Bakounine et le concept de politique

conf_bogotaJe donne ci-dessous, en deux langues (français et castillan), le texte de la conférence que j’ai prononcée à l’Université Nationale de Colombie dans le cadre du colloque El Bicentenario de Bakunin, qui s’est tenu à Bogota du 4 au 8 novembre 2014.

La version espagnole a été réalisée par Melina, présente à ma droite sur la photo (sur laquelle on peut admirer par ailleurs le dispositif de surtitrage de ladite conférence). J’ai simplement corrigé le titre, mais il est possible que demeurent quelques occurrences où à la place de la politica, il faille lire lo politico. S’il restait d’autres imperfections, cela tiendrait uniquement au fait que Melina n’a eu que tardivement mon texte, et qu’elle a donc dû le traduire assez rapidement (d’où aussi la disparition des notes dans la version espagnole). Je profite de ce billet pour adresser mes chaleureux remerciements à toutes les personnes qui ont pris grand soin de nous lors de ce séjour à Bogota, et notamment Sylvia Prieto, qui fut la cheville ouvrière de cette rencontre inoubliable.

Pour un compte-rendu succinct du colloque en question sur ce même blog, voir un précédent billet.

Bakounine et le concept de politique

L’objet de cette contribution est de préciser l’usage que Bakounine fait du concept de politique, de dire en quel sens l’anarchisme de Bakounine est politique, ou encore quel est son rapport à la politique et au politique.

Pourquoi s’intéresser à cet usage ? Pour au moins cinq séries de raisons. La première, et la plus immédiate pour moi, c’est qu’il s’agit de poursuivre, en en précisant les termes, un débat engagé il y a déjà plusieurs années avec Diego Paredes Goicochea (ici présent) à ce sujet dans les colonnes de la revue Réfractions[1], de sorte que c’est aussi l’assurance qu’une personne dans l’assistance s’intéressera à ce que je vais raconter. La deuxième, c’est qu’à partir de la redécouverte des travaux de Carl Schmitt (disons à partir des années 2000), une bonne partie du débat, au sein de la philosophie politique européenne, a tourné autour des thèses défendues par le juriste allemand, thèses qui s’articulent autour d’une conception du politique comme discrimination de l’ami et de l’ennemi, conception qui prétend en même temps échapper à la réduction du politique à l’étatique[2]. Or plusieurs penseurs de gauche ont pu voir dans ce refus de l’identification du politique à l’étatique une piste intéressante pour penser des formes radicales de démocratie[3]. Il me semble que la position particulière de Bakounine à ce sujet peut apporter un éclairage intéressant sur ces tentatives. Cela m’amène à la troisième série de raisons qui poussent à s’intéresser au statut bakouninien de la politique et du politique, à savoir qu’on peut se demander s’il est permis de penser, chez Bakounine, une politique au-delà de l’étatique, de sorte que le refus explicite et général du politique qu’on peut lire dans ses textes anarchistes ne correspondrait qu’à une opposition à une certaine conception du politique. La quatrième série de raisons, c’est qu’on peut faire l’hypothèse qu’une partie de l’orientation antipolitique de l’anarchisme et du syndicalisme révolutionnaires a son origine, sinon dans les écrits de Bakounine, tout du moins dans une manière d’aborder les problèmes qui correspond à une tradition dont Bakounine (et sans doute aussi Proudhon) sont les premières expressions.

Pour ce qui est de la cinquième raison de s’intéresser au concept bakouninien de politique, elle est relative à l’appréciation d’ensemble de l’itinéraire politique de Bakounine. Je m’appuierai en effet pour cette contribution essentiellement sur les textes qui appartiennent à la période anarchiste de Bakounine. Même si le nom de Bakounine est resté associé, dans l’histoire, à l’anarchisme révolutionnaire, on sait qu’il n’est guère possible de parler de lui comme d’un anarchiste avant ses cinquante ans – et d’ailleurs, de son vivant, Bakounine était plutôt vu en Europe à la fois comme une grande figure de révolutionnaire russe et comme quelqu’un qui avait payé de douze années de prison et de relégation sa participation aux révolutions de 1848. Mais précisément, il existe un débat parmi les commentateurs sur la question de savoir si la période anarchiste de Bakounine commence avec ses premiers textes le rattachant à un socialisme fédéraliste radical (1864), avec sa première revendication comme anarchiste (1867) ou avec son adhésion à l’Association Internationale des Travailleurs (1868), et il me semble (c’est en tout cas ce que j’essaierai de montrer) que l’usage que Bakounine fait du concept de politique à différents moments de son itinéraire après 1864 permet d’apporter un éclairage sur cette question.

Je me suis appuyé pour procéder à un repérage systématique des emplois que le révolutionnaire russe fait du mot politique (comme substantif ou comme adjectif – la politique et le politique, politics et the political dirait-on en anglais) sur l’édition électronique en CD-ROM de ses Œuvres complètes à l’initiative de l’Institut International d’Histoire Sociale[4] (Amsterdam). Dans cette contribution, je partirai des résultats de cette recherche pour d’abord poser la question de l’existence d’un concept de politique chez Bakounine, et je montrerai qu’on trouve bien chez lui, sinon un tel concept, du moins un usage rigoureux et significatif du vocabulaire de la politique et du politique. Les deux premiers temps de mon intervention porteront sur les deux périodes que l’on peut distinguer après le tournant de 1864, et sur le passage d’une conception encore positive du politique à une conception strictement négative de la politique. Dans le dernier temps de mon intervention, en m’attachant plus particulièrement au dernier Bakounine (après 1868), je confronterai sa conception de la politique à celle de Carl Schmitt. Cela permettra, pour finir, de poser la question de savoir si la politique négative, à laquelle se rattache Bakounine, est simplement un fruit des circonstances (du fait qu’à son époque, lepolitique, c’est l’État), et donc s’il serait possible d’envisager une politique positive au-delà de l’État.

Partant d’un repérage dans le corpus des textes laissés par Bakounine – repérage dont je vous prie de croire qu’il est exhaustif pour les textes postérieurs à 1864, mais vous n’êtes pas obligé puisque je ne fournirai que quelques exemples que me paraissent particulièrement représentatifs – je vais vous présenter directement ce qui me semble en ressortir, à savoir une nette inflexion, autour de 1868, dans l’usage que Bakounine fait du mot « politique ». Mais auparavant, deux considérations générales s’imposent. La première, c’est que même si un repérage lexical n’est pas équivalent à un repérage conceptuel (on peut toujours dire qu’un concept est présent sans le mot, et surtout qu’un mot n’est pas nécessairement l’indice du concept correspondant), la distinction lexicale entre le politique et la politique s’avère pertinente lorsqu’on lit les textes de Bakounine de cette période. Par le politique, il faut entendre un domaine, ou une certaine organisation de la société : le politique est le champ de tout ce qui est qualifié de politique. En revanche, la politique renvoie à une activité relative à ce champ (qu’il s’agisse d’agir en son sein ou de le dynamiter). La seconde chose générale, c’est que tout au long de son itinéraire, Bakounine dira bien de son activité révolutionnaire qu’elle comporte une composante politique. En somme, il n’est pas question ici de se demander si Bakounine fait de la politique, car la réponse est évidemment affirmative. Cette précision est importante parce que lors du conflit avec Marx, Bakounine et ses amis ne cesseront d’être accusés d’apolitisme, ou d’encourager l’apolitisme, au motif qu’ils recommandent au prolétariat de ne pas participer aux élections et de ne pas constituer ses organisations en partis politiques. Or Bakounine ne cesse de répéter, dès avant son entrée dans l’Internationale, qu’il est suicidaire de la part des ouvriers européens de faire preuve d’indifférence à l’égard de la question politique, et que les dominations politique et sociale sont liées entre elles (voire s’identifient). Mais on le verra, c’est en approfondissant l’idée d’une unité intime entre domination politique et domination sociale que Bakounine en viendra à douter de l’opportunité d’inscrire dans le champ du politique ses projets révolutionnaires – qui n’en comportent pas moins une dimension politique en tant qu’ils se rapportent au politique.

1) L’organisation politique de la société dans le premier anarchisme bakouninien

Mais trêve de considérations préliminaires, voici ce qui ressort de ce repérage des usages du mot « politique » dans le corpus bakouninien : les textes de la maturité (après 1864) présentent une inflexion au moment de son entrée dans l’Internationale. Dans un premier temps (avant 1868), on trouve un usage positif du concept de politique, en ce sens bien précis que Bakounine se pose comme une question pertinente celle de l’organisation politique de la société telle qu’elle doit être promue par les révolutionnaire, alors qu’après 1868, l’organisation de la société, aussi bien après la révolution que dans le processus révolutionnaire, sera dite non-politique. De sorte que l’hypothèse forte que je défendrai et illustrerai dans cette contribution sera celle d’une orientation antipolitique de l’anarchisme bakouninien, ou si l’on veut du second anarchisme bakouninien, qui correspond à une radicalisation du premier.

Comme témoignage de la première période (1864-1868), on peut s’appuyer sur trois textes ou groupes de textes qui sont les plus importants qu’on possède. Il s’agit en premier lieu de son premier projet révolutionnaire fédéraliste de 1864, qui comporte un premier Catéchisme révolutionnaire, quelques programmes de sociétés secrètes et surtout le long texte programmatique Société internationale secrète de l’émancipation de l’humanité adressé au démocrate suédois August Sohlman[5]. Il s’agit en second lieu des deux textes de 1866, le Catéchisme révolutionnaire et l’organigramme de la société secrète dont ce « catéchisme » constitue le programme[6]. Il s’agit enfin de Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, rédigé au cours de l’hiver 1867-68, d’abord comme un texte pour le congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté, mais qui est rapidement devenu la première grande tentative par Bakounine de présenter l’ensemble de ses idées[7].

