Football au Brésil. En 1917 déjà…

foodnotfootball-mimmopucciarelliLe 1er mai 1917, dans un journal anarchiste de langue italienne publié au Brésil, Guerra sociale, la rubrique d’Anargiro Sbadiglia est consacrée au fouttebolle. Le titre de la rubrique, « Quelli che ti ragionano coi piedi » (Ceux qui raisonnent avec les pieds), et le pseudonyme choisi (un faux prénom composé à partir du début du mot Anarchiste et avec le verbe Sbadiglia de sbadigliare bâiller) donnent le ton. Rien de bien sérieux… Anargiro s’en prend au football et aux passions que ce sport déchaîne auprès des jeunes générations, les éloignant de la lutte sociale. Libre à ceux qui voudraient s’amuser de voir des analogies avec l’actualité de l’été 2014. Ils remarqueront toutefois qu’à l’époque on perdait son temps et ses énergies à JOUER au football.
L’article est truffé de jeux de mots, de régionalismes, d’allusions qui supportent mal la trahison de la traduction ; nous nous aventurons à donner ici tout de même une version en français, suivie de l’article original.

Une des causes de l’abêtissement de l’humanité est le foutteboll, qui n’est d’ailleurs rien d’autre que le jeu de ballon tellement en vogue à l’époque où le peuple florentin devait supporter cette belle affaire qu’on appela la Seigneurie des Médicis, qui n’est d’ailleurs pas différente des Seigneuries qui aujourd’hui continuent de nous plumer et de nous contraindre au respect.
calcio-e-soldi-e13990220923991Car s’il est vrai que l’espèce humaine, c’est-à-dire le citoyen, connaît le progrès sur le plan démocratique et produit des hommes aux idées larges comme Bissolati [socialiste réformiste, alors ministre], l’art de gouverner progresse également, ainsi que l’appétit des gouvernants, tandis que celui des ouvriers reste à l’état chronique, autrement dit, pour ne pas faire de confusion, toujours insatisfait, malgré l’invention humanitaire des cuisinières à bois.Mais je divague comme un père jésuite qui veut démontrer l’existence de Dieu ou comme un futur candidat socialiste qui veut convaincre qu’il faut voter pour lui si l’on veut guérir des rhumatismes.Je ressaisis donc immédiatement les balles du jeu du fouttebolle et, ces balles en main, j’explique comment l’héroïque jeune génération, dont la tête a émigré vers le talon, est atteinte de crétinisme généralisé.
Je ne suis pas un philosophe parce que pour être philosophe, il faut avoir une barbe blanche, les cheveux longs et regarder de derrière ses lunettes la misère de la vie ; et je ne suis pas non plus un sociologue parce que pour être attaqué par un tel bacille il est nécessaire de connaître des mots qui embrouillent les gens. Mais je suis un homme qui regarde, un observateur. Et comme la loi qui interdit tant de choses n’a pas encore interdit de regarder autour de soi, fort de mes droits de libre citoyen émancipé par la révolution française et par la chute du Pouvoir temporel des Papes, je regarde ce qui se passe et je réfléchis, notamment pour éviter qu’un malheur ne m’arrive ou que ne me tombe dessus une de ces balles que les valeureux foullboques envoient dans l’estomac du promeneur innocent en même temps que les pires insultes.Autrefois la jeunesse s’occupait davantage de son sort et les gens s’apercevaient de son existence.Aujourd’hui, on s’en aperçoit encore, mais seulement pour s’exclamer : regarde un peu tous ces imbéciles.

***

Et donc toi, Anargiro, homme aux idées libres, tu soutiens que les jeunes, même ceux qui portent déjà la barbe, n’auraient pas le droit de se divertir honnêtement.
Tu nies que l’exercice musculaire renforce les nerfs et développe les muscles ?
Je ne nie rien de rien, mais tout en respectant l’opinion d’autrui, je fais remarquer que tous ces bonds et ces coups de pieds sont une perte d’énergie supplémentaire, étant donné que dans les usines, de l’exercice, ces jeunes ont font plus qu’assez.
Mais si les patrons des usines où ces jeunes travaillent ne se plaignent pas, de quoi te mêmes-tu toi, Anargiro Sbadiglia, homme sans industrie ni capital ?
Et je t’attendais au passage, comme dit l’Arioste, ô illustre imbécile qui m’interroge de cette manière.
Puisque je m’étais moi-même posé la question avant tout le monde et comme je n’y trouvais pas de réponse satisfaisante, je l’ai posée à quelqu’un dont j’ai été très proche, à l’époque où nous étions misérables, et qui est aujourd’hui le directeur d’une grande usine textile, [L’exemple n’est pas anodin, c’est dans l’usine textile de Rodolfo Crespi que se déclenchent les événements de la grande grève de 1917 à São Paulo.] mais qui continue toutefois à me saluer, s’agissant, comme disent les socialistes légalistes, d’un bourgeois éclairé.
Et je transcris son avis éclairé.

