« Je récupère ma prose et ne désire pas la voir figurer dans cette webpublication. » a écrit Philippe Collin sur WhatsApp le 30 juin 2023 à 15h11 précise après que nous lui ayons proposé de mettre en ligne Roussenq une vie enfermée. Quarante minutes plus tard, Vanessa Van de Walle refusait à son tour de voir dans le Jacoblog les parties écrites par ses soins. La veille, Les Éditions Loubatières prenant connaissance des divergences entre les auteurs sur cette étude retiraient leur projet de livre. Rien ne présumait au départ du formidable gâchis à la hauteur de trois années de fructueuses recherches et d’écriture. Cet échec éditorial s’inscrit néanmoins dans l’historiographie des bagnes de Guyane en général et de Paul Roussenq en particulier.
Que s’est-il passé sur l’îlet L’Enfant-Perdu au large de Cayenne ? Un coup de folie menant à une rixe meurtrière ? Des bagnards affamés que l’on a oublié de nourrir et qui sont arrêtés à Kourou pour évasion alors qu’ils tentaient d’échapper à une mort certaine après avoir épuisé leurs rations alimentaires ? Il y a sur l’îlot un phare dont doivent s’occuper deux ou trois forçats, isolés du reste du monde. La scénographie se prête ainsi au plus improbable des drames, lui fournissant un extraordinaire huis-clos.
Les mythes et légendes du bagne ont une double utilité. La morbide histoire repousse la velléité d’évasion ou d’opposition du condamné face à l’ogre carcéral ; elle alimente aussi en métropole un fataliste et voyeuriste discours médiatique. Faitdiversification oblige pour reprendre le néologisme inventé par l’historien Dominique Kalifa, les feuilles à cinq sous édifient ainsi un lectorat atterré avec force de prodigieuses et singulières illustrations, avec force de détails tragiques, sanglants et violents. L’imaginaire se nourrit toujours sur la peau du forçat mélangeant allégrement la rumeur et la réalité.
Spoiler alert ! Lancé en janvier 1995, Mon Quotidien est un journal d’actualité s’adressant aux 10-14 ans dans un style simple et pédagogique. C’est pourquoi on peut trouver des explications de vocabulaire à la fin de chaque article. Vendu uniquement par abonnement, le canard juvénile de huit feuilles traite de tous les sujets même si, bien souvent pour attirer l’œil du préadolescent, la Une affichera une tortue déformée par l’ingestion d’un sac plastique, un bébé panda né dans un zoo quelconque ou encore des enfants travaillant dans d’obscures usines d’un pays émergent. La sortie et le succès mondial au mois de janvier 2021 de la série télé Lupin chez Netflix est l’occasion d’interviewer l’historien Arnaud-Dominique Houte, sur la possibilité de l’existence d’un personnage réel ayant inspiré le créateur du gentleman-cambrioleur. Lupinose ? Lire le reste de cet article »
David Snug est auteur de BD. David Snug est drôle. Il est aussi socialement conscient. David Snug s’appelle en réalité Guillaume Cardin mais Snug c’est mieux. David Snug fait de la musique et quand il ne taquine pas Euterpe au sein des Trotski Nautique, il s’applique à nous dilater la rate avec ses dessins au vitriol. « Maître dans l’art de la punchline, du détournement et de la mauvaise foi, il pointe les travers de notre époque, épingle les puissants, les politiques, les stars de l’industrie culturelle et des médias, et dénonce les conformismes et le militantisme de façade (greenwashing, flexitarisme, etc.). » écrit Nada, son éditeur, à l’occasion de la sortie au début de cette année 2023 de La lutte pas très classe petit livre de 72 pages. David Snug a tranché la question de la lupinose. En effet, comment comprendre l’histoire d’un honnête cambrioleur si on ne prend pas en compte ses motivations politiques ? De fait : « Alexandre Jacob sans lutte des classes c’est Arsène Lupin« . Que David Snug soit ici grandement remercié.