On retrouve dans ces trois ensembles de textes la distinction entre le politique et la politique, puisque Bakounine y parle à la fois de l’organisation politique de la société en général et de la politique révolutionnaire qui lui semble devoir être adoptée. Mais la spécificité la plus frappante de ces textes, par rapport à ceux de la dernière période (après 1868), c’est la description, en termes de programme, d’une organisation politique, à laquelle chaque fois une partie spécifique est consacrée. Pour le dire autrement, les programmes révolutionnaires de Bakounine comportent à cette époque une partie spécifiquement dévolue à la description de l’organisation politique de la société future – ou encore : l’organisation de la société future comporte une dimension spécifiquement politique. La seconde spécificité, c’est l’insistance sur la politique révolutionnaire comme devant être centrée sur un soulèvement simultané, qui exige une coordination entre révolutionnaires de tous les pays dans une organisation révolutionnaire secrète[8]. Je devrai laisser de côté ce second point, qui engage la conception bakouninienne du rôle des organisations secrètes dans le processus révolutionnaire, même s’il s’agit d’une question passionnante (je peux y revenir dans la discussion). Disons simplement que le Bakounine militant de l’AIT verra davantage la révolution comme quelque chose auquel il faut se préparer plutôt que comme quelque chose que l’on prépare – c’est-à-dire que son déclenchement est de plus en plus vu par Bakounine comme étant indépendant de la volonté des révolutionnaires.

Dans les textes de 1864 et ceux de 1866, on trouve des formulations très proches, parfois même rigoureusement identiques, sur la nécessité de dissoudre toutes les organisations politiques existantes, et de fonder toute organisation politique et économique sur la liberté, c’est-à-dire « non plus, comme aujourd’hui, de haut en bas et du centre à la circonférence, par voie de centralisation et par principe d’unité, mais de bas en haut et de la circonférence au centre, par voie d’association et de fédération, conformément au principe de la liberté » (Catéchisme révolutionnaire de 1864, p. 2). Dans ces mêmes textes, on relèvera également une valorisation explicite de l’égalité politique et sociale, des droits politiques (fondés sur le travail), du suffrage universel et même de la république[9]. On peut donc dire que le politique correspond à une dimension spécifique dans laquelle aussi bien les sociétés que les individus doivent trouver à se réaliser. Parallèlement, il est bien question pour les membres de la société secrète d’avoir une action politique. Dans le long texte adressé à Sohlman, Bakounine écrit qu’il s’agit à présent d’abandonner « la politique des États pour élever à sa place la seule vraie politique, ou ce qui revient au même, la liberté des peuples »[10]. Sont également dénoncés les « républicains seulement politiques et qui par conséquent tiennent encore à l’idée de l’État »[11]. Bakounine insiste sur le fait qu’il s’agit de mettre en place une « organisation politique et sociale » spécifique pour permettre à la liberté et à l’égalité de se réaliser[12]. Toute une partie du manuscrit est d’ailleurs consacrée à ce que Bakounine lui-même désigne comme une « réorganisation démocratique »[13], puis comme une « réorganisation politique », où la commune est désignée comme « l’unité politique, un petit monde indépendant et basé sur la liberté individuelle et collective de tous ses membres, et composé et d’associations libres et d’individus isolés »[14], puis qui reprend l’idée du premier Catéchisme d’une réorganisation fédéraliste. À la fin du texte, cette organisation politique du futur est assimilée à un ordre, qui ne doit pas être posé au point de départ, mais comme un couronnement et une résultante de la liberté[15], et sont dénoncées comme des « non sens » et des « transactions et transitions historiques » les « républiques et les démocraties purement politiques, sans égalité sociale »[16].

Ce texte, bien qu’il constitue le premier grand programme politique de Bakounine, le premier aussi qui puisse être qualifié, sinon de socialiste libertaire ou d’anarchiste, en tout cas de socialiste fédéraliste, doit cependant être abordé avec précaution car il s’agit d’une tentative, de la part du révolutionnaire russe, de rallier à sa cause des démocrates radicaux, de sorte qu’il est peut-être tenté de présenter ses idées sous un jour acceptable par eux (au demeurant, ce sera un échec car son correspondant, Sohlman, sera effrayé par ce qu’il lira). Pour conclure sur ce texte, on notera enfin que Bakounine distingue, à la fin du texte, la politique extérieure et l’organisation sociale intérieure, ce qui semble suggérer que le politique renvoie à toute la problématique de l’unification d’unités sociales préexistantes, donc à la question du fédéralisme[17]. Pour le dire autrement, la politique renvoie à la problématique de l’unification et de ses modalités – libres ou contraintes.

Dans le Catéchisme de 1866, qui est l’autre grand texte de cette première période de l’anarchisme bakouninien, on retrouve un usage similaire du lexique de la politique et du politique et, d’une manière qui peut d’abord paraître surprenante, en lien avec l’usage positif que Bakounine continue à faire du vocabulaire de l’État, puisque c’est en ces termes que Bakounine évoque le couronnement de la réorganisation politique qu’il propose[18]. Les différents échelons de son modèle fédéraliste sont en effet la commune (qui fédère des individus), la province (qui est une fédération de communes) et l’État (qui est une fédération de provinces). Chacun de ces échelons peut être qualifié de politique en ce qu’il engage une fédération d’éléments préexistants, et chacun de ces éléments possède un droit inaliénable à faire sécession par rapport à la fédération dans laquelle il est engagé. Parallèlement, Bakounine continue à dire de la politique révolutionnaire que sa tâche la plus urgente est la destruction de toutes les unités politiques existantes, en tant qu’elles sont fondées sur un principe d’unité hiérarchique et verticale, avec un flottement remarquable autour de la notion d’État, puisque dans certains passages, Bakounine restreint son attaque à « l’État centraliste, tutélaire, autoritaire »[19], alors que dans d’autres, il estime qu’il faut « vouloir la destruction de tous les États, et en même temps celle de toutes les institutions religieuses, politiques et sociales »[20]. Mais ces deux affirmations sont compatibles, puisqu’on peut très bien entendre, dans cette dernière déclaration, une répétition de la nécessité d’en finir avec toutes les institutions politiques existantes. Plus troublante est en revanche l’absence de critique, dans ce texte, des formes représentatives de la démocratie, puisqu’à chaque échelon, il est question de parlements, d’organes législatifs élus au scrutin majoritaire, mais aussi de pouvoirs de coercition accordés à l’échelon supérieur dans lequel une unité sociale préexistante accepte d’entrer. L’acceptation conjointe par Bakounine du politique et de l’étatique, avant 1868, n’est donc pas seulement une question de vocabulaire, elle engage aussi l’admission non critique de certaines formes politiques.

On trouve encore des traces de cette conception dans la partie de Fédéralisme, socialisme et antithéologisme consacrée au fédéralisme, où à la politique de la révolution française, politique centraliste, est opposée la politique des Américains du Nord, fédéraliste[21]. Même si l’on peut encore songer à ce propos que Bakounine, dans le contexte très particulier de la Ligue de la paix et de la liberté, tâche de présenter ses projets politiques d’une manière qui soit acceptable par des républicains radicaux, on ne peut qu’être frappé par la reprise de l’idée selon laquelle l’unité politique doit être une résultante et non quelque chose d’imposé verticalement. D’ailleurs, l’organisation politique de l’Amérique du Nord est désignée dans ce texte comme « la plus belle organisation politique qui ait jamais existé dans l’histoire »[22], même si par ailleurs elle est placée sous la dépendance de l’organisation sociale. Dans cette même  partie sur le fédéralisme, on notera que Bakounine oppose les « classes politiques » (c’est-à-dire les privilégiés de l’ordre social) et les « classes ouvrières »[23], par où il faut entendre une opposition entre ceux qui ont l’accès aux droits politiques, aux libertés politiques, et ceux qui en sont privés. Dans ce texte, on retrouve en outre la dénonciation du républicanisme exclusivement politique, qui conduirait nécessairement au despotisme, et enfin la reprise de l’idée que « toute organisation, tant économique que politique » doit être fondée sur la liberté[24]. Toutefois, dans la dernière partie, consacrée à l’antithéologisme (qui occupe de fait plus des trois quarts de l’ouvrage), on trouve une désignation de la politique comme « théorie de l’État »[25], et surtout un passage où Bakounine, évoquant ce que pourrait avoir de bénéfique l’utopie d’une société fondée sur le contrat, corrige « organisation politique » par « réduction de l’action politique, en faveur de la liberté de la vie sociale »[26]. Il me semble qu’on peut voir dans ce passage l’amorce d’une inflexion : la seule manière d’envisager positivement une réorganisation politique, c’est de la penser comme réduction de l’action politique en faveur de la liberté de la vie sociale, donc comme une réduction de l’action transcendante du politique sur la société.

On peut proposer un rapide bilan de ces usages antérieurs à 1868. Bakounine se montre dans ces textes partisan d’une république sociale, et non simplement politique, et d’une république fédérale, et non centraliste. Il s’agit d’une part d’affirmer que l’égalité politique doit se doubler de l’égalité sociale sans laquelle elle n’est qu’un mot, et d’autre part d’opposer une organisation politique fondée sur le principe de l’unité à une organisation politique fondée sur le principe de la liberté. On voit dès lors que ce qui est en jeu dans le politique, c’est la manière dont l’unité entre des entités sociales préexistantes est réalisée. Si l’on fait l’hypothèse qu’il existe bien une distinction proposée en 1864 entre organisation sociale intérieure et organisation politique extérieure, cela signifie qu’il existe une organisation sociale spontanée, à l’échelle de la commune (unité politique élémentaire), et une organisation politique qui est à mettre en œuvre d’une manière plus systématique lorsqu’il s’agit de penser l’unité des communes dans les provinces, et des provinces dans l’État. Le dernier point porte sur le statut de la politique : celle-ci est tout à la fois une activité destructive et constructive, puisqu’il s’agit de s’organiser pour détruire toutes les institutions politiques existantes (toutes les formes d’union entre individus ou entre collectivités qui reposent sur la coercition, et non sur la libre association – en termes juridiques : sur des contrats et non sur des conventions), mais aussi pour promouvoir une réorganisation des sociétés qui est explicitement qualifiée de politique. Je mets ces différents points en relief, pour mieux faire ressortir les spécificités de la période suivante, à laquelle je passe maintenant.

