Archive pour la catégorie ‘Mauvaise réputation’
Bakounine et les sociétés secrètes au CIRA de Lausanne le 19 février 2019
Le 19 février prochain, à partir de 19h, je participerai au Centre International de Recherche sur l’Anarchisme (CIRA) de Lausanne à une présentation du numéro 41 de la revue Réfractions, qui a pour titre « Discrets, secrets, clandestins». Ce numéro porte d’une manière générale sur les pratiques qui cherchent à échapper au regard public, et par conséquent aussi aux injonctions contemporaines à la transparence, que ce soit du côté du pouvoir (secrets et mesures discrétionnaires de l’État ou du complexe militaro-industriel, par exemple, mais aussi opacité des plateformes numériques) ou du côté de ceux qui le contestent (refus des injonctions à la transparence, pratiques de discrétion, etc.). On trouvera ici le sommaire de ce numéro. Lire la suite de cette entrée »
Lumpenproletariat, canaille et révolution selon Bakounine
Je livre ici le texte de ma petite contribution au livre de Claire Auzias, Trimards. « Pègre » et mauvais garçons de Mai 68, Lyon, Atelier de Création Libertaire, 2017. Et j’en profite pour recommander chaudement la lecture de ce livre (qu’on peut se procurer directement auprès de l’éditeur), qui est à la fois une histoire du Mai lyonnais dans ses aspects les plus oubliés, un recueil de documents (notamment ceux rassemblés par Françoise Routhier, à qui Claire rend justement hommage) qui donne à entendre la voix des trimards, mais aussi une réflexion sur la place dans les mouvements révolutionnaires de celles et ceux que le marxisme a eu tôt fait de ranger dans la catégorie honnie de Lumpenproletariat pour en faire, au choix, des alliés objectifs de la contre-révolution, des anarchistes ou des indicateurs de police (mais n’est-ce pas la même chose, mon bon monsieur, ma bonne dame?). Lisez ce livre, ne serait-ce que pour savoir pourquoi ce billet est publié le 24 mai 2018! À la demande de Claire, j’ai rédigé la petite mise au point qui suit sur la place qu’occupe (ou pas!) la catégorie de Lumpenproletariat chez Bakounine. Le texte est proche, par les thématiques qu’il aborde, de ceux que j’ai pu rédiger pour la conférence de Priamoukhino en 2014 et pour le volume Refuser de parvenir en 2016 (dont je donnerai aussi le texte sous peu sur ce blog). Lire la suite de cette entrée »
Paléontologie: quelques vues du courant communiste international sur Bakounine
René Berthier a récemment attiré mon attention sur deux articles de la Revue Internationale, vieux de dix ans déjà (et disponibles en ligne ici et ici). Cette revue est l’organe théorique du Courant communiste international dont la devise est, étrangement, « prolétaires de tous les pays, unissez-vous! » (mais où vont-ils chercher tout ça?).
