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La pensée sociale d’Élisée Reclus, géographe anarchiste
SILENCE n° 212-123 - janvier 1997

Elisée Reclus est connu pour ses nombreuses publications dans le domaine de la géographie, mais également pour son engagement, aux côtés de Bakounine, dans le mouvement anarchiste. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il avait une vision de la nature qui le fait classer par John Clark comme l’un des précurseurs de l’écologie sociale aujourd’hui développée par le libertaire Murray Bookchin. Dans ses écrits parus au siècle dernier, Reclus est sans doute l’un des tout premiers à présenter l’histoire de l’humanité parallèlement à celle de la Terre.

« Reclus, estimant les diverses cultures pour leurs qualités spécifiques et leurs contributions décisives au progrès, et se gardant de réduire ces cultures à des étapes obsolètes d’une évolution face à la prétendue supériorité des productions sociales, économiques, politiques et intellectuelles actuelles, contribue donc au projet d’écrire une histoire de la Terre du point de vue de sa transformation naturelle et sociale de la planète » (p. 11). « Son rejet de la domination s’étendait au-delà des êtres humains à toutes les créatures et, en fait, à la nature entière. (...) Il fut végétarien la plus grande partie de sa vie » (p. 20). Ce qui va en étonner plus d’un, c’est que plus d’un siècle avant James Lovelock et sa théorie Gaïa, Elisée Reclus écrivait déjà « La Terre devrait être soignée comme un grand corps, dont la respiration accomplie par les forêts, se réglerait conformément à une méthode scientifique ; elle a des poumons que les hommes devraient respecter puisque leur propre hygiène en dépend » (p. 32-33). Reclus avance que « la diversité et la complexité de l’humanité reflètent la richesse et la complexité de la Terre » et affirme que « là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort » (p. 38). Pour Reclus, comme pour Bookchin aujourd’hui, la violence faite à la nature est liée à celle faite aux hommes. John Clark termine le premier chapitre sur la dialectique nature-culture ainsi : « Pour Reclus, c’est notre croissante connaissance avec la Terre et ses communautés, humaines et non-humaines, qui offre un plus vaste champ d’identification et de solidarité. En découvrant peu à peu Chaque domaine plus adéquatement, nous parvenons à une plus grande identification avec notre propre espèce, avec tous les habitants de la planète, et finalement, en tant que "conscience de la Terre", avec la planète elle-même vivante et en évolution » (p. 48 ?49). Comme beaucoup d’auteurs écologistes contemporains, il s’est intéressé à ces vies tribales où s’est développé « l’idéal d’entraide et d’amour mutuel » (p. 61). Il avance alors que nous sommes tous « citoyens de la planète » et que cela pose la question d’une « langue commune » (p. 73), Reclus s’intéressant alors à l’Espéranto. Dans son engagement anarchiste, il critiquera Bakounine et ses tendances aux groupes secrets, tout comme il s’interrogera sur le but de la Révolution : si une révolution survient sans une longue préparation sur l’après-révolution, celle-ci peut-elle provoquer autre chose qu’une nouvelle prise de pouvoir ? Élu député après la Commune, il démissionnera aussitôt dénonçant le rôle des réformistes et des lois : « ces lois, acceptées par les révoltés, consacrent, il est vrai, la liberté conquise, mais elles la limitent aussi, et là est le péril. Elles déterminent le terme précis auquel doivent s’arrêter les vainqueurs, et il devient fatalement le point du départ d’un recul » (p. 112). Reclus, dès cette époque prédit la mise en place d’un système économique mondial dominé par les États-unis. II dénonce également la condition des femmes. John Clark, en réintroduisant la place de la Nature dans la pensée d’Elisée Reclus, ouvre de nombreuses pistes sur les liens idéologiques entre l’écologie et l’anarchisme. Un message moderne qui devrait vous passionner.

MB