Brassens à Marseille, au CIRA, avec Meille
En décembre, Brassens fait un tour au CIRA de Marseille. Il sera peut-être question de Brassens anarchiste, mais surtout de Georges, fils de l’Italienne, comme il appelait affectueusement sa mère, née Elvira Dagrosa (voir un précédent billet sur ce blog : Brassens était anarchiste et « italien »). Puisque Brassens se paie un tour chez les anars, c’est l’occasion d’aller lire sa notice dans le Maitron, ce fabuleux outil de recherche qui comporte des dizaines de milliers de biographies, et notamment celles de nombreux anarchistes français. Surprise, le Maitron ne consacre pas une mais bien deux notices. La première ne fait pas du tout mention des ascendances italiennes de Georges (qui lui même ne savait pas que ses grands-parents maternels venaient de la Basilicate), contrairement à la version nouvelle, toute récente (2017 semble-t-il), où il est souligné qu’Elvira était originaire du sud de l’Italie. Puis on ne réussit pas tout à fait à échapper aux stéréotypes: « Avec sa mère, Georges Brassens découvrit tôt la musique traditionnelle italienne et s’initia dès son jeune âge à la mandoline. » Pour savoir quel était vraiment le premier instrument de Georges, avant le piano et la guitare, et pour échanger sur les musiques « italiennes » qu’il écoutait dans sa jeunesse, venez au CIRA à Marseille. Grâce à Meille, la rencontre sera illustrée en musique.
Compte rendu savoureux et insolite du congrès anarchiste de Saint-Imier en 1872
Nous arrivâmes à la queue leu leu : Malatesta, Cafiero et Bakunin firent le déplacement dans la voiture que des camarades du Tessin avaient louée, tandis que Fanelli, Labruzzi, Costa et moi fîmes le trajet à pied. Une belle aventure, hormis le fait que pour arriver à temps, nous sommes partis de Dogliani le 15 août. Une chaleur infernale pour commencer, puis de grands écarts thermiques ensuite. Heureusement que j’avais emporté du bon Dolcetto, tandis que Costa et Labruzzi avaient acheté de la tume de brebis et de chèvre des Langhe et des ghërsin robatà (gressins). Fanelli, comme à son habitude, n’avait rien (ce n’est pas pour rien qu’il est ami avec Bakounine, qui joue toujours au pique-assiette) et il est âgé (il est né en 1827). Mais n’insistons pas, nous nous rattraperons l’été prochain, chez lui, à Naples. Même si le trajet a été pénible, nous avons eu nos satisfactions : nous avons fait étape à plusieurs endroits, nous avons goûté de nombreux plats locaux et nous avons parfois fait des excès, comme le jour où après un bref arrêt à Milan (je crois que c’était autour du 28 août), nous sommes allés manger chez une tante de James Guillaume, dans la province de Côme. Cette petite vieille agile et sympathique a eu la bonne idée de nous cuisiner une version régionale de la cassoeula !!! Comme vous le savez la cassoeula, y compris dans ses versions les plus connues, est à base de chou et des parties les moins nobles du cochon, la couenne, les cotilles et, dans les versions les plus élaborées, de pieds de porc, de saucisses et de museau. Dans la version de Côme, il n’y a pas de pieds de porc, mais de la tête de porc. Carlo Cafiero se mit à manger comme un désespéré : on aurait dit qu’il ne mangeait plus depuis l’époque du Carbonarisme. Puis il a eu une telle crise de dysenterie qu’il vaut mieux ne pas insister ! Lire la suite de ce billet »
Brassens était anarchiste et «italien»
Il vous reste quelques jours pour souscrire à l’ouvrage Sur Brassens et autres « enfants » d’Italiens, Textes et témoignages recueillis par Isabelle Felici, au prix de 19 € au lieu de 25 € (hors frais de port). L’ouvrage paraîtra en mars 2017. La souscription se fait par courrier ou en ligne : https://www.pulm.fr/index.php/9782367812373.html
Le dessin de couverture, «Un air de famille» (voir ci-contre) est de Baru.
En accédant au sommaire, vous verrez que le premier texte de ce recueil convie à une ballade dans l’univers familial, amical, musical, poétique et culinaire « italien » de Georges Brassens. Même ses fervents admirateurs ignorent souvent qu’il était anarchiste et encore plus souvent que sa mère, née à Sète, était d’origine italienne. Georges l’appelait affectueusement l’Italienne et il croyait, à tort d’ailleurs, qu’elle était napolitaine.