***

Ainsi parla l’ami [mot illisible].
Au début, lorsque le foutt-bol s’est généralisé, j’ai immédiatement remarqué que les ouvriers étaient fatigués et qu’ils travaillaient peu ; j’ai remarqué aussi que pendant toute la semaine, ils ne faisaient que parler de balles, de coups de pied, de coups de tête. La production s’en ressentait et j’étais en train de réfléchir aux mesures à prendre quand un contremaître, qui espionne pour moi ce qui se passe dans l’usine, m’avertit que les ouvriers, à la pause déjeuner, ne lisaient plus de journaux subversifs, que quand ils lançaient des jurons, ils ne disaient plus connard de patron, mais insultaient tel ou tel club, ceux des autres joueurs, s’entend.
Je compris aussitôt le parti à tirer de la situation. Mais comme il y avait des malades du futt-bol, j’ai pensé à diminuer la paie de tout le monde, même de ceux qui ne jouaient pas. J’attendis de voir les résultats.
Ceux qui ne jouaient pas râlèrent un peu, essayèrent d’entraîner les autres, mais perdirent leur temps puisque ceux-là ne s’occupaient que du jeu.
Alors je préparai un coup de maître.
Étant donné que, leur cerveau émigrant de la tête au talon, mes ouvriers devenaient plus malléables, j’augmentais la durée de la journée de travail de neuf à dix heures. Mais dans le même temps, en un geste magnanime, je leur concédai la possibilité d’utiliser un terrain proche de l’usine pour en faire leur champ de bataille.
Et le coup passa.
Maintenant, dans l’usine, quoique j’impose, il n’y a plus d’ouvriers pour protester… du moment que je les laisse discuter de foutt-bol et y jouer.

***

Cette opinion d’un homme qui sait de quoi il parle explique donc le mystère des grands excès obtenus grâce au fouttebolle, un jeu encouragé par tous, par le gouvernement, par les prêtres et par les patrons, parce qu’il distrait le travailleur exploité, lequel donnera des coups de pied à son prochain pour que la balle ne franchisse pas le poteau. Le même passera, tranquille et docile, sans rougir sous les fourches caudines de l’exploitation bourgeoise.
Et si avec cette éducation du coup de pied, la nouvelle jeunesse héroïque en laissait parfois passer un en direction de celui qui l’exploite, comme le font les mulets.
Mais non, ces braves jeunes gens qui raisonnent avec les pieds, les coups, ils se les donnent entre eux.

Anargiro Sbadiglia, « Quelli che ti ragionano coi piedi », Guerra Sociale, n°46, São Paulo, 1er mai 1917.

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Voici l’original en italien:

Quelli che ti ragionano coi piedi

Una delle cause del rincitrullimento dell’umanità è il cosiddetto futtebolle che poi altro non ti sarebbe che il giuoco del calcio, tanto in vigore al tempo in cui il popolo fiorentino ti sopportava quella bella roba che si chiamò la Signoria dei Medici. la quale del resto non ti era assai diversa dalle tante Signorie che oggi ti pelano e ti impongono il dovuto rispetto. Perché se la specie umana, ovverosia, il cittadino, progredisce democratimente parlando e ti produce uomini liberali come Bissolati, è anche vero che progredisce l’arte di governare e progredisce l’appetito dei signori, quello delli operai restandoti allo stato cronico o vogliamo dire, perché non si faccino confusioni, sempre insoddisfatto, anche dopo l’umanitaria invenzione delle cucine economiche.
Ma io ti divago come un padre gesuita qualunque che ti voglia dimostrare l’esistenza di Dio, o come un futuro candidato socialista che ti voglia persuadere che devi votare per lui se vuoi guarire dai reumatismi.
Perciò ti riafferro subito le palle del giuoco del calcio o futtebolle che sia e con esse alla mano ti provo come essendoti emigrata la testa verso il calcagno, si spieghi l’incretinimento generale della presente eroica giovane generazione.
Io non sono un filosofo perché per essere filosofo bisogna che tu abbia la barba bianca, i capelli lunghi e che guardi da dietro l’occhiali le miserie della vita, e non sono neppure un sociologo perché per essere attaccato da simile bacillo è necessario conoscere delle parole difficili che ingarbuglino la gente. Ma sono un omo che guarda, cioè, un osservatore. E siccome la legge che ti proibisce tante cose non ti ha proibito ancora quella di guardarti attorno, forte dei miei indiscussi diritti di libero cittadino emancipato dalla rivoluzione francese e dalla caduta del Potere Temporale dei Papi – io guardo quello che succede per rifletterci sopra ed anche perché non mi capiti addosso una disgrazia o magari una di quelle palle che i valorosi fullbocches respingono sullo stomaco dell’innocente viandante per difendere l’anima dei mortacci loro.
Una volta la gioventù pensava meglio ai casi suoi e la gente s’accorgeva che al mondo c’era anch’essa.
Oggi uno se ne accorge lo stesso, ma solo per esclamare: guarda quanti imbecilli ti crescono su!