2) L’antipolitique du second anarchisme bakouninien

En revanche, à partir de 1868, le mot « politique » acquiert progressivement une signification essentiellement négative : le politique, c’est l’étatique, et la politique est une activité relative à l’État, de sorte qu’une politique authentiquement révolutionnaire doit nécessairement être une politique négative, une politique pour en finir avec le politique, donc une activité qui vise à sa propre extinction dans l’abolition de l’objet qu’elle vise à détruire. De fait, il y a un élément de cohérence entre ces deux périodes de la maturité : si le concept de politique a encore un sens positif avant 1868, c’est aussi qu’à cette époque, on l’a vu, Bakounine continue à faire usage positivement de la notion d’État. Simplement, à partir de son entrée dans l’Internationale, Bakounine considère que l’émancipation politique doit aussi consister à s’émanciper du politique.

Les textes de 1868 sont intéressants comme textes de transition. Dans la lettre à la Démocratie en mars-avril 1868, il est déjà dit que la question politique et la question sociale n’en forment qu’une seule, et on trouve également une dénonciation de la « politique transcendante ». Certes, dans les différents articles que Bakounine rédige pour le premier numéro du journal suisse d’expression russe Nardnoe Delo (la cause du peuple, septembre 1868), il est encore question d’une « organisation politique » qui doit être fondée sur la liberté[27]. Mais dans les discours qui accompagnent son départ de la Ligue de la paix et de la liberté en septembre 1868, Bakounine, tout en affirmant rejeter toute organisation politique qui n’aurait pas la liberté pour fondement, donne raison aux ouvriers européens pour qui la politique se réduit désormais à l’émancipation du travail du joug du capital, et surtout, il estime que le « grand courant du siècle » conduit à « la dissolution de toutes les grandes et petites centralisations politiques, de toutes les institutions ou organisations proprement politiques, et la formation de nouveaux groupes sociaux sur la base du travail associé, pour arriver plus tard à l’association universelle ». Cette dernière déclaration me paraît capitale parce qu’elle marque le passage, chez Bakounine, d’une conception politique du fédéralisme à une conception économique, qui loin de tourner le dos à la politique, affirme la nécessaire résorption du politique dans le social, de sorte que la réorganisation de la société sur le fondement de la liberté (c’est-à-dire des besoins, des instincts, des attractions, et des intérêts tant individuels que collectifs et locaux) va cesser d’être qualifiée de politique. Au demeurant, cela n’empêche pas le programme de l’Alliance, formée suite à la scission de la Ligue, de se réclamer de la forme républicaine comme forme politique. Il est intéressant de noter, dans une lettre ouverte de fin 1868 à la commission du journal L’égalité, la critique de « l’État politique », expression qui me semble symptomatique de cette période de transition : Bakounine semble vouloir conserver le vocabulaire de l’État mais le débarrasser de son contenu politique – ce qui semble signifier que politique veut immédiatement dire unité centralisée. Toutefois, d’un point de vue lexical (et sans doute aussi conceptuel), ce ne sera pas la solution retenue par Bakounine – solution qui consisterait à se réclamer d’un « État non politique ». Bien plutôt, Bakounine va en venir à identifier le politique à l’État, à dire que tout ce qui est politique relève de l’État, et que la politique elle-même est une activité relative à l’État.

C’est ce dont témoigne la brochure du printemps 1870 Les ours de Berne et l’ours de Saint-Pétersbourg, où l’on trouve cette déclaration : « toute organisation politique aboutit fatalement à la négation de la liberté »[28], et plus jamais Bakounine ne donnera à cette expression un sens positif – en ce sens qu’il n’inclura plus dans ses programmes de sociétés secrètes, ni d’ailleurs dans ses autres textes, de section consacrée à une quelconque organisation politique de la société qu’il appellerait de ses vœux. Comme expression que Bakounine reprendrait à son compte, « organisation politique » disparaît de son vocabulaire à partir de 1869 ; l’expression ne désigne plus que ce qu’il faut détruire. Précisons toutefois le sens qu’il accorde à la notion de politique (c’est-à-dire de ce qui est politique) à partir de cette période. L’un des ensembles de textes les plus intéressants à cet égard est celui qui entoure la guerre franco-allemande de 1870. Ces textes dessinent ce que l’on pourrait appeler une politique contre le politique qui consiste dans l’action immédiate du peuple (c’est-à-dire non médiatisée par l’État), action qui coïncide selon lui avec la révolution sociale. Dans le contexte de la guerre de la France contre la Prusse, Bakounine dessine même une union entre révolution sociale et régénération nationale, régénération qui n’est possible que parce que Bakounine estime que la patriotisme ne se retreint pas au culte de l’organisation étatique mais pense que la nation, débarrassée de la structure étatique, demeure un fait naturel et historique[29]. Dans la Lettre, il affirme ainsi : « en dehors de l’organisation artificielle de l’État, il n’y a dans une nation que le peuple ; donc la France ne peut être sauvée que par l’action immédiate, non politique, du peuple. »[30] (Bakounine souligne). Le problème est alors que la population, « rentrée en possession d’elle-même », selon les termes de l’affiche rouge placardée à Lyon à la veille de la tentative d’insurrection du 28 septembre 1870, à laquelle Bakounine prit part, prenne en main sa propre défense comme nation.

Cet usage de la notion de politique est général dans les textes écrits par Bakounine après 1868. Dans la dernière partie de la Lettre à un Français, consacrée aux conséquences d’un triomphe prussien sur le socialisme, Bakounine suggère que « l’émancipation économique » doit entraîner avec elle « l’émancipation politique du prolétariat, ou plutôt son émancipation de la politique »[31]. Plus explicite encore, le manuscrit rédigé à Marseille après l’échec de l’insurrection lyonnaise estime que la révolution sociale et la révolution politique sont inséparables, mais que cette dernière doit être radicalement réinterprétée : « La révolution politique, contemporaine et réellement inséparable de la révolution sociale, dont elle sera pour ainsi dire l’expression ou la manifestation négative, ne sera plus une transformation, mais une liquidation grandiose de l’État, et l’abolition radicale de toutes ces institutions politiques et juridiques, qui ont pour objet l’asservissement du travail populaire à l’exploitation des classes privilégiées. »[32]

À suivre ces textes (écrits, il est vrai, dans le feu de l’action), la révolution politique correspond ainsi à la part négative de la révolution sociale, en ce que cette dernière signifie l’émancipation à l’égard de toute autorité officielle et doit permettre à terme l’extinction de toute forme de domination. La politique révolutionnaire ne peut être qu’une politique négative, une politique antipolitique. Bakounine entre ainsi dans cette catégorie de théoriciens pour qui « le qualificatif de politique » peut être « assimilé […] à celui d’étatique, ou du moins mis en relation avec l’État. »[33] Dans la mesure où le révolutionnaire russe semble ici exceptionnellement tenir à la précision des termes, on peut tenir pour opératoires les propositions suivantes : le politique est assimilable à l’étatique ; la politique est une activité qui se rapporte à l’État ; officiellement ou positivement, elle est l’utilisation de l’État pour garantir les privilèges d’une minorité aux dépends de la majorité ; négativement, ou dans un sens révolutionnaire, elle signifie la destruction de l’État[34].

Pour expliquer l’évolution de Bakounine avant et après son entrée dans l’AIT, on peut avancer l’hypothèse suivante. Après 1868, Bakounine acquiert une conscience plus aiguë de deux phénomènes concomitants : d’une part du rôle joué par l’État dans la mise en œuvre de l’exploitation du travail, au point que toute organisation politique en vient à être ramenée à ce rôle (d’où l’insistance sur le droit, et notamment sur le droit d’héritage, comme facteur de perpétuation des inégalités) ; d’autre part des capacités d’auto-organisation de la classe ouvrière sur le fondement de ses intérêts et affinités, ce qui l’amène à postuler la possibilité d’une résorption de l’État dans la société, du politique dans la vie économique et nationale se développant spontanément. Dès lors, l’horizon de la politique révolutionnaire devient moins la réorganisation politique de la société sur le fondement d’un programme préétabli au sein d’une société secrète fortement structurée, comme c’était le cas avant l’entrée de Bakounine dans l’AIT, mais plutôt la résorption du politique dans le jeu spontané des intérêts et des affinités. Si les textes des années 1864-68 s’en prenaient à une politique transcendante, ceux de la période suivante considèrent que le champ politique lui-même est intrinsèquement transcendant. Le politique désigne cette autonomisation des fonctions centralisatrices qui en viennent à transcender la société. Quant aux deux principes de réorganisation non-politique que Bakounine dégage, on peut dire que les intérêts sont de l’ordre de l’économique et mènent à l’association productive, alors que les affinités sont d’abord de l’ordre du fait national, mais celui-ci est censé s’estomper graduellement à mesure que les individus et les collectivités seront laissées libres de s’associer et de faire sécession (comme Bakounine l’affirme d’une manière constante depuis sa série d’articles sur le patriotisme en 1869[35]). On peut noter enfin que Bakounine, lorsqu’il considère ainsi négativement la politique, semble parcourir à rebours l’évolution politique qui fut celle de Proudhon quelques années plus tôt. En effet, alors que les textes fédéralistes des années 1864-68 citent abondamment De la justice dans la révolution et dans l’Église (1858), qui font usage positivement de la notion d’État pour désigner la résultante de l’union des provinces, les textes postérieurs semblent davantage se rattacher au Proudhon de la révolution de 1848, celui-là même qui se réclamait d’une anti-politique et affirmait ne faire de la politique que pour en finir avec la politique[36].