Parmi les récits et témoignages suivants, vous trouverez celui d’un autre anarchiste «italien», par le biais de sa grand-mère née en Sicile: Ronald Creagh, qui avait déjà raconté ce «détail» de sa biographie dans L’anarchisme en personnes. Son texte de souvenirs nous montre qu’il ne s’agit pas que d’un détail.
Dans les deux cas, c’est à suivre… jusqu’en mars, date de la parution de l’ouvrage.
Le journal Le Parisien s’intéresse aux anarchistes italiens
Le 1er janvier 2017 Le Parisien publiait un article intitulé «Fontenay : une famille d’anarchistes italiens gagne ses lettres de noblesse». Il fait suite à une publication, dans l’Almanach 2017 de la commune de Fontenay-sous-Bois, de quelques éléments biographiques sur la famille Giglioli, dont un membre, Ribelle, 93 ans, habite toujours dans cette commune de banlieue de la petite couronne de Paris . Lire la suite de ce billet »
Pio Turroni à l’université
Grâce à Françoise Fontanelli Morel, qui a rédigé une thèse intitulée Le mouvement anarchiste italien en exil dans le Sud-Est de la France durant l’Entre-deux-guerres : Pio Turroni, une approche biographique, soutenue le 8 décembre 2017, Pio Turroni entre à l’université.
Né en 1906, Pio Turroni a vécu des périodes troubles de l’histoire italienne et mondiale, au cours desquelles il n’a cessé d’être actif, maintenant des contacts avec les anarchistes (italiens et non italiens) du monde entier, comme le montre l’énorme documentation recueillie par Françoise Fontanelli Morel.
En 1939, du fait de son activité antifasciste, Pio Turroni est arrêté et il passe de longs mois enfermé au Fort Saint Nicolas à Marseille. Le 26 décembre 1939, il écrit au juge d’instruction une lettre que Françoise Fontanelli Morel reproduit dans son travail et dont nous citons des extraits ci dessous, comme une invitation à mieux connaître la personnalité de Turroni et son parcours.
Il faut espérer que ce travail si bien entamé aboutisse à une publication, pourquoi pas à un épistolaire.
[…] J’ai passée disept ans en France et j’ai tous jours travaillée. […] Dans tout ce temps je n’ai pas eu le plus petit proces verbal.
Et on trouve moyen de m’accuser d’espionnage! D’une accusation si infamante! Quant tout le monde sait que j’ai eu tousjours de l’avversion pour les pays de dictature. A profit de qui j’aurais fait l’espion? Je suis partir en 1922 d’Italie et jamais je remis les pieds; même quand mon père et ma mère sont mort, chez moi. En 1922 quand j’ai quittée le pays, mon père m’avait fait jurer de jamais retourner en Italie tant que Mussolini restait au pouvoir. J’ai continué de mon avversion au fascisme en allant à combattre en Espagne où j’ai versé du sang, je suis partis d’Espagne dégoutée et pour me sauver des bolscevichs. Entrée en France j’ai immediatament recomencée à travailler. Ce sont des choses faciles à controler. Je me demande pourquoi après 45 jours je suis encore en prison. […]
Amedeo Bertolo, entre intimité et internationalisme
Par les hasards de la vie, j’ai rencontré Amedeo Bertolo plusieurs fois en dehors du contexte de l’anarchisme, la première par le biais d’une amie brésilienne qui connaissait quelqu’un… qui connaissait Amedeo. C’était justement au moment où je me rendais pour mes recherches au Centre Pinelli de Milan, sans savoir qu’il en était le fondateur. Bien plus tard, toujours en dehors du contexte de l’anarchisme, ce fut par le biais d’une collègue qui connaissait quelqu’un… qui connaissait Amedeo. Entre les deux occasions, j’avais approché de très près Amedeo en traduisant, pour l’Atelier de création libertaire, son entretien avec Mimmo Pucciarelli. J’ai beaucoup aimé la personne que je découvrais au fil du texte et j’ai été touchée de savoir, indirectement, qu’Amedeo avait apprécié la traduction. Alors que nous aurions eu quelques (rares) occasions, à Milan ou à Florence, d’en parler ensemble, cela n’a pas été le cas et je ne peux que regretter maintenant que timidité et pudeur m’aient fait manquer cet échange.
Je ne sais pas dans quelle mesure les anarchistes français, qui n’auraient pas de lien avec l’Italie, connaissent Amedeo Bertolo. En lisant ses propos, recueillis par Mimmo Pucciarelli, ils pourront re-découvrir tout un pan de l’histoire de l’anarchisme en Italie et en Europe dont il a été un moteur depuis la fin des années cinquante.
