Bakounine et les sociétés secrètes au CIRA de Lausanne le 19 février 2019
Le 19 février prochain, à partir de 19h, je participerai au Centre International de Recherche sur l’Anarchisme (CIRA) de Lausanne à une présentation du numéro 41 de la revue Réfractions, qui a pour titre « Discrets, secrets, clandestins». Ce numéro porte d’une manière générale sur les pratiques qui cherchent à échapper au regard public, et par conséquent aussi aux injonctions contemporaines à la transparence, que ce soit du côté du pouvoir (secrets et mesures discrétionnaires de l’État ou du complexe militaro-industriel, par exemple, mais aussi opacité des plateformes numériques) ou du côté de ceux qui le contestent (refus des injonctions à la transparence, pratiques de discrétion, etc.). On trouvera ici le sommaire de ce numéro.
Pour ce numéro, j’ai rédigé un article intitulé « Éloge de la conspiration : les sociétés secrètes de Bakounine et leur actualité », dans lequel j’interroge non seulement ce que peut nous apprendre la manie bakouninienne de constituer des sociétés secrètes, mais aussi les critiques qui sont habituellement adressées à cette pratique. J’ai donc mobilisé d’un côté les textes de Bakounine à propos des sociétés secrètes (programmes, organigrammes, mais aussi lettres dans lesquelles il justifie la constitution de telles organisations), et d’autre part une réflexion sur les notions de publicité et de transparence – en lien avec quantité d’autres réflexions développées depuis quelques années dans la sphère des études sur le numérique. Je signale d’ailleurs que ce numéro de Réfractions est sorti à peu près en même temps que deux revues plus académiques qui portent sur des sujets voisins : Multitudes (n° 73, « Tyrannies de la transparence ») et la Revue française d’éthique appliquée (n° 6, « Éloge de l’opacité »).
Pour cette présentation, on m’a demandé de chercher une copie de l’un des « Dictionnaires » que Bakounine avait mis au point pour chiffrer sa correspondance. Celle qui se trouve ci-dessus est de la main de Bakounine. On la trouve sur le vieux CD Rom des Œuvres complètes de Bakounine publié par l’Institut International d’Histoire Sociale (et elle doit aussi se trouver sur leur site Internet, mais je n’ai pas vérifié). La version originale se trouve aux Archives départementales du Rhône (ADR, série R, « Envahissement de l’hôtel de ville », dossier Palix) et elle a été saisie en même temps qu’une lettre de Bakounine à ses camarades lyonnais Gaspard Blanc et Louis Palix suite à l’échec de l’insurrection lyonnaise de 1870. Elle n’a pas été retenue par les organisateurs pour des raisons techniques (celle qui ornera le flyer sera la version recopiée par Paul Robin de l’un de ces dictionnaires – elle est de meilleure qualité, et de surcroît la graphie de Robin est bien plus lisible que celle de Bakounine!), alors, sans rancune, je la livre ici. Il en existe d’autres, notamment de la main de James Guillaume.
Le fait que nous soyons en possession de ce genre de liste prouve en tout cas que Bakounine n’était pas nécessairement un conspirateur de grande qualité (on raconte que Blanqui, lui, n’hésitait pas à manger de tels documents pour les faire disparaître, lorsqu’il n’avait pas la possibilité de les brûler). Le même James Guillaume, interrogé par Max Nettlau, fut d’abord soucieux de ne pas évoquer les organisations clandestines mises en place par Bakounine, puis se montra effaré des traces qu’avait laissées derrière lui Bakounine et que le chercheur autrichien n’eut guère de mal à systématiquement relever. Mais c’est une autre histoire, et si vous voulez en savoir plus, rendez-vous le 19 février au 24 avenue Beaumont, à Lausanne !