3) Une politique au-delà de l’étatique ? Bakounine contre Schmitt

D’une manière plus générale maintenant, il me semble que les motivations de cette thématique antipolitique, étroitement déterminée par le double contexte de la guerre franco-allemande et des conflits dans l’Internationale, apparaissent assez clairement si l’on se tourne vers sa postérité syndicaliste révolutionnaire et anarchiste. Ce sera le dernier temps de mon intervention, qui confronte l’antipolitique de Bakounine à ce qu’on trouve chez Carl Schmitt à propos du concept de politique. Dans son texte de 1929, Schmitt critique notamment les théories qui identifient le politique à l’étatique, et affirme au contraire (mais sans jamais donner le moindre exemple de cela) qu’il y a eu de la politique avant l’État et qu’il y en aura après. Cette affirmation a pu recevoir un accueil favorable dans les milieux radicaux, parce que Schmitt semblait envisager de conférer une dignité politique à des mouvements qui se seraient réclamé d’une société débarrassée de l’État, ou tout simplement parce qu’il envisageait l’État comme une construction historique. Il reste cependant, répétons-le, que Schmitt n’envisage jamais positivement une politique au-delà de l’État, mais se contente de la postuler, parce qu’il s’agit pour lui de penser d’une manière forte l’autonomie du politique, autonomie qui repose sur le moment de la décision. Quoi qu’il en soit, cette idée de déconnecter le politique de l’étatique aboutit chez lui à critiquer comme bornées historiquement les conceptions qui identifient le politique à l’étatique, et il est bien connu qu’au moment de délimiter le politique comme domaine (au même titre par exemple que l’esthétique, fondée selon lui sur l’opposition du beau et du laid), Schmitt affirme que le critère qui permet de définir l’autonomie du politique, c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi – de sorte par exemple que sera dit souverain politiquement celui qui procède à une telle délimitation. Ajoutons encore que Schmitt reconnaît qu’une politique peut prendre la politique pour ennemi, mais qu’elle demeure en cela une politique – simplement une politique qui vise à sa propre extinction, et pour Schmitt, on en trouve deux exemples historiques : le libéralisme (qui tend à remplacer les décisions du souverain par la mise en place de normes universelles) et l’anarchisme (qui s’en prend violemment à toute forme de souveraineté, et décide donc de s’attaquer à toute forme de décision). De surcroît, pour Schmitt, dans la Théologie politique, c’est Bakounine qui représente le mieux cette hostilité à la politique, et il constitue ce faisant la figure par excellence de l’ennemi (ennemi de la culture européenne, aussi parce qu’il est Russe). En somme, au moment de préciser le concept bakouninien de politique, il est intéressant d’interroger la pertinence du cadre dans lequel Schmitt le fait entrer[37].

Ce cadre conduirait à faire de Bakounine (et plus généralement de tout anarchiste) quelqu’un qui manque la spécificité du politique et de son autonomie, et qui dès lors est amené à se perdre dans des contradictions (faire de la politique par hostilité à la politique, un peu à la manière dont, de l’autre côté de l’échiquier politique, ceux qui mènent des opérations de contre-guérilla doivent néanmoins adopter la stratégie de la guérilla). L’idée d’une autonomie du politique constitue sans doute le point crucial pour saisir la différence de point de vue entre le juriste réactionnaire allemand et le révolutionnaire russe, mais aussi pour tenter de mieux comprendre ce que ce dernier a en vue. Même si Bakounine n’emploie pas cette expression, qui est typique d’une théorie politique qui se présente comme dotée elle-même d’une autonomie par rapport à la pratique, il est possible de donner chez lui un sens à l’idée d’autonomie du politique, mais un sens bien différent de celui qu’on trouve chez Schmitt et les penseurs contemporains de la politique. Pour Bakounine, il existe bien une autonomie du politique, mais on peut aussi la désigner comme séparation des instances de décision et d’organisation par rapport au reste de la société – raison pour laquelle, d’une manière tout à fait intéressante, il emploie, plusieurs décennies avant Gaetano Mosca, qui est réputé en être le créateur, la notion de classe politique[38] – et aussi comme fonction de la domination du capital sur le travail, fonction qui en vient à acquérir une autonomie relative en jouant un rôle déterminant dans le maintien de cette domination. Sur le fond d’une hétéronomie fondamentale du politique – dont l’existence peut être comprise à partir du rôle qu’il joue dans la perpétuation de la domination capitaliste – Bakounine se confronte à son autonomisation par rapport à la société. Pour le dire autrement, Bakounine (et les syndicalistes révolutionnaires qui s’inscriront dans une tradition similaire) identifie en pratique une autonomie du politique, bien différente de l’autonomie théorique d’un champ qu’on pourrait simplement découper dans le réel, mais c’est pour la combattre et œuvrer à sa résorption. Cette autonomie bien réelle, elle s’incarne dans la constitution d’une bureaucratie d’État, dans la genèse d’une classe de politiciens professionnels, en charge de l’organisation politique de l’exploitation capitaliste, et qui menace même d’engendrer une nouvelle forme d’exploitation à son profit, comme Bakounine le pressent dans la constitution du mouvement ouvrier en partis politiques créés pour conquérir le pouvoir politique et le faire fonctionner à leur profit propre. Chez les syndicalistes révolutionnaires (et notamment chez Sorel, qui tente de formuler la théorie de ce courant), on trouve une hostilité similaire à ce que la classe ouvrière se constitue en parti politique, parce que cela conduirait à remettre entre les mains de spécialistes de la politique la défense de ses intérêts. Dans leur cas, le refus de la médiation politique s’incarne dans la pratique de l’action directe.

Le paradoxe de cette position est évidemment qu’elle conduit Bakounine à faire de la politique, qu’on envisage cette dernière en son sens strictement bakouninien (celui d’une activité relative à l’État, soit donc la composante négative de la révolution sociale), ou comme lutte, avec ses aspects tactiques et stratégiques qui posent la question de l’adéquation des moyens et des fins. Comme activité polémique orientée vers sa propre extinction, la politique fait sans cesse courir à ceux qui la pratiquent le risque de se spécialiser et dès lors d’œuvrer, malgré leurs objectifs initiaux, à sa perpétuation. C’est ici qu’il faut prendre en considération le fait que l’antipolitique est aussi une pratique. Ce terme d’antipolitique, on ne le trouve pas chez Bakounine, mais il est déjà chez Proudhon, et il se trouvera ensuite chez Gustav Landauer[39]. On peut entendre par là deux choses : d’une part une politique qui met en œuvre, dans son effectuation même, le projet libertaire de résorption du politique dans la société (cela peut renvoyer à la pratique du syndicalisme révolutionnaire, lui-même héritier de la manière dont Bakounine envisageait l’Internationale, non pas un regroupement de partis politiques cherchant à conquérir le pouvoir d’État par la force ou par les urnes, mais un organe de la solidarité ouvrière préfigurant la société future) ; d’autre part un projet social à la marge qui vise à constituer la communauté libertaire en faisant sécession[40] par rapport à la société telle qu’elle est organisée. Dans tous les cas, ce qui est dénoncé, c’est le recours à une médiation extérieure aux acteurs et chargée de régler leurs problèmes à leur place – de sorte que la dénonciation de l’autonomie du politique est une manière de faire advenir une véritable autonomie, par-delà la scission du social et du politique.


[1] Réfractions, n° 24 et n° 27.

[2] Carl Schmitt, La notion de politique (Das Begriff des Politischen, 1929), Paris, Flammarion, 1971.

[3] Pour une synthèse à ce sujet, voir Édouard Jourdain, « Proudhon, Carl Schmitt et la gauche radicale », Réfractions n° 27, p. 77-85.

[4] Michel Bakounine, Œuvres complètes, CD-ROM, IISG, Amsterdam, 2000. Les textes qui ne sont édités que sur ce support seront désormais cités sans note de bas de page, avec indication de la pagination du manuscrit entre parenthèses dans le corps du texte

[5] Ce dernier texte a été édité pour la première fois dans le recueil J. Catteau (dir.), Bakounine combats et débats, Paris, Institut d’Études Slaves, 1979, p. 185-226.

[6] J’ai édité ces deux textes sous le titre (donné par les éditeurs d’Amsterdam) Principes et organisation de la société internationale révolutionnaire, Strasbourg, Le Chat Ivre, 2013.

[7] La seule édition papier en français reste celle du premier volume des Œuvres publiées chez Stock, 1980 – bien qu’elle ne soit pas complètement fidèle au manuscrit.

[8] Bakounine, Principes et organisation de la société internationale révolutionnaire, op. cit., p. 69.

[9] L’insistance sur la république est peut-être due à l’influence de Proudhon, chez qui la plupart des occurrences du terme « démocratie » sont péjoratives et renvoient à une « tyrannie de la majorité », alors que le terme de république lui sert à qualifier son modèle fédéraliste.

[10] Bakounine, Société internationale secrète de l’émancipation de l’humanité, op. cit., p. 191.

[11] Ibid., p. 192.

[12] Ibid., p. 205.

[13] Ibid., p. 212 et p. 213.

[14] Ibid., p. 215.

[15] Ibid., p. 217. La notion de résultante provient certainement de Proudhon, qui en faisait usage dans l’exposé fédéraliste de son ouvrage De la Justice dans la Révolution et dans l’Église.

[16] Ibid., p. 219.

[17] Ibid., p. 226.

[18] Bakounine, Principes et organisation, op. cit., p. 46-48. Cet usage du vocabulaire de l’État est sans doute repris à De la Justice de Proudhon. Voir à ce propos mon introduction au Catéchisme dans Bakounine, Principes et organisation, op. cit., p. 14 (et note p. 144).

[19] Bakounine, Principes et organisation, op. cit., p. 69.

[20] Ibid., p. 72.

[21] Bakounine, Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, op. cit., p. 52.

[22] Ibid., p. 61.

