Parution: les Considérations philosophiques de Bakounine
Les éditions Entremonde ont décidé de rééditer le texte de Bakounine intitulé Considérations philosophiques sur le fantôme divin, sur le monde réel et sur l’homme. Et ce n’est pas seulement parce que j’ai fait la préface de cette réédition que je vous recommande de vous la procurer, pour les fêtes ou pour autre chose. C’est aussi parce que l’éditeur n’édite que des textes de ce genre – de sorte qu’il serait d’ailleurs sans doute préférable d’acheter le livre que de le voler (je le dis d’autant plus librement que je ne touche rien dessus!) – et parce que le contenu du bouquin est diablement intéressant.
A l’origine ce texte de Bakounine fait partie de l’énorme masse de manuscrits rédigés au cours de ce monstrueux chantier (inachevé, comme il se doit) qu’était devenu L’Empire knouto-germanique et la révolution sociale. Comme ce fut le cas quelques années auparavant avec Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, le grand barbu se lance dans une tentative d’exposition complète de ses idées philosophiques, alors qu’il était censé parler au départ d’un sujet bien plus limité (l’Europe placée devant l’alternative suivante: la révolution sociale ou la dictature militaire). Nous sommes entre l’automne 1870 (Bakounine vient de rentrer en Suisse par l’Italie après l’échec de ses projets d’insurrection en France) et le printemps 1871 (qui verra Bakounine laisser en plan – ou en absence de plan – son manuscrit pour se lancer dans une défense de la Commune de Paris).
A vrai dire, les idées qu’expose Bakounine dans ce texte ne sont pas une complète nouveauté sous sa plume: en plusieurs endroits, il reprend des passages entiers de Fédéralisme, socialisme et antithéologisme (rédigé au cours de l’hiver 1867-1868 et lui aussi inachevé), et même de manuscrits de 1865. Mais ce qui fait l’originalité de cette nouvelle tentative de présentation de ses conceptions philosophiques, c’est qu’elle se développe à un niveau de densité et de systématicité qu’on rencontre rarement chez le révolutionnaire russe. C’est l’occasion en particulier de voir ce que deviennent Fichte, Hegel, Feuerbach ou Comte, tous auteurs que Bakounine a lu avec précision, dans le creuset de l’antithéologisme.
Mais qu’on se rassure: Bakounine n’a pas produit un traité de philosophie, et bien entendu, le texte s’arrête d’une manière totalement inopinée (en plein milieu d’une citation d’Auguste Comte, faut-il y voir un rapport de cause à effet?). Mais c’est que Bakounine ne pratique plus la philosophie, dans les années 1860-1870 comme il la pratiquait au cours de ses jeunes années: il ne s’agit plus, en particulier, de penser la sortie de la philosophie à partir de la philosophie, mais bien plutôt de continuer le combat pour l’émancipation sur le terrain de la philosophie (en présentant une conception du monde entièrement débarrassée du recours au divin) et de proposer une philosophie qui accompagne l’engagement libertaire.
Mais tout cela, je le détaille dans la préface, et comme vous allez acheter le livre, vous le faire offrir, etc., il est inutile que je continue davantage!
pour info http://proudhon.trusquin.net/spip.php?site22