***

Dunque tu, Anargiro, uomo di liberi sentimenti, sosterrai che i giovanotti, sia pure con la barba cresciuta, non abbiano diritto all’onesto divertimento?
Negherai tu che l’esercizio muscolare rinforzi i nervi e sviluppi i muscoli?!
Io non nego un accidente, ma col dovuto rispetto alle opinioni altrui, ti faccio osservare che tutti quei salti e quell’allungar di calci è uno sciupio di energia in più, visto che d’esercizio nelle officine tutti quei giovanotti ne fanno anche troppo.
Ma se non se ne lamentano i padroni delle fabbriche in cui quei ragazzi lavorano che c’entri tu, Anargiro Sbadiglia, uomo senza industrie e capitali?
Qui ti aspettavo al varco, come dice l’Ariosto, o illustre somaro che mi rivolgi la predetta interrogazione.
Poiché quella domanda io me l’ero rivolta prima di ogni altro e siccome non vi trovavo conveniente risposta la rivolsi ad un tale col quale in tempi di miseria ebbi molta dimestichezza e che oggi è direttore di una grande fabbrica di tessuti. Ma che non pertanto mi conserva il saluto essendo come dicono i socialisti legalitari un borghese illuminato. Dunque io mi rivolsi a lui, che trovandosi dentro alla materia, me ne poteva dare sufficiente spiegazione.
E qui ti trascrivo l’illuminato parere suo.

***

Così parlò l’amico [illeggibile].
Nei primi tempi che si generalizzò il futt-bol notai subito che gli operai erano stanchi morti e lavoravano poco, notai anche che durante l’intera settimana non ti facevano che parlare di palle, di calci, di testate. La produzione ne soffriva ed io stavo pensando come provvedere quando un contra-maestro, che mi fa la spia di quanto succede in fabbrica, mi avvisò che gli operai nell’ora di colazione non leggevano più giornali sovversivi, che quando bestemmiavano non dicevano più ladro d’un padrone, ma mandavano tutti gli accidenti al club tale o tal altro; di altri giuocatori, cioè.
Capii subito che non tutti i mali vengono per nuocere. Ma siccome gli affetti del futt-bol esistevano, io pensai di rimediarvi diminuendo la paga a tutti, anche a quelli che non giuocavano. E attesi per vedere in che dava.
Quelli che non giuocavano brontolarono un po’, cercarono di mettere su gli altri, ma persero il loro tempo poiché costoro si occupavano solo del giuoco.
Allora preparai un colpo da maestro.
Visto il cervello dei miei operai emigrando dalla testa ai calcagni li rendeva più malleabili, aumentai loro la giornata di lavoro, portando l’orario dalle nove a dieci ore. Ma nello stesso tempo con magnanimo gesto concessi loro facoltà di approfittare di un terreno prossimo alla fabbrica per farne il loro campo di battaglia.
E il colpo passò.
E adesso nella fabbrica non vi sono più operai che protestano: qualunque cosa io loro imponga, sta bene… purché li si lasci giuocare e discutere di fut-bol.

***

Questa opinione di un uomo che sa quello che si dice, ti spiega dunque il mistero del grande eccesso ottenuto dal futtebolle; giuoco incoraggiato da tutti, dal governo, dai preti e dai padroni, perché ti distrae il lavoratore sfruttato, il quale finché si prenderà a calci col prossimo suo perché la palla non passi il bar, lui passerà pacifico e mansueto e senza arrossire sotto le forche caudine dello sfruttamento borghese.
E pazienza se con tanta educazione calciauola, la nuova eroica gioventù qualche volta lasciasse andare un calcio anche a chi la sfrutta, così come fanno i muli.
Ma no, quei cari giovanotti che ragionano coi piedi i calci se li danno tra di loro.

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L’histoire de l’anarchisme italien est liée, par bien des aspects, à l’histoire de l’émigration italienne. Malatesta lui-même a passé une bonne partie de son existence hors d’Italie, en Amérique du Sud et à Londres (mais aussi en Égypte et ailleurs), avant son retour rocambolesque en Italie en 1919, et il était en contact avec des militants répartis aux quatre coins du monde. Le fil conducteur choisi pour ce blog offre donc un vaste champ d’investigation. Ce sera la seule contrainte que nous nous imposerons : nos « conversations » auront toutes pour point de départ les vicissitudes des anarchistes italiens dans le monde et aborderont, au fil de l’actualité, de l’humeur, peut-être aussi des réactions et des demandes des lecteurs, des sujets variés, que nous illustrerons si possible de photographies, documents d’archives, correspondances, textes traduits de l’italien…

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