Archive pour la catégorie ‘Mauvaise réputation’

Bakounine à Lyon selon Marx et Engels

marx-engelsRaconté par Marx et Engels, le passage de Bakounine à Lyon donne la chose suivante:

« Le mouvement révolutionnaire de Lyon venait d’éclater. Bakounine d’accourir rejoindre son lieutenant Albert Richard et ses sergents Bastelica et Gaspard Blanc. Le 28 septembre, jour de son arrivée, le peuple s’était emparé de l’hôtel de ville. Bakounine s’y installa : alors arriva le moment critique, le moment attendu depuis bien des années, où Bakounine put accomplir l’acte le plus révolutionnaire que le monde ait jamais vu : il décréta l’abolition de l’État. Mais l’État, sous la forme et l’espèce de deux compagnies de gardes nationaux bourgeois, entra par une porte qu’on avait oublié de garder, balaya la salle, et fit reprendre à la hâte le chemin de Genève à Bakounine. »

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Il y a 140 ans: Bakounine à Lyon

hoteldevilleIl y a 140 ans, avait lieu l’insurrection de la place des Terreaux, dans le cadre de ce que l’on appelle parfois la première Commune de Lyon. Bakounine participa grandement à cette insurrection, au point que toutes sortes de récits relevant plus ou moins du racontar ont été colportés sur cet épisode. Comme je me trouve plus ou moins à Lyon, et que ce blog est hébergé par un éditeur libertaire lyonnais,  il m’a semblé important de marquer le coup. Aussi me proposé-je dans de prochains billets:

1) de voir, dans la rubrique « mauvaise réputation », la manière dont cet épisode a été reconstruit par Marx et Engels dans leur correspondance, au point que leur version, reposant pourtant largement sur un mélange d’exagération, de mépris et de vision fantasmatique du personnage de Bakounine, en est venue à valoir pour la seule autorisée ;

2) de tenter de restaurer la chronologie des événements, en tout cas pour ce qui concerne Bakounine, notamment à partir des travaux de Fernand Rude et de l’équipe d’Arthur Lehning à l’IISG ;

3) de voir ce que Bakounine lui-même a pu raconter au sujet de cet événement dans sa correspondance, mais aussi en amont lorsqu’il considérait que le soulèvement de la ville de Lyon pouvait entrer dans ses plans révolutionnaires.

Dans l’immédiat, je me demande si la prise de l’hôtel de ville et sa redécoration avec une banderole « Bakounine, reviens, les bourgeois sont toujours là! » ne serait pas une bonne idée…

Thank You, Satan!

blake-satan-and-eveOn connaît la chanson de Léo Ferré, Thank You Satan, dont le groupe Dionysos a donné il y a quelques années une version un peu plus rock and roll. Mais Ferré ne faisait lui-même que mettre en chanson un vieux thème lancé parmi les anarchistes par Proudhon et repris longuement par Bakounine: celui de Satan comme véritable héros de la liberté humaine, figure mythique à opposer à celle d’un Dieu incarnation de l’autorité théologico-politique.

J’ai analysé dans un article de la revue en ligne Astérion la manière dont Carl Schmitt avait repéré cet aspect de la pensée de Bakounine pour donner raison aux théoriciens de la contre-révolution qui voyaient dans la révolution rien moins qu’une créature du malin. Je souhaiterais ici retracer la généalogie de ce thème satanique et montrer comment il se décline chez Bakounine.

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Bakounine dans le Plan B

arton870-94648Dans le dernier numéro du Plan B, il est brièvement question de Bakounine, dans la rubrique p. 14 « L’histoire n’est pas finie ». Le problème, c’est que l’honorable organe de la Sardonie libre reproduit une erreur qu’on trouve un peu partout sur le Catéchisme révolutionnaire. Malheureusement, il semblerait que la boîte mail de la rédaction soit pleine jusqu’au gosier (il semblerait que la progression vertigineuse des ventes du Plan B ait conduit son équipe dans la débauche la plus effrénée, de sorte qu’ils ne consultent plus leur boîte mail). Du coup, je copie ici le petit mot que j’ai tenté de leur envoyer.

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Quelques jugements sur Bakounine comme théoricien

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Au cœur de l’été, quelques jugements définitifs sur Bakounine comme théoricien : de quoi vous dégoûter, pour le cas où vous n’auriez pas encore été effrayés…

Isaiah Berlin, Les penseurs russes, Paris, Albin Michel, 1984:

« Ce n’est pas un penseur sérieux. Il n’est ni un moraliste, ni un psychologue. Il ne faut chercher chez lui ni théorie sociale, ni doctrine politique, mais une façon de voir et un tempérament. Point d’idées cohérentes à extraire de ses écrits, en aucune de ses périodes. » (p. 152).

