis ou manquaient de cuisson.

Quinze grammes de graisse par homme étaient délivrés aux cuisines mais les rationnaires n’en voyaient jamais la couleur.

Pour le déjeuner matinal, au réveil, il était alloué 12 grammes de café et 15 grammes de sucre. En fait, on se contentait de boire la lavasse édulcorée qui en tenait lieu.

La ration journalière de pain s’élevait à 750 grammes, ce qui était convenable.

On verra, plus loin, à la suite de quoi et comment, les vivres étaient ainsi détournés.

Au point de vue de l’habillement, les effets devaient être renouvelés dans un temps donné, à dater de leur délivrance, Là encore, il y avait du tirage.

De même pour les chaussures.

D’autre part. chaque condamné percevait 300 grammes de savon mensuellement, pour la propreté corporelle et vestimentaire.

Un chapeau de paille à larges bords, grossièrement tressé et fabriqué sur place, complétait la tenue réglementaire.

Un complet de treillis gris, avec rechange, constituait la tenue pour la période de l’année dite saison sèche. Un complet de laine marron, unique, était indiqué pour la saison des pluies.

Chaque condamné portait au bras gauche son numéro d’immatriculation, mais il était toujours interpellé par son nom.

Les appellations de forçat et de bagnard n’existaient pas dans le vocabulaire administratif ; les condamnés étaient désignés sous le nom officiel de « transportés » de même que l’ensemble de l’effectif pénal du Bagne était dénommé Transportation. Cela s’expliquait de ce fait que les condamnés avaient été, effectivement transportés de France en Guyane.

(A suivre)

Tags: , , , , , , , , , , , ,

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (2 votes, moyenne: 5,00 sur 5)
Loading...

Imprimer cet article Imprimer cet article

Envoyer par mail Envoyer par mail


Laisser un commentaire

  • Pour rester connecté

    Entrez votre adresse email

  • Étiquettes

  • Archives

  • Menus


  • Alexandre Jacob, l'honnête cambrioleur