[23] Ibid., p. 63. Cet usage de l’expression « classes politiques » devait paraître suffisamment peu usité pour que Max Nettlau, dans l’édition qu’il proposa de ce texte en 1895, ajoute une note se demandant si par « classes politiques » il ne fallait pas entendre « classes politiques privilégiées ».

[24] Ibid., p. 94. Bakounine ajoute à cet endroit que ce principe est dirigé « contre tout ce qui ressemblera, de près ou de loin, au communisme et au socialisme d’État ».

[25] Ibid., p. 194. Par politique, il faut ici entendre cette « science politique » dont Bakounine considère que Machiavel est le véritable fondateur, « science historique et positive » dira l’Écrit contre Marx de la fin de l’année 1872, et orientée vers un « art nouveau : celui de conquérir et de conserver le pouvoir par tous les moyens possibles », dira à son tour en 1871 L’empire knouto-germanique et la révolution sociale (voir Œuvres complètes, vol. VIII, Paris, Champ Libre, 1982, p. 376-380). La théorie de l’État est donc une science pratique.

[26] Bakounine, Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, op. cit., p. 204. Dans ce même passage, Bakounine emploie le syntagme « État-providence ».

[27] C’est le cas dans les deux articles « Une explication nécessaire » et « Notre programme ».

[28] Bakounine, Les ours de Berne et l’ours de Saint-Pétersbourg. Complainte patriotique d’un Suisse humilié et désespéré, in Œuvres, vol. 2, Paris, Stock, 1980, p. 106.

[29] Il y aurait évidemment lieu de se demander si Bakounine, ici, n’est pas tributaire, malgré lui, d’une vision jacobine de l’unité de la nation française.

[30] Bakounine, Œuvres complètes, vol. VII, Paris, Champ Libre, 1979, p. 20.

[31] Ibid., p. 97 (Bakounine souligne).

[32] Ibid., p. 200.

[33] Carl Schmitt, La notion de politique, édition citée, p. 58.

[34] . Sur ce point comme sur tant d’autres, Bakounine doit être rapproché de Proudhon qui, dans ses Carnets de 1852 confiait : « Je fais de la politique pour la TUER. EN FINIR AVEC LA POLITIQUE.  » (cité par Philippe Chanial, « Justice et contrat dans la république des associations de Proudhon », article cité, p. 113).

[35] Ces articles ont été réunis dans Bakounine, Le socialisme libertaire, Paris, Denoël, 1973, et auparavant dans le vol. 1 des Œuvres, Paris, Stock, 1895 [1980].

[36] Proudhon, Les confessions d’un révolutionnaire, Paris, Garnier, 1851, p. 165 : « le jour n’est pas loin, peut-être, où toutes les forces de la Démocratie se trouveront réunies sous la même profession de foi anti-politique. ». Voir aussi la citation des Carnets, ci-dessus, note 34.

[37] Je reprends ici quelques-unes des conclusions de mon article « Carl Schmitt lecteur de Bakounine », Astérion, n° 6, 2009.

[38] On trouve déjà cette expression dans le texte de 1864 Société internationale secrète de l’émancipation de l’humanité, op. cit., p. 221, à propos du clergé suédois envisagé comme « classe politique ». Mais à l’époque, elle signifie simplement qu’on envisage un groupe social en tant qu’acteur politique. Dans Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, il est davantage question de repérer des classes politiques, par distinction avec des classes non politiques – ce qui revient à une opposition entre ceux qui ont des droits politiques et ceux qui n’en ont pas (ou ne peuvent faire usage des droits qui leur sont par ailleurs formellement reconnus). Il y aurait sans doute lieu de distinguer une dernière période dans la genèse chez Bakounine d’un concept de classe politique, avec l’idée que le personnel dirigeant de l’État constitue la classe politique par excellence, cette étape coïncidant avec le tournant antipolitique de Bakounine (on trouve cette idée explicitement formulée dans le fragment K de L’empire knouto-germanique et la révolution sociale).

[39] Pour Proudhon, voir ci-dessus. On notera toutefois que le fait de postuler la résorption du politique dans l’économique aboutit aussi à politiser ce dernier (chez Proudhon, l’anarchie constituait la solution du problème politique, alors que c’était la question du crédit  qui constituait la solution du problème social, en revanche chez Bakounine, il s’agit de penser le fédéralisme dans la société, dans l’économie). Pour Landauer, voir les deux volumes du tome 3 des Ausgewählten Schriften réunis sous ce titre, Lich/Hessen, Verlag Éditions AV, 2010. Le terme allemand « antipolitisch » se trouve également chez Nietzsche, d’une part dans la première version d’Ecce Homo, « Pourquoi je suis si sage », §3, et d’autre part dans le Crépuscule des idoles, « Ce qui abandonne les Allemands », §4.

[40] D’où l’idée, chez Landauer, d’une « communauté par la sécession », pour reprendre le titre de l’un de ses textes les plus fameux (Vers la communauté par la sécession : Durch Absonderung zur Gemeinschaft).

Bakunin y el concepto de lo político

El objeto de esta contribución es precisar el uso que Bakunin hace del concepto de política, y de decir en qué sentido el anarquismo de Bakunin es político o inclusive cuál es su relación con la política y con lo político.

¿Por qué interesarse en este uso? Hay al menos cinco series de razones. La primera, y la más inmediata para mí, es que se trata de perseguir, precisando los términos, un debate emprendido hace ya varios años con Diego Paredes Goicochea (presente aquí) sobre este tema en las columnas de la revista Réfractions, de manera que es también la certeza de que una persona en el público se interesará en lo que voy a contar. La segunda es que a partir del redescubrimiento de los trabajos de Carl Schmitt (digamos a partir de los años 2000), una buena parte del debate, en el seno de la filosofía política europea, ha girado alrededor de las tesis defendidas por el jurista alemán, tesis que se articulan alrededor de una concepción de lo político como discriminación entre amigo y enemigo, concepción que pretende al mismo tiempo escapar a la reducción de lo político a lo estatal. Sin embargo, varios pensadores de izquierda pudieron ver en este rechazo de la identificación de lo político a lo estatal una pista interesante para pensar formas radicales de democracia. Me parece que la posición particular de Bakunin en esta materia puede aportar un enfoque interesante sobre estos intentos. Esto me lleva a la tercera serie de razones que impulsa a interesarse en el estatuto bakuniano de la política y de lo político, a saber, que uno puede preguntarse si es permitido pensar, en Bakunin, una política más allá del lo estatal, de manera que el rechazo explícito y general de lo político que uno puede leer en sus textos anarquistas no corresponden sino a una oposición a una cierta concepción de lo político. La cuarta serie de razones es que uno puede plantear la hipótesis de que una parte de la orientación antipolítica del anarquismo y del sindicalismo revolucionario tiene su origen, si no en los escritos de Bakunin, al menos en una manera de abordar los problemas que corresponden a una tradición con respecto a la cual Bakunin (y sin duda Proudhon también) es la primera expresión.

En relación con la quinta razón para interesarse en el concepto bakuniano de lo político, se trata de la apreciación del conjunto de la trayectoria política de Bakunin. Me apoyaré, para esta contribución, esencialmente en los textos que pertenecen al periodo anarquista de Bakunin. Incluso, aunque el nombre de Bakunin ha quedado asociado, en la historia, al anarquismo revolucionario, se sabe que no es posible hablar de él como de un anarquista antes de sus cincuenta años – y, además, durante su vida, Bakunin fue más bien visto en Europa a la vez como una gran figura de revolucionario ruso y como alguien que pagó con doce años de cárcel y relegación su participación en las revoluciones de 1848. Pero precisamente, existe un debate entre los comentaristas sobre la cuestión de saber si el periodo anarquista de Bakunin empieza con sus primeros textos ligados a un socialismo federalista radical (1864), con su primera reivindicación como anarquista (1867) o con su adhesión a la Asociación Internacional de los Trabajadores (1868), y me parece (es de todas maneras lo que intentaré mostrar) que el uso que Bakunin hace del concepto de lo político en diferentes momentos de su trayectoria después 1864 permite aportar una luz sobre esta cuestión.

Me he apoyado, para proceder, en una identificación sistemática de los usos que el revolucionario ruso hace de la palabra político (como substantivo o como adjetivo – la política y lo político, politics y the political se diría en inglés) en la edición electrónica en CD-ROM de sus Obras completas, iniciativa del Instituto Internacional de Historia Social (Amsterdam). En esta contribución, partiré de los resultados de esta investigación para plantear en primer lugar la pregunta por la existencia de un concepto de política en Bakunin, y mostraré que se encuentra bien, si no tal concepto, al menos un uso rigoroso y significativo del vocabulario de política y de lo político. Los dos primeros momentos de mi intervención se centran en los dos periodos que se puede distinguir después del giro de 1864, y sobre el tránsito de una concepción todavía positiva de lo político a una concepción estrictamente negativa de la política. En la última parte de mi intervención, ligándome más particularmente al último Bakunin (después 1868), confrontaré su concepción de la política a aquella de Carl Schmitt. Esto permitirá, para terminar, plantear la pregunta por saber si la política negativa, a la cual se vincula Bakunin, es simplemente un fruto de las circunstancias (del hecho de que a su época, la política es el Estado), y entonces si es posible considerar una política positiva más allá del Estado.