«Eloge du cidre», L’anarchisme en personnes. Récits de vie et anarchie, Lyon, Atelier de création libertaire, 2006. Voir ici pour télécharger le texte de l’entretien ou ici pour le lire en ligne. Voir ici comment se procurer l’ouvrage.
Elena, Bénédicte, Jorge et les autres
Avec quelques décennies de retard, je mets à disposition, dans une version légèrement remaniée par rapport à la version papier qui a circulé, ma thèse de doctorat sur Les Italiens dans le mouvement anarchiste au Brésil (1890-1920), soutenue en 1994 à l’Université de la Sorbonne Nouvelle Paris 3. Le document était (et est encore) disponible sur le site Raforum, ce qui a beaucoup contribué à le faire connaître. Merci à Ronald Creagh!
Ce travail a connu quelques déboires éditoriaux. Robert Paris, membre du jury, a beaucoup encouragé sa publication à l’époque, mais l’ouvrage n’est pas arrivé au bon moment pour certains éditeurs ou était trop spécialisé pour d’autres (mais les lecteurs de ce blog savent que la partie sur la colonie Cecilia a trouvé sa place à l’Atelier de Création Libertaire, ici), Plusieurs projets de traduction n’ont pas abouti, malgré cela, l’obstacle de la langue ne semble pas avoir gêné les chercheurs qui ont utilisé le texte, et l’ont cité, ce qui ne va pas toujours de pair!
Le texte, un peu remanié pour plus de lisibilité, est disponible sur les Archives ouvertes : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01359546v1 ou ici.
En route pour Santa Barbara (Palmeira, Brésil)
La route qui conduit à l’endroit où s’était implanté la Cecilia n’est guère confortable.
Cela n’a pas découragé Cristina Duarte de se rendre sur place et de me faire partager en photos sa visite. Il suffit de suivre les indications:
Encore un exploit de la colonie Cecilia! et une photo
Presque trente minutes d’enregistrement et un récit basé sur plusieurs de mes textes (erreurs de lectures à part), certains, qu’à sa demande, j’ai envoyés personnellement à Emilio Franzina quand une radio italienne l’a chargé d’enregistrer un récit sur la colonie Cecilia. En trente minutes, ou presque, pas une référence explicite à ces textes ni au nom de leur auteure… Le récit est « friendly », comme me l’annonçait le récitant dans un sympathique message d’approche, mais guère impartial envers Rossi et les anarchistes, ces « éternels rêveurs », dont il est finalement peu question d’un poing de vue politique. Sans rancune, voici le lien vers le podcast de l’émission: La Colonie Cecilia. Attention, si vous suivez ce lien, ne vous fiez pas à l’illustration qui n’a rien à voir avec la Cecilia. Mais on y voit bien Rossi, avant son départ pour le Brésil: il est debout à droite.
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La Cecilia en rouge et or
Rouge, noir et or, le décor du Teatro alla Scala de Milan. Blanches et noires, les chevelures et les barbes des personnages qui apparaissent à l’écran, l’empereur du Brésil et l’anarchiste, vétérinaire et agronome, Giovanni Rossi. On n’a pas lésiné sur la symbolique des couleurs pour cette scène d’ouverture du film de Jean-Louis Comolli, La Cecilia, 1976, une scène qui n’a jamais existé dans la réalité (et on peut maintenant reconstruire la manière dont s’est créée la légende) mais qui donne, à sa façon, la mesure de l’enthousiasme et de l’implication de Rossi pour la réalisation de son projet de communauté agricole anarchiste.
Ellipse, puis le film reprend avec l’arrivée des pionniers sur le site où va se dérouler l’expérience de « socialisme expérimental ». Commence alors réellement l’histoire de la Cecilia, certes encore un peu romancée et adaptée car, malgré les recherches effectuées par l’équipe du film, dont témoigne le dossier publié alors, certains documents ont fait défaut (par exemple le premier compte rendu publié par Rossi, sans doute moins connu car publié en dehors des circuits anarchistes, par les soins du géographe, républicain et libre penseur Arcangelo Ghisleri).
Parmi les spectateurs, ceux qui ont animé les communautés des années soixante et soixante-dix (comme Comolli lui-même qui fait le lien entre son film et son expérience au sein de la rédaction des Cahiers du cinéma) partagent généralement les émotions et les questionnements des membres de la Cecilia : les moments d’euphorie lors des réalisations collectives (par exemple lors des premières semailles), mais aussi les discussions avec ceux qui affirment que leur liberté va jusqu’à laisser aux autres le soin de s’occuper des aspects matériels et des tâches ménagères…
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