Si, par extraordinaire, vous ne connaissiez pas cette organisation internationale et ne maîtrisiez pas sa différence d’avec les bordiguistes et les conseillistes (ce qui devrait pourtant être le but de tout être humain normalement constitué), vous pouvez vous rendre sur la page wikipedia qui lui est consacrée. Vous y apprendrez par exemple que, pour ce courant, les anarchistes font partie de la « gauche de l’appareil politique du capital » (mais aux côtés de tant d’autres – en fait tous les groupes gauchistes à l’exception du Courant communiste international). Malgré l’intérêt intrinsèque que l’on doit évidemment porter à ce groupe, c’est pour une autre raison que le double article en question, qui revient, au titre de « questions d’organisation », sur les conflits dans la première Internationale, m’a paru intéressant. C’est qu’il condense, sous une forme grossie, les principales caractéristiques de la manière qu’ont les publications marxistes traditionnelles de se rapporter à ce qu’on appelle souvent « le conflit entre Marx et Bakounine ». On notera d’ailleurs que dans le titre de ces deux articles, il n’est pas question de conflits au sein de l’Internationale, mais d’abord de « la première Internationale et la lutte contre le sectarisme » et de « la lutte de la première Internationale contre l’Alliance de Bakounine », c’est-à-dire de la lutte d’un organisme sain pour se débarrasser d’un corps étranger (plus loin, on verra qu’il est question d’une lutte d’autodéfense de l’AIT contre ses destructeurs). Comme je veux moi aussi que tous les prolétaires s’unissent, je me propose dans ce billet de regarder un peu dans le détail ce double concentré d’idéologie anti-anarchiste. Lire la suite de cette entrée »
Émile Zola et « Bakounine l’exterminateur »
Dans un précédent billet, j’avais signalé que Bakounine pouvait constituer l’une des sources du personnage de Souvarine dans Germinal de Zola, m’appuyant pour cela sur les propos que l’auteur prête à son personnage, et qui sont étonnamment semblables aux idées qu’un autre Émile, de Laveleye, attribue (à tort) à Bakounine dans son ouvrage de 1881 Le socialisme contemporain à propos d’un prétendu éloge par Bakounine d’une « sainte et salutaire ignorance ». Mais il m’est apparu depuis que j’avais été chercher l’aiguille dans la botte de foin sans y voir la poutre. Car de Bakounine, il est en fait question explicitement dans Germinal, mais aussi dans un autre texte d’Émile Zola, et dans les deux cas, on trouve le même qualificatif accolé au nom du révolutionnaire russe : « Bakounine, l’exterminateur ». Revenons donc sur ces deux occurrences. Lire la suite de cette entrée »
Entretien pour la revue Ballast
J’ai récemment répondu à une demande d’entretien pour la revue Ballast, qui est éditée dans un double format, papier et numérique. Le but était visiblement de présenter la personne de Bakounine et sa signification dans l’histoire de l’anarchisme – et notamment de tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues à son propos. J’espère y être parvenu…
Plutôt que de recopier ce que j’ai raconté à cette occasion, j’indique simplement le lien, ce qui vous permettra d’aller faire un tour sur le site de la revue – et de vous rendre compte que Bakounine s’y retrouve en bonne compagnie.
En répondant par mail aux questions qui m’étaient posées, je me suis toutefois interrogé sur les raisons qui poussent encore tant de gens à voir en Michel Onfray (partisan – entre autres ! – du capitalisme libertaire et récent promoteur d’un Patriot Act à la française) une référence importante sur l’histoire de l’anarchisme… Mais c’est évidemment une autre question.
Usual Suspect : la police brésilienne recherche Bakounine
Plusieurs sources concordantes (ici, ici, et aussi ici) indiquent que le dangereux activiste Michel Bakounine est recherché par la police brésilienne pour sa récente participation aux manifestations qui ont entouré le mondial de foot au Brésil. Bakounine fait en effet partie d’une liste de 18 militants anarchistes suspectés de violences lors des récentes émeutes dans ce pays. Une rumeur persistante indique cependant que l’individu en question se cacherait en Suisse, plus précisément à Berne, quelque part sous terre, depuis 138 ans…
L’avis de recherche ci-contre est un détournement qui circule actuellement sur les « réseaux sociaux » brésiliens.
À l’origine de ce fichage post-mortem, il y aurait l’interception par la police brésilienne d’une conversation téléphonique de Camila Jourdan, Professeure à l’Université de Rio, qui mentionnait le nom du révolutionnaire russe. Ne sachant pas de qui il s’agissait, les autorités brésiliennes en ont directement fait l’un de leurs suspects n°1. Visiblement, nous indiquent les mêmes sources, ce n’est pas la première fois que ladite police commet ce genre d’anachronisme, puisqu’au temps de la dictature militaire, de fins limiers du Département de l’ordre politique et social s’étaient échinés à retrouver la trace d’un certain Karl Marx, dont il était beaucoup question parmi les opposants.
Keep diggin’ !