Partiendo de un análisis en el corpus de los textos dejados por Bakunin – análisis que les pido creer es exhaustivo con respecto a los textos posteriores a 1864, pero ustedes no están obligados a creerme porque voy solamente a dar algunos ejemplos que me parecen particularmente representativos – voy a presentarles directamente lo que me parece destacado de este análisis, a saber, una inflexión evidente, alrededor de 1868, en el uso que Bakunin hace de la palabra « política ». Sin embargo, antes de elaborar esto, dos consideraciones generales se imponen. La primera es que aunque un análisis lexical no es equivalente a un análisis conceptual (se puede decir siempre que un concepto está presente sin la palabra, y sobre todo que una palabra no es necesariamente el indicio del concepto correspondiente), la distinción lexical entre lo político y la política resulta pertinente cuando se leen los textos de Bakunin de este periodo. Por lo político debe entenderse un dominio, o cierta organización de la sociedad: lo político es el campo de todo lo que es calificado de político. En cambio, la política remite a una actividad relativa a este campo (bien si se trata de actuar en su seno o de dinamitarlo). La segunda cosa general es que a lo largo de su trayectoria, Bakunin dirá sobre su actividad revolucionaria que esta comporta un componente político. En suma, no se trata aquí de preguntarse si Bakunin hace política, porque la respuesta es evidentemente afirmativa. Esta precisión es importante porque durante el conflicto con Marx, Bakunin y sus amigos no cesaron de ser acusados de apoliticidad, o de fomentarla, porque recomendaban al proletariado no participar en las elecciones y no constituir sus organizaciones en partidos políticos. Ahora bien, Bakunin no cesa repetir, desde antes de su entrada a la Internacional, que es participe de que los obreros europeos sean indiferentes con respecto a la cuestión política, y que las dominaciones políticas y social están ligadas entre ellas (o incluso se identifican). Pero veremos que es profundizando en la idea de una unidad íntima entre dominación política y dominación social que Bakunin llegará a dudar de la oportunidad de inscribir en el campo de lo político sus proyectos revolucionarios – que no comportan al menos una dimensión política en tanto que se vinculan a lo político.

1) La organización política de la sociedad en el primer anarquismo bakuniano

Basta con estas consideraciones preliminares. Aquí está lo que resalta del análisis de los usos de la palabra « político » en el corpus bakuniano: los textos de madurez (después 1864) presentan una inflexión al momento de su entrada en la Internacional. En un primer momento (antes 1868), se encuentra un uso positivo del concepto de político, en este sentido bien preciso en el que Bakunin se plantea como una cuestión pertinente la pregunta por la organización política de una sociedad tal que debe ser promovida por los revolucionarios, mientras que después de 1868, la organización de la sociedad, después de la revolución y del proceso revolucionario, será entendida como no-política. De manera que la hipótesis fuerte que defenderé y ilustraré en esta contribución será la de una orientación antipolítica del anarquismo bakuniano, o si se quiere, del segundo anarquismo bakuniano, que corresponde a una radicalización del primero.

Como testimonio del primer periodo (1864-1868), nos podemos apoyar sobre tres textos o grupos de textos, que son los más importantes que tenemos. Se trata en primer lugar de su primer proyecto revolucionario federalista en 1864, que comporta un primer Catecismo revolucionario, algunos programas de sociedades secretas y, sobre todo, el texto largo y programático Sociedad internacional secreta de la emancipación de la humanidad dirigido al demócrata sueco August Sohlman. Se trata en segundo lugar de los dos textos de 1866, el Catecismo revolucionario y el organigrama de la sociedad secreta, del cual este « catecismo » constituye el programa. Se trata en fin de Federalismo, socialismo y antiteologismo, redactado en el transcurso del invierno 1867-68, en primer lugar como un texto para el congreso de la Liga de la Paz y de la Libertad, pero que devino rápidamente en el primer gran intento de Bakunin por presentar el conjunto de sus ideas.

Se encuentra en estos tres grupos de textos la distincción entre lo político y la política, porque allí Bakunin habla a la vez de la organización política de la sociedad en general y de la política revolucionaria que le parece que debe ser adoptada. Pero la especificidad más impactante de estos textos, con respecto a los del último periodo (después 1868), es la descripción, en términos de programa, de una organización política, a la cual cada vez una parte específica es consagrada. Para decirlo de otro modo, los programas revolucionarios de Bakunin comportan en esta época una parte específicamente destinada a la descripción de la organización política de la sociedad futura – o aún más: la organización de la sociedad futura comporta una dimensión específicamente política. La segunda especificidad es la insistencia sobre la política revolucionaria como lo que debe ser centrado sobre una sublevación simultánea, que exige una coordinación entre revolucionarios de todos los países en una organización revolucionaria secreta. Tengo que dejar al lado este segundo punto, que involucra la concepción bakuniana del papel de las organizaciones secretas en el proceso revolucionario, aunque se trate de una cuestión apasionante (podría volver sobre esto en la discusión). Digamos simplemente que el Bakunin militante del AIT verá la revolución mas bien como algo para lo cual hay que prepararse, en vez que como algo que se prepara – es decir que su detonante es visto cada vez más por Bakunin como independiente de la voluntad de los revolucionarios.

En los textos de 1864 y de 1866, se encuentran formulaciones muy cercanas, a veces incluso rigurosamente idénticas, sobre la necesidad de disolver todas las organizaciones políticas existentes, y de fundar toda organización política y económica sobre la libertad, es decir « no más, como hoy, de arriba a abajo y del centro a la circunferencia, por vía de la centralización y por el principio de la unidad, sino de abajo a arriba y de la circunferencia al centro, por vía de asociación y de federación, conforme al principio de la libertad » (Catecismo revolucionario de 1864, p. 2). En estos mismos textos, se encuentra igualmente una valorización explícita de la igualdad política y social, de los derechos políticos (fundados sobre el trabajo), del sufragio universal y aún de la república. Podría decirse entonces que lo político corresponde a una dimensión específica en la cual tanto las sociedades como los individuos deben procurar realizarse. Paralelamente, se trata para los miembros de la sociedad secreta de tener una acción política. En el largo texto dirigido a Sohlman, Bakunin escribe que se trata ahora de abandonar « la política de los Estados para elevar a su lugar la única política verdadera, o lo que es lo mismo, la libertad de los pueblos. » Son igualmente denunciados los « republicanos solamente políticos y quienes por consiguiente creen todavía en la idea del Estado. » Bakunin insiste sobre el hecho de que se trata de poner en marcha una « organización política y social » específica para permitir que la libertad y a la igualdad se realizacen. Toda una parte del manuscrito se además consagró a lo que Bakunin mismo designa como una « reorganización democrática », y luego como una « reorganización política », en donde la comuna se designa como « la unidad política, un pequeño mundo independiente y fundado sobre la libertad individual y colectiva de todos sus miembros, y compuesto de asociaciones libres y de individuos aislados », después de que retoma la idea del primer Catecismo de una reorganización federalista. Al final del texto, esta organización política del futuro es asimilada a un orden que no debe ser puesto al punto de partida, sino como una coronación y un resultado de la libertad, y son denunciadas como « sin sentido » y como « transacciones y transiciones históricas » las « repúblicas y las democracias puramente políticas, sin igualdad social ».

Este texto, aunque constituye el primer gran programa político de Bakunin, el primero que también que puede ser calificado, sino de socialista libertario o de anarquista, sí de socialista federalista, no obstante debe ser abordado con precaución dado que se trata de un intento, de parte del revolucionario ruso, de reunir en su causa a demócratas radicales, de manera que él pudo ser tentado a presentar sus ideas bajo una luz aceptable para ellos (por lo demás, será un fracaso porque su corresponsal, Sohlman, será asustado por lo que leerá). Para concluir sobre este texto, se observa por fin cómo Bakunin distingue, al final del texto, la política exterior y la organización social interior, lo que parece sugerir que lo político remite a toda la problemática de la unificación de unidades sociales preexistentes, y por tanto a la cuestión del federalismo. Para decirlo de otro modo, la política remite a la problemática de la unificación y de sus modalidades – libres o coaccionadas.

En el Catecismo de 1866, que es el otro gran texto de este primer periodo del anarquismo bakuniano, se encuentra un uso similar del léxico de la política y de lo político y, de una manera que puede en primer lugar parecer sorprendente, vinculado con el uso positivo que Bakunin continua haciendo del vocabulario del Estado, porque es en estos términos que Bakunin evoca la coronación de la reorganización política que propone. Los diferentes escalones de su modelo federalista son en efecto la comuna (que federa los individuos), la provincia (que es una federación de comunas) y el Estado (que es una federación de provincias). Cada uno de estos escalones puede ser calificado de político en lo que compromete una federación de elementos preexistentes, y cada uno de estos elementos posee un derecho inalienable a hacer secesión con respecto a la federación en la cual está comprometido. Paralelamente, Bakunin continua diciendo que la tarea más importante de la política es la destrucción de todas las unidades políticas existentes, en tanto que están fundadas sobre un principio de unidad jerárquica y vertical, con una vacilación/fluctuación remarcable alrededor de la noción del Estado, porque en ciertos pasajes, Bakunin restringe su ataque al « Estado centralista, tutelar, autoritario », mientras que en otros, estima que hay que « querer la destrucción de todos los Estados, y al mismo tiempo la destrucción de todas las instituciones religiosas, políticas y sociales ». Pero estas dos afirmaciones son compatibles, porque se puede muy bien entender, en esta última declaración, una repetición de la necesidad de terminar con todas las instituciones políticas existentes. Más inquietante es en cambio la ausencia de crítica, en este texto, de formas representativas de la democracia, porque a cada escalón, es cuestión de parlamentos, de órganos legislativos elegidos por escrutinio mayoritario, pero también de poderes de coerción acordes con el escalón superior en el cual una unidad social preexistente acepta entrar. La aceptación conjunta por Bakunin de lo político y de lo estatal, antes de 1868, no es entonces solamente una cuestión de vocabulario, implica también la admisión acrítica de ciertas formas políticas.