« Bakounine, l’ami officiel de la liberté absolue, n’a pas légué une seule idée qui mérite d’être considérée en elle-même » (p. 154).

Tchijevski, Hegel en Russie, Paris, 1939 (en russe) :

« Le nihilisme anti-philosophique de la dernière période de Bakounine n’a pas de rapport avec l’histoire de la philosophie. »

Basile Zenkovsky, Histoire de la philosophie russe, Gallimard, 1953, t. 1:

A propos de la philosophie anarchiste développée par Bakounine après 1864: « Médiocre programme d’Aufklärung » (p. 286)

Bakounine dans l’Histoire du terrorisme de Blin et Chaliand

anarchistsymbolfigur2La 4ème de couverture ne pouvait que me mettre l’eau à la bouche: dans l’Histoire du terrorisme qu’ils avaient dirigée, Gérard Chaliand et Arnaud Blin étaient censés avoir « réunis [sic] pour ce livre les discours, manifestes, et autres textes théoriques des acteurs principaux du terrorisme, de Bakounine à Ben Laden, la plupart inédits en français. » De Bakounine à Ben Laden? Voilà qui promettait… Et d’une certaine manière, on n’est pas déçu.

Le projet même d’un ouvrage prétendant faire l’histoire de quelque chose qui serait le terrorisme et dont on pourrait suivre le développement dans l’histoire (« de l’Antiquité à Al Qaida », annonce fièrement le sous-titre de l’ouvrage), mériterait pour le moins d’être discuté. Je me suis concentré pour ma part sur les deux contributions qui évoquent Bakounine: celle d’Olivier Hubac-Occhipinti sur « Les terroristes anarchistes du XIXe siècle » (p. 125-144), et celle d’Yves Ternon sur « Le terrorisme russe (1878-1908) » (p. 145-188), ainsi que sur un texte fourni en annexe de l’ouvrage par Arnaud Blin et présenté comme une contribution de Bakounine intitulée « Révolution, terrorisme et banditisme » (p. 520-522). Mais il n’est pas impossible que l’on puisse tirer du traitement réservé à Bakounine des conclusions plus générales sur le sens et la valeur des ouvrages de cette sorte. Lire la suite de cette entrée »

Bakounine et sa mauvaise réputation

Il est assez rare de croiser Bakounine dans le champ académique, et quand on le croise, c’est souvent en mauvaise compagnie (récemment encore, Ben Laden, on y reviendra). On n’écrit pas sur Bakounine, et si l’on doit écrire sur lui, on prend bien soin de ne pas le lire. Cette rubrique du blog souhaiterait d’abord recenser – parfois sur le mode du bêtisier, ou du dictionnaire des idées reçues – le monceau d’erreurs et de falsifications, plus ou moins délibérées, qui recouvrent les écrits de Bakounine et en obstruent l’accès. Bien entendu, on se chargera aussi de défaire patiemment, documents à l’appui, cet écheveau maladroit, drôle ou révoltant de petites calomnies et de grandes inexactitudes.
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Parmi les thématiques qui retiendront notre attention : Lire la suite de cette entrée »

Comme tant de personnages intéressants, mais aussi comme l'anarchisme, dont il est considéré à raison comme l'un des fondateurs modernes, le révolutionnaire russe Michel Bakounine (1814-1876) a mauvaise réputation : apôtre de la violence, faible théoricien, radicalement extérieur au champ intellectuel européen, on ne compte plus les griefs qui lui sont adressés.
Toute une partie de ce blog consistera d'abord à corriger cette image, erronée non seulement parce qu'elle consiste à projeter sur la personne de Bakounine les fantasmes construits à propos de l'ensemble du mouvement anarchiste, mais aussi parce que Bakounine n'est pas seulement l'un des premiers théoriciens de l'anarchisme. En consacrant ce blog à Bakounine, nous entendons ainsi présenter toutes les facettes de sa pensée et de sa biographie, depuis les considérations familiales de ses premières années jusqu'aux développements théoriques anarchistes des dernières, en passant par son inscription momentanée dans la gauche hégélienne et par son panslavisme révolutionnaire. Nous nous permettrons également quelques excursus, dans la mesure où ils pourront contribuer à éclairer la biographie et la pensée de notre cher Michka ! Le tout sera fonction des envies, de l'actualité, des réactions de lecteurs, et contiendra autant que possible de la documentation sous forme d'images et de textes.
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