L’Hôpital avec ses insuffisances reste le dernier refuge des parias de la société
Dans une autre circonstance, un homme fut tué d’un coup de mousqueton – Ces gens-là étant armés jusqu’aux dents. Comme au Bagne. Mais le Bagne n’était qu’un vulgaire pensionnat à côté de ça. Et l’on envoyait là, pour y souffrir et pour y mourir misérablement, des hommes qui ne savaient même pas pourquoi on les y détenait. Quelle honte ! Puis de Gaulle est venu. Comme Daladier, qui les avait instaurés, comme Pétain, qui les avait renforcés, il les a maintenus comme l’ont fait, après lui, les divers gouvernements qui se sont succédé. Et pourtant, rien n’est plus odieux que de vouer ainsi à la mort des hommes contre lesquels ne prévalait aucune suspicion légale. Lire le reste de cet article »
A Sisteron, à Fort Barraux les internés se disputaient les épluchures et le pou était roi
A SISTERON
Je fus d’abord envoyé dans un camp de la Haute-Vienne. Huit jours après, je fus transféré à Sisteron. C’est à la citadelle de la patrie de Paul Arène qu’était Situé le camp. Les anciennes casemates étaient bondées d’internés famé-Piques, au nombre de 250 environ. Il y avait là un peu de tout, militants politiques et syndicalistes, récidivistes, souteneurs, patrons de maisons, commerçants qui avaient enfreint les prescriptions du ravitaillement. Lire le reste de cet article »
« Dans la nuit du 11 au 12 septembre 2022, j’ai eu une insomnie. C’est très rare chez moi car je suis plutôt une grosse marmotte. A 2h30, j’ai quitté mon pieu, je suis redescendu à mon bureau et j’ai écrit un refrain, un dernier couplet et une musique sur un poème commencé cet été dans mon carnet… Bref j’ai travaillé la nuit pour rendre hommage aux travailleurs de la nuit, comprend qui veut ou qui peut Cette chanson est remplie de rouges et noirs clins d’œil (notamment au manifeste des 343 et à Marius Alexandre Jacob) à tous ceux qui donnent un sens à la lutte. »Lire le reste de cet article »
Par la grâce de Pétain un honnête homme connaît les camps de concentration
Diable ! Je ne pouvais guère demander de telles pièces. Je laissais les choses suivre leur cours. Une dizaine de jours s’écoulèrent; le même employé vint me retrouver. Je lui dis n’avoir encore rien reçu, que certainement ça ne tarderait pas… Il avait l’air assez ennuyé. Peu après, la paye eut lieu. J’en profitai pour prendre le large. Trois mois passèrent. Vers le mois de juin 1940, me trouvant non loin de Bessèges, dans le Gard, après avoir fait mon repas champêtre, je fis une petite sieste sous un arbre, près de !a route. A mon réveil, une petite caisse où se trouvaient mes marchandises avait disparu. Il ne me restait qu’une dizaine de francs en tout et pour tout. Je m’acheminai vers la ville. Passant devant une usine, je vis une pancarte accolée à la porte d’entrée: on demande des manœuvres. Je me dirigeai vers les bureaux. On me demanda ma carte d’identité; je n’avais que ma patente suffisante pour me déplacer. Lire le reste de cet article »
Quand le poids d’un passé qu’on croyait révolu s’attache à nos pas les prisons s’ouvrent seules
Chacun de nous s’était assis à l’une d’elles, dans les deux vastes salles où se prenaient les repas. Les assiettes blanches à fleurs, les couverts récurés à neuf, le menu bien ordonné, tout cela nous fit la meilleure impression. De jeunes éducateurs choyaient ce petit monde.
Les dortoirs aux petits lits blancs, recevaient le soleil par de larges fenêtres, lorsque nous les visitâmes, de même que l’infirmerie où se trouvaient quelques petits malades – qui eurent leur part de nos largesses… Là aussi, il y avait cinéma, terrain de jeux, etc… Lire le reste de cet article »
L’expérience de l’U.R.S.S. : Plus de gardes chiourme mais des éducateurs
A la fin du mois de décembre 1932, à bord du « Pellerin-de-La-touche », je faisais le voyage de retour.
Avec le Secours Rouge International, je fis un peu partout une série de conférences. Ma pauvre mère était morte au début de 1930. Cela m’avait beaucoup affecté, car je me retrouvais seul dans la vie. Ma jeunesse perdue était une chose que rien ne pouvait compenser.