Se encuentran todavía huellas de esta concepción en la parte de Federalismo, socialismo y antiteologismo consagrada al federalismo, en dónde a la política de la revolución francesa, política centralista, se opone la política de los americanos del norte, federalista. Aunque se puede todavía pensar que Bakunin, en el contexto muy particular de la Liga de la Paz y de la Libertad, trata de presentar sus proyectos políticos de una manera que sea aceptable por republicanos radicales, no se puede sino estar impresionado por la reanudación de la idea según la cual la unidad política debe ser un resultado y no algo impuesto verticalmente. Además, la organización política de América del Norte es designada en este texto como « la más bella organización política que ha existido en la historia », incluso si de otro lado es puesta bajo la dependencia de la organización social. En esta mismo parte sobre el federalismo, se puede notar que Bakunin opone las « clases políticas » (es decir, los privilegiados del orden social) y las « clases obreras », por donde hay que entender una oposición entre los que tienen acceso a los derechos políticos, a las libertades políticas, y los que son privados de ellos. En este texto, se encuentra además la denuncia del republicanismo exclusivamente político, que conduciría necesariamente al despotismo, y al fin la retoma de la idea de que « toda organización, tanto económica como política » debe estar fundada sobre la libertad. No obstante, en esta última parte, consagrada al antiteologismo (que ocupa de hecho más de tres cuartos del libro), se encuentra una designación de la política como « teoría del Estado », y sobre todo un pasaje en donde Bakunin, evocando lo que podría tener de benéfico la utopía de una sociedad fundada sobre el contrato, corrige « organización política » por « reducción de la acción política, en favor de la libertad de la vida social ». Me parece que se puede ver en este pasaje el inicio de una inflexión: la única manera de considerar positivamente una reorganización política, es pensarla como reducción de la acción política en favor de la libertad de la vida social, y entonces como una reducción de la acción transcendente de lo político sobre la sociedad.

Podemos proponer un balance rápido de estos usos anteriores a 1868. Bakunin se muestra en estos textos como partidario de una república social, y no simplemente política, y de una república federal, y no centralista. Se trata por una parte de afirmar que la igualdad política debe estar acompañada de la igualdad social sin la cual no es más que una palabra, y por otra parte de oponer una organización política fundada sobre el principio de la unidad a una organización política fundada sobre el principio de la libertad. Uno ve desde entonces que lo que está en juego en lo político, es la manera en que la unidad entre las entidades sociales preexistentes se realiza. Si se planta la hipótesis de que existe una distinción propuesta en 1864 entre organización social interior y organización política exterior, esto significa que existe una organización social espontánea, a la escala de la comuna (unidad política elemental), y una organización política que se tiene que poner en marcha de una manera más sistemática cuando se trata de pensar la unidad de las comunas en las provincias, y de las provincias en el Estado. El último punto concierne al estatuto de la política: esta es a la vez una actividad destructiva y constructiva, porque se trata de organizarse para destruir todas las instituciones políticas existentes (todas las formas de unión entre individuos o entre colectividades que descansan sobre la coerción y no sobre la libre asociación ­- en términos jurídicos: sobre contratos y no sobre convenciones), pero también para promover una reorganización de las sociedades que es explícitamente caalificada de política. Pongo estos diferentes puntos en relieve, para resaltar de mejor manera las especificidades del periodo siguiente, al cual paso ahora.

1) La antipolítica del segundo anarquismo bakuniano

En cambio, a partir de 1868, la palabra « política » adquiere progresivamente una significación esencialmente negativa: lo político es lo estatal, y la política es una actividad relativa al Estado, de manera que una política auténticamente revolucionaria debe necesariamente ser una política negativa, una política para acabar con lo político, entonces una actividad que apunta a su propia extinción en la abolición del objeto que apunta a destruir. De hecho, hay un elemento de coherencia entre estos dos periodos de la madurez: si el concepto de política todavía tiene un sentido positivo antes 1868, es también que en este época, lo hemos visto, Bakunin continua haciendo un uso positivo de la noción del Estado. Solamente, a partir de su entrada en la Internacional, Bakunin considera que la emancipación política debe también consistir en emanciparse de lo político.

Los textos de 1868 son interesantes como textos de transición. En la carta a la Democracia en marzo-abril 1868, ya se ha dicho que la cuestión política y la cuestión social no son sino una sola, y se encuentra igualmente una denuncia de la « política transcendente ». Cierto, en los diferentes artículos que Bakunin redacta para el primer numero del periódico suizo de expresión rusa Nardnoe Delo (la causa del pueblo, septiembre 1868), todavía es cuestión de una « organización política » que debe ser fundada sobre la libertad. Pero en los discursos que acompañan su partida de la Liga de la paz y de la libertad en septiembre 1868, Bakunin, aunque rechaza toda organización política que no tenga a la libertad como fundamento, da razón a los obreros europeos para quienes la política se reduce de ahora en adelante a la emancipación del trabajo del yugo del capital, y sobre todo, estima que la « gran corriente del siglo » conduce a « la disolución de todas las grandes y pequeñas centralizaciones políticas, de todas las instituciones u organizaciones propiamente políticas, y la formación de nuevos grupos sociales sobre la base del trabajo asociado, para llegar más tarde a la asociación universal ». Esta última declaración me parece capital porque marca el pasaje, en Bakunin, de una concepción política del federalismo a una concepción económica, que lejos de dar la espalda a la política, afirma la reintegración necesaria de lo político en lo social, de manera que la reorganización de la sociedad sobre el fundamento de la libertad (es decir las necesidades, los instintos, las atracciones, y los intereses tanto individuales como colectivos y locales) va cesar de ser calificada de político. Por le demás, eso no impide el programa de la Alianza, formada después la escisión de la Liga, de reclamarse en la forma republicana como forma política. Es interesante apuntar, en una carta abierta de finales de 1868 a la comisión del periódico L’égalité, la crítica del « Estado Político », expresión que me parece sintomática de este periodo de transición: Bakunin parece querer conservar el vocabulario del Estado pero liberándolo de su contenido político – lo que me parece significar que política quiere inmediatamente decir unidad centralizada. Sin embargo, desde un punto de vista lexical (y seguramente también conceptual), no será la solución retenida por Bakunin – solución que consistiría en reclamarse como un « Estado no político ». Más bien, Bakunin va a llegar a identificar lo político al Estado, a decir que todo lo que es político concierne al Estado, y que la política misma es una actividad relativa al Estado.

Es esto que atestigua el folleto de la primavera 1870 Los osos de Berne y el oso del San Petersburgo, donde se encuentra esta declaración: « toda organización política llega fatalmente a la negación de la libertad », y nunca más Bakunin dará a esta expresión un sentido positivo – en el sentido en el que no incluirá en sus programas de sociedades secretas, ni por lo demás en sus otros textos, una sección consagrada a una organización política cualquiera de la sociedad que llamaría de sus deseos. Como expresión que Bakunin retomaría a su cuenta, « organización política » desaparece de su vocabulario a partir de 1869; la expresión no designa más que lo que hay que destruir. Precisemos sin embargo el sentido que da a la noción de política (es decir, de eso que es política) a partir de este periodo. Uno de los conjuntos de textos más interesantes a este respecto es él que rodea la guerra franco-alemána de 1870. Estos textos dibujan lo que podría llamarse una política contra lo político que consiste en la acción inmediata del pueblo (es decir, no mediada por el Estado), acción que coincide según él con la revolución social. En el contexto de la guerra de Francia contra Prusia, Bakunin dibuja incluso una unión entre revolución social y regeneración nacional, regeneración que no es posible sino porque Bakunin estima que el patriotismo no se restringe al culto de la organización estatal sino piensa que la nación, desembarasada de la estructura estatal, permanece un hecho natural e histórico. En la Carta, afirma así: « por fuera de la organización artificial del Estado, no hay en una nación sino el pueblo; entonces Francia no puede ser salvada sino por la acción inmediata, NO POLÍTICA, del pueblo« . (VII, 20 [1] – Bakunin subraya). El problema es entonces que la población, « de vuelta a la posesión de ella misma », según los términos del cartel rojo pegado a Lyon en vísperas del intento de insurección del 28 de septiembre 1870, en el cual Bakunin toma parte, se hace cargo de su propia defensa como nación.

Este uso de la noción de política es general en los textos escritos por Bakunin después 1868. En la última parte de la Carta a un francés, consagrada a los consecuencias de un triunfo prusiano sobre el socialismo, Bakunin sugiere que « la emancipación económica » debe acarrear « la emancipación política del proletariado, o más bien su emancipación de la política ». Más explícito aún, el manuscrito redactado en Marsella después el fracaso de la insurrección de Lyon estima que la revolución social y la revolución política son inseparables, pero que esta última debe ser radicalmente reinterpretada: « La revolución política, contemporánea y realmente inseparable de la revolución social, con respecto a la cual será para decirlo así la expresión o la manifestación negativa, no será más una transformación, sino una liquidación grandiosa del Estado, y la abolición radical de todas estas instituciones políticas y jurídicas, que tienen como objeto el avasallamiento del trabajo popular a la explotación de las clases privilegiadas ».

A seguir estos textos (escritos, es verdad, « al calor de la lucha »), la revolución política corresponde así a la parte negativa de la revolución social, en lo que esta última significa la emancipación respecto de toda autoridad oficial y debe permitir la extinción de toda forma de dominación. La política revolucionaria no puede ser sino una política negativa, una política antipolítica. Bakunin entra entonces en esta categoria de teóricos para quienes « el calificativo de política » puede ser « asimilado […] al de estatal, o al menos puesto en relación con el Estado ». En la medida en que el revolucionario ruso parece aquí excepcionalmente preocupado por la precisión de los términos, se pueden tomar como operativas las proposiciones siguientes: lo político es asimilable a lo estatal; la política es una actividad que se relaciona al Estado; oficialmente o positivamente, es la utilización del Estado para garantir los privilegios de una minoridad a expensas de la mayoria; negativamente, o en un sentido revolucionario, significa la destrucción del Estado.