Bakounine et le Souvarine de Germinal
Le hasard de mes recherches (s’il en est un) m’a fait rencontrer l’ouvrage d’Émile de Laveleye, Le socialisme contemporain, Paris, 1881 et m’a conduit à me demander si Bakounine n’avait pas encore servi de modèle à un personnage littéraire, en l’occurrence celui de Souvarine dans Germinal de Zola. L’image qui illustre ce billet est tirée de la version cinématographique proposée par Claude Berri en 1993, non que j’apprécie particulièrement ce film, mais parce que le rôle de Souvarine y est tenu par Laurent Terzieff, comédien que j’aimais beaucoup et qui est récemment décédé. On trouvera ici un passage assez représentatif de ce personnage caricatural d’anarchiste mis en scène par Berri. Quoi qu’il en soit, comment passe-t-on d’un ouvrage sur le socialisme contemporain à Zola en passant par Bakounine?
Aileen Kelly : une psychologue au chevet de Bakounine
Je ne reviendrai pas sur ma propension quasi pathologique, évoquée au début du billet précédent, à collectionner les livres, même les plus faibles, consacrés à Bakounine – ni sur la question de savoir si je les acquiers pour pouvoir en parler ici, ou si j’en parle ici pour me donner a posteriori une bonne raison de les avoir acquis.
Quoi qu’il en soit, j’ai acheté d’occasion sur Internet le livre d’Aileen Kelly, Mikhail Bakunin. A Study in the Psychology and Politics of Utopianism, New Haven & London, Yale University Press, 1982 (c’est en fait la seconde édition, celle de 1987, que j’ai trouvée, et l’expédition de ce livre depuis les États-Unis m’a coûté 5 fois plus cher que le prix du livre – qui était de 2$ – ce qui fait de surcroît de l’achat de cet objet une aberration écologique), et je l’ai acheté bien que j’aie été considérablement prévenu contre lui, notamment par la lecture de l’ouvrage de Paul McLaughlin, Mikhail Bakunin. The Philosophical Basis of His Anarchism, qui le descend littéralement en flammes. Il me semble toutefois, je vais y revenir, que ce n’est pas toujours pour de bonnes raisons, ou plus exactement que l’on peut accorder certaines thèses ponctuelles à cet ouvrage sans pour autant valider sa thèse d’ensemble. Je m’accorde en revanche avec P. McLaughlin pour considérer que cet ouvrage est un bon représentant d’une lecture libérale de Bakounine – de même, si l’on veut, que le livre de Duclos constitue un bon exemple de lecture stalinienne.
Bakounine à l’ombre de Jacques Duclos
Une recherche de plusieurs années sur un même auteur (ou sur quelque sujet que ce soit, sans doute) entraîne nécessairement chez celui ou celle qui s’y adonne, un certain nombre de dommages psychologiques collatéraux, qui vont de la monomanie à la perversion pure et simple. Par exemple, lorsqu’on travaille depuis plus de dix ans sur la pensée et l’action de Michel Bakounine, on se rend compte un beau jour que l’on s’est mis à collectionner tout ce qui se rapporte à ce personnage, depuis les enveloppes à son effigie jusqu’à des bustes fantaisistes, en passant par des livres douteux, voire fort mauvais. C’est une perversion de ce type qui m’a poussé à faire l’acquisition de l’ouvrage de Jacques Duclos intitulé, avec un sens de la nuance que l’on ne manquera pas de goûter, Bakounine et Marx. Ombre et lumière (Plon, 1974), titre que la couverture illustre d’une manière redondante pour les mal-comprenants.
Bakounine derrière Wikileaks?
Cela vous a sans doute échappé, mais Julian Assange, la personne qui est à l’origine des fuites de télégrammes diplomatiques qui ont tant perturbé les chancelleries ces derniers mois, ne serait rien d’autre que « Bakounine doté d’un MacBook », selon un article du magazine anglais Prospect. Si vous lisez l’anglais, vous vous rendrez vite compte que l’article est totalement inepte. Par-delà la monomanie dont ce blog est l’expression, pourquoi dès lors en parler? Peut-être parce que ce rapprochement nous fournit des enseignements (accablants) sur la manière dont un journaliste du début du XXIe siècle peut concevoir ce qu’est un anarchiste (et plus largement sur la manière dont bon nombre d’entre eux conçoivent leur métier).