Au mois d’août 1933, je fis partie d’une délégation ayant pour objectif un voyage d’études en Russie Soviétique. En ce qui me concerne, ce voyage dura trois mois. Quinze ans se sont écoulés depuis. Je pense qu’une relation compète de mes impressions, dans le cadre spécialisé de ces pages, ne saurait être opportune. Je tiens, cependant, à signaler les belles réalisations opérées là-bas dans l’ordre pénitenciaire. Lire le reste de cet article »
A la prison de Grenoble des femmes charitables apportent un peu de réconfort aux détenus
Antérieurement à la Libération, il en était encore ainsi, sauf pour le pain, dont la ration avait été amputée de 200 grammes. Depuis la Libération, les légumes secs ont à peu près disparu, le riz, il ne faut pas en parler. Restent les pommes de terre. Mais au lieu des 550 grammes de pain d’avant la Libération on n’a délivré aux prisonniers que le même taux de ration délivré aux personnes libres, sait 200 grammes actuellement. Lire le reste de cet article »
Aujourd’hui… l’archaïque réglementation des prisons demeure ce qu’elle était au siècle dernier
La loi de 1854, qui a décrété la transportation hors du territoire métropolitain, était un progrès certain sur l’organisation des bagnes maritimes.
A leur tour, les décrets du 4 septembre 1891 constituaient un nouveau pas en avant, par l’adoucissement du régime imposé.
Enfin, les décrets de 1925, dont nous avons montré la haute portée humanitaire, venaient couronner cette succession de mesures d’adoucissement. Lire le reste de cet article »
Une retentissante enquête avait changé la face des choses et humanisé le Bagne
Cet article ne m’est pas seulement personnel, c’est aussi une synthèse, le résultat d’une étude psychologique extrêmement fouillée. Albert Londres m’a prêté des propos que je n’ai pas tenus – mais que j’aurais pu tenir en les extériorisant.
Il a dit : « Je pénètre dans le cachot, Roussenq voit quelqu’un qui n’est ni un porte-clefs, ni un surveillant ; il s’écrie : un homme ». C’est à dire un homme libre qui n’est pas un garde-chiourmes.
Il a dit aussi : « Aux abords du camp, L’Inco avait gravé sur l’écorce d’un arbre : « Face au soleil, Roussenq crache sur l’humanité ». Et c’est là qu’apparait, en pleine lumière, la géniale psychologie du grand reporter. Lire le reste de cet article »
Vendredi 27 août 1954, Josette est partie depuis quatre jours ; Marius met son plan à exécution. Il a tout prévu. Morphine et monoxyde de carbone. L’anarchie c’est l’ordre et l’organisation sans le pouvoir. Berthier, Rousseau, Sergent se sont refusés à lui donner des conseils. Des fadas ! Dans l’après-midi, il a offert un goûter aux enfants du hameau. Boudin, purée, limonade et un tour dans la vieille Buick[1]. Une sorte de cène donné par Attila-Barrabas. La veille, il a écrit ses dernières lettres : une pour Guy Denizeau, une pour Louis Rousseau, une pour Pierre-Valentin Berthier, une pour Robert Passas. Il a même trouvé même la force de faire à Alexis Danan la critique du Cayenne[2] qu’il n’avait pas lu jusqu’à présent. Au mois de juillet, le journaliste était passé le voir et en avait tiré un article, Le crépuscule du justicier, paru le 3 août dans Franc-Tireur et conçu comme une nécrologie ante-mortem :
« Jacob, dans un village gris et vert du Berry, non loin d’une rivière à peupliers moirés, est maintenant un vieillard au profil d’universitaire à la retraite, qui tire tranquillement le bénéfice d’une vie depuis toujours entraînée à la solitude, parfois sépulcrale. Sa maison est à lui, dans les noyers et les herbes hautes, qu’il n’a plus le goût de faucher. Il regarde les choses peu à peu répondre à son détachement d’elles. (…) Reverrai-je encore ce visage, l’un des plus beaux que je connaisse, buriné par une intelligence qui n’a brûlé que pour le gratuit service des autres, pour ces indifférents, ces ingrats et ces médiocres qu’on appelle les autres ? »
Fluet, la physionomie douce, un homme de cœur dévoile les scandales du Bagne: Albert LONDRES
ALBERT LONDRES AU BAGNE
Par un jour fatidique je me trouvais allongé sur le lit de camp de mon cachot, lorsque j’entendis le bruit du guichet que l’on ouvrait.
Le sympathique visage du Commandant Masse s’y encadrait. « Approchez, Roussenq ! » me dit-il. J’obtempérai.
Le Commandant reprit : « Nous avons ici un journaliste de Paris, venu pour faire une enquête sur la Guyane. Je lui ai dit que vous étiez le plus notoire des révoltés du Bagne. Il va venir vous entretenir sans témoin ; vous pourrez vous soulager le cœur à votre aise » Lire le reste de cet article »