Para explicar la evolución de Bakunin antes y después de su entrada en el AIT, se puede adelantar la siguiente hipótesis. Después 1868, Bakunin adquiere una conciencia más aguda de dos fenómenos concomitantes: por una parte, del rol jugado por el Estado en la puesta en marcha de la explotación del trabajo, al punto que toda organización política llega a ser llevada a este rol (de ahí la insistencia sobre el derecho, y especialmente sobre el derecho de herencia, como factor de perpetuación de las desigualdades); por otra parte, de las capacidades de autoorganización de la clase obrera sobre el fundamento de sus intereses y afinidades, lo que lo lleva a postular la posibilidad de una reabsorción del Estado en la sociedad, de lo político en la vida económica y nacional desarrollándose espontáneamente. Desde entonces, el horizonte de la política revolucionaria deviene menos la reorganización política de la sociedad sobre el fundamento de un programa preestablecido en el seno de una sociedad secreta considerablemente estructurada, como fue el caso antes de la entrada de Bakunin en el AIT, sino más bien la reintegración de lo político en el juego espontáneo de los intereses y de las afinidades. Si los textos de los años 1864-68 desarrollaron una política transcendente, los del periodo siguiente consideran que el campo político mismo es intrínsecamente transcendente. Lo político designa esta autonomización de las funciones centralizantes que llegan a transcender la sociedad. En cuanto a los dos principios de reorganización no política que Bakunin extrae, se puede decir que los intereses son del orden de lo económico y llevan a la asociación productiva, mientras que las afinidades son en primer lugar del orden del hecho nacional, pero este debe desvanecerse gradualmente a medida que los individuos y las colectividades serán dejados libres para asociarse y hacer secesión (como Bakunin lo afirma de una manera constante desde su serie de artículos sobre el patriotismo en 1869). Se puede notar en fin que Bakunin, cuando considera así negativamente la política, parece recorrer a la inversa la evolución política que fue aquella de Proudhon algunos años antes. En efecto, mientras que los textos federalistas de los años 1864-68 citan en abundancia De la justicia en la revolución y en la Iglesia (1858), que hacen uso positivamente de la noción del Estado para designar el resultante de la unión de las provincias, los textos posteriores parecen aún más relacionarse al Proudhon de la revolución de 1848, éste mismo que se reclamaba antipolítico y afirmaba no hacer la política sino para acabar con la política.

1) Una política más allá de lo estatal? Bakunin contra Schmitt

De una manera más general ahora, me parece que las motivaciones de esta temática antipolítica, estrechamente determinada por el doble contexto de la guerra franco-alemana y los conflictos en la Internacional, aparecen bastante claramente si nos dirigimos hacia su posteridad sindicalista revolucionaria y anarquista. Esto eerá el último momento de mi intervención, el cual confronta la antipolítica de Bakunin a lo que se encuentra en Carl Schmitt con respecto al concepto de política. En su texto de 1929, Schmitt critica especialmente las teorías que identifican lo político a lo estatal, y afirma al contrario (pero sin jamás dar ningún ejemplo de eso) que hubo política antes del Estado y que habrá después. Esta afirmación pudo recibir una recepción favorable en los entornos radicales, porque Schmitt parecía considerar otorgar una dignidad política a los movimientos herederos de una sociedad desembarasada del Estado, o más sencillamente porque él consideraba al Estado como una construcción histórica. Resta sin embargo, repitámoslo, que Schmitt no considera nunca positivamente una política más allá del Estado, sino se contenta con postularla, porque se trata para él de pensar de una manera fuerte la autonomía de lo político, autonomía que descansa sobre el momento de la decisión. De todas maneras, esta idea de desconectar lo político de lo estatal lleva con él a criticar como limitadas históricamente a las concepciones que identifican lo político a lo estatal, y es bien conocido que al momento de delimitar lo político como dominio (al mismo título por ejemplo que lo estético, fundado según él sobre la oposición de lo bonito y de lo feo), Schmitt afirma que el criterio que permite definir la autonomía de lo político, es la discriminación del amigo y del enemigo – de manera por ejemplo que será llamado soberano políticamente aquel que procede a tal delimitación. Agregamos incluso que Schmitt reconoce que una política puede tomar a la política como enemigo, pero que queda en esto una política – solamente una política que apunta a su propia extinción, y para Schmitt, se encuentran dos ejemplos históricos: el liberalismo (que tiende a remplazar las decisiones del soberano por el establecimiento de normas universales) y el anarquismo (que ataca violentamente toda forma de soberanía, y decide entonces atacar toda forma de decisión). Además, para Schmitt, en la Teología política, es Bakunin quien mejor representa esta hostilidad a la política, y lo constituye encarnando la figura por excelencia del enemigo (enemigo de la cultura europea, también porque es ruso). En suma, al momento de precisar el concepto bakuniano de política, es interesante interrogar la pertinencia del marco en el cual Schmitt lo hace entrar.

Este marco conduciría a hacer de Bakunin (y más generalmente de todo anarquista) alguien a quien le falta la especificidad de lo político y de su autonomía, y a quien desde entonces es llevado a perderse en las contradicciones (hacer de la política por hostilidad a la política, un poco a la manera en que, del otro lado del tablero político, los que llevan operaciones de contra-guerrilla deben no obstante adoptar la estrategia de la guerrilla). La idea de una autonomía de lo político constituye seguramente el punto crucial para comprender la diferencia de punto de vista entre el jurista reaccionario alemán y el revolucionario ruso, pero también para intentar entender mejor lo que este último tiene en mente. Aunque Bakunin no utiliza esta expresión, que es típica de una teoría política que se presenta como dotada de una autonomía en relación con lo político, es posible dotar de sentido, en él, a la idea de la autonomía de lo político, pero un sentido bien diferente del que se encuentra en Schmitt y los pensadores contemporáneos de la política. Para Bakunin, existe una autonomía de lo político, pero uno puede también designarla como separación de las instancias de decisión y de organización con respecto al resto de la sociedad – razón por la cual, de una manera del todo interesante, él emplea, varios decenios antes de Gaetano Mosca, quién es reputado por ser el creador, la noción de clase política – y también como función de la dominación del capital sobre el trabajo, función que viene a adquirir una autonomía relativa jugando un papel determinante en el mantenimiento de esta dominación. Sobre el fondo de una heteronomía fundamental de lo político – en la cual la existencia se puede comprender a partir del papel que juega en la perpetuación de la dominación capitalista – Bakunin se enfrenta a su autonomización con respecto a la sociedad. Para decirlo de otra manera, Bakunin (y los sindicalistas revolucionarios que se inscribirían en una tradición similar) identifica en práctica una autonomía de lo político, bien diferente de la autonomía teórica de un campo que se podría sencillamente recortar en lo real, pero es para combatirla y trabajar para su reintegración. Esta autonomía real, se encarna en la constitución de una burocracia de Estado, en el génesis de una clase de políticos profesionales a cargo de la organización política de la explotación capitalista, y que amenaza incluso con engendrar una nueva forma de explotación en su beneficio, como Bakunin lo presiente en la constitución del movimiento obrero en partidos políticos creados para conquistar el poder político y hacerlo funcionar para su beneficio propio. En los sindicalistas revolucionarios (y especialmente en Sorel, quien intenta formular la teoría de esta corriente), se encuentra una hostilidad similar a que la clase obrera se constituya en partido político porque esto conduciría a poner en las manos de especialistas de la política la defensa de sus intereses. En su caso, el rechazo de la mediación política se encarna en la práctica de la acción directa.

La paradoja de esta posición es evidentemente que conduce Bakunin a hacer de la política, que esta sea considerada en su sentido estrictamente bakuniano (él de una actividad relativa al Estado, siendo entonces un componente negativo de la revolución social), o como lucha, con sus aspectos tácticos y estratégicos que plantean la cuestión de la adecuación de los medios y de los fines. Como actividad polémica orientada hacia su propia extinción, la política hace a los que la practican correr el riesgo, sin cesar, de especializarse y desde entonces de trabajar, a pesar de sus objetivos iniciales, para su perpetuación. Es aquí que hay que tomar en consideración el hecho que la antipolítica es también una práctica. Este término de antipolítica, no lo encontramos en Bakunin, pero se encuentra ya en Proudhon, y se encontrará después en Gustav Landauer. Podemos entender dos cosas por esto: por una parte una política que establece, en su efectuación misma, el proyecto libertario de reintegración de lo político en la sociedad (esto puede remitir a la práctica del sindicalismo revolucionario, heredero de la manera en que Bakunin proyectó la Internacional, no un reagrupamiento de partidos políticos buscando conquistar el poder el Estado por la fuerza o por las urnas, sino un órgano de la solidaridad obrera prefigurando la sociedad futura); por otra parte, un proyecto social al margen que busca constituir la comunidad libertaria haciendo secesión con respecto a la sociedad tal como está organizada. De todas maneras, lo que es rechazado, es el recurso a una mediación exterior a los actores y encargada de poner las cosas en su sitio – de manera que la denuncia de la autonomía de lo político es una manera de hacer advenir una autonomía verdadera, más allá la escisión de lo social y de lo político.

2 réponses à to “Bakounine et le concept de politique”

Laisser un commentaire

Comme tant de personnages intéressants, mais aussi comme l'anarchisme, dont il est considéré à raison comme l'un des fondateurs modernes, le révolutionnaire russe Michel Bakounine (1814-1876) a mauvaise réputation : apôtre de la violence, faible théoricien, radicalement extérieur au champ intellectuel européen, on ne compte plus les griefs qui lui sont adressés.
Toute une partie de ce blog consistera d'abord à corriger cette image, erronée non seulement parce qu'elle consiste à projeter sur la personne de Bakounine les fantasmes construits à propos de l'ensemble du mouvement anarchiste, mais aussi parce que Bakounine n'est pas seulement l'un des premiers théoriciens de l'anarchisme. En consacrant ce blog à Bakounine, nous entendons ainsi présenter toutes les facettes de sa pensée et de sa biographie, depuis les considérations familiales de ses premières années jusqu'aux développements théoriques anarchistes des dernières, en passant par son inscription momentanée dans la gauche hégélienne et par son panslavisme révolutionnaire. Nous nous permettrons également quelques excursus, dans la mesure où ils pourront contribuer à éclairer la biographie et la pensée de notre cher Michka ! Le tout sera fonction des envies, de l'actualité, des réactions de lecteurs, et contiendra autant que possible de la documentation sous forme d'images et de textes.
Les archives