2014, année Bakounine ?
Cette année, et plus précisément le 30 mai prochain, marque le 200ème anniversaire de la naissance de Mikhaïl Alexandrovitch Bakounine, plus connu par chez nous sous le nom de Michel Bakounine. C’est l’occasion d’une série d’événements dont je propose ici une première recension, dont j’espère qu’elle n’est pas exhaustive.
Il n’est pas illégitime de s’interroger sur la pertinence qu’il y a à commémorer un moment où Bakounine n’était qu’un nouveau-né vagissant, encore peu enclin à entretenir dans son cœur le sentiment sacré de la révolte (quoique…). Et à tout prendre, on pourrait aussi penser que la date de sa mort est plus significative que celle de sa naissance – s’il est vrai, comme le disait Hegel, que la vie d’un individu ne prend son sens que lorsque cette seconde date est inscrite sur la pierre tombale. Marianne Enckel, en charge du CIRA de Lausanne, me disait récemment que la seule chose à exposer pour commémorer la naissance de Bakounine, ce serait son berceau ! Cela me paraît une excellente idée, propre surtout à gentiment dégonfler les discussions que nous pouvons avoir autour de ces histoires de commémorations. Le berceau qui illustre ce billet n’est pas celui de Bakounine, mais un berceau traditionnel russe du XIXe siècle, conservé au musée Kuzminski (pour l’image originale, voir ici).
Car après tout, il y a dans tout cela quelque chose d’arbitraire, et contre Hegel, on pourrait tout à fait soutenir que la date de la mort de quelqu’un n’a guère plus de signification que celle de sa naissance, et il me semble notamment que c’est le cas pour Bakounine, qui s’était retiré de toute activité révolutionnaire depuis 1874, et dont il importe peu qu’il soit mort en 1876 (et non en 1875 en attrapant un mauvais rhume, ou en 1877 en résistant quelques mois de plus à son (probable) cancer de la vessie). Bien entendu, il n’en va pas de même pour certains de ses compagnons, pour lesquels cette seconde date fut éminemment significative – par exemple Eugène Varlin, tué à la fin de la semaine sanglante en 1871, et que je ne peux m’empêcher d’évoquer en ce 18 mars (car la Commune de Paris aurait aujourd’hui 143 ans !).
Bref, si un certain nombre d’entre ceux qui s’intéressent à Bakounine ont décidé de sacrifier à ces commémorations, c’est peut-être tout simplement que l’occasion fait le larron – comme elle l’avait d’ailleurs fait voici deux ans pour les spécialistes de Rousseau, dont on célébrait le tricentenaire de la naissance. Pour ma part (et je ne suis sans doute pas le seul !), attendre le bicentenaire de la mort de Bakounine constituerait un pari fort risqué puisqu’il s’agirait aussi de patienter jusqu’au centenaire de ma propre naissance… Au demeurant, il n’y a pas lieu non plus de monter tout cela en épingle : dans le fond, qui se soucie du bicentenaire de la naissance de Bakounine? Ce ne sera pas cette occasion que saisira une part significative de la population mondiale pour s’interroger sur la pertinence et l’actualité de l’anarchisme révolutionnaire. Ce ne sera pas non plus une tache indélébile portée sur le cursus révolutionnaire des anarchistes qui auront choisi de participer à une maudite commémoration. C’est simplement une occasion de faire connaître quelqu’un dont la vie, l’activité et la pensée fut, pour beaucoup de compagnons, une source d’inspiration et de discussion, et dont les écrits ont, à mon avis, encore beaucoup à nous dire.
Quoi qu’il en soit, voici quelques-uns des événements dont j’ai connaissance pour cette année 2014 et que je présente par ordre chronologique. Les compléments et précisions sont les bienvenus.
Un congrès de la FAU (Frei ArbeiterInnen Union) aura lieu à Berne, en Suisse alémanique, du 16 au 18 mai 2014. Visiblement, ce congrès sera accompagné d’une conférence consacrée moins à la figure de Bakounine qu’à la question de l’actualité de l’anarchisme, mais la date et le lieu sont éminemment symboliques : c’est en effet à Berne que Bakounine s’est éteint le 1er juillet 1876. Et le 18 mai est la date de sa naissance dans le calendrier julien, qui était alors en vigueur en Russie – selon le calendrier grégorien, que nous utilisons, il est en fait né le 30 mai 1814. À cette occasion se tiendra également à Berne un salon du livre anarchiste.
Comme déjà indiqué sur ce blog, les 12 et 13 juillet 2014 se tiendra à Priamoukhino, village natal de Bakounine, une conférence internationale à laquelle je prendrai part. J’y parlerai, en gros, de la conception bakouninienne de la révolution, du rôle qu’y jouent les différentes classes et de ce qu’elle peut encore avoir d’intéressant aujourd’hui, notamment eu égard aux mouvements révolutionnaires qui se sont développés ces dernières années. Un lien pour suivre l’actualité de cette conférence.
Les 3 et 4 octobre 2014, se tiendra aux Archives municipales de la Ville de Lyon un colloque consacré à Bakounine, organisé en partenariat avec l’Université Populaire de Lyon. Comme je suis partie prenante de cette initiative, je ne manquerai pas de vous tenir informés de ce qu’elle devient.
Cette année 2014 est aussi l’occasion de volumes ou de brochures publiés en hommage à Bakounine. Je sais déjà, pour y avoir participé, qu’un volume devrait paraître ces prochaines semaines aux Éditions du Monde Libertaire, avec notamment des contributions de René Berthier et Philippe Pelletier. Je sais aussi que d’autres amis bakouniniens envisagent divers petits projets éditoriaux, dont il est sans doute encore trop tôt pour parler.
En somme, à suivre !