Archive pour la catégorie ‘Références’
Le parapluie de Bakounine
A l’origine de ce billet, il y a la question posée par un aimable lecteur de ce blog dans un commentaire à un autre billet, et à l’origine de cette question, il y a le livre de Jorge Semprun, L’écriture ou la vie, Paris, Gallimard, 1994 (publié en Folio en 1996). Dans ce livre, un chapitre s’intitule « Le parapluie de Bakounine » et le lecteur en question voulait que je me renseigne sur le parapluie en question : « dans quel contexte, par qui et comment est-il cité, autre que Jorge Semprun dans L’écriture ou la vie ? ».
J’avais promis de me renseigner, ce que j’ai fait en commençant par lire le livre de Semprun et en suivant les pistes qu’il indique. A la vérité, je ne suis pas arrivé à répondre à la question posée par mon lecteur – sinon qu’à ma connaissance personne n’avait mentionné ce parapluie auparavant.
Pour les amateurs qui seraient tentés de poursuivre l’enquête, je m’en vais rappeler dans quel contexte, historique et narratif, il est fait mention de ce fameux parapluie chez Semprun. Lire la suite de cette entrée »
Bakounine et Dostoïevski
Bien que contemporains, Bakounine (1814-1876) et Dostoïevski (1821-1881) semblent s’opposer sur à peu près tout: l’un est avant tout un praticien de la révolution, l’autre un écrivain qui, avec le temps, est devenu de plus en plus inquiet devant les progrès du parti révolutionnaire en Russie. Par ailleurs, ils n’appartiennent pas aux mêmes périodes de la vie intellectuelle russe : Bakounine a été membre du cercle de Stankevitch, par lequel la philosophie allemande a pénétré en Russie, entre 1837 et 1840, alors que Dostoïevski a fait son entrée dans les salons littéraires de Moscou après la publication de son premier roman, Les pauvres gens (publié en 1846).
Trois éléments semblent toutefois devoir rapprocher les deux personnages. Tout d’abord, il a souvent été dit que Bakounine aurait inspiré à Dostoïevski le personnage de Stavroguine dans Les possédés (ou Les démons), roman écrit entre 1869 et 1871 et publié en 1872. En second lieu, entre 1857 et 1860, Bakounine et Dostoïevski ont tous deux été présents en Sibérie : sont-ils entrés en rapport, d’une manière ou d’une autre? Enfin on trouve dans la correspondance de Bakounine plusieurs mentions de Dostoïevski, et notamment un éloge des Souvenirs de la maison des morts. Ce sont ces trois éléments qui forment la matière du présent billet. Lire la suite de cette entrée »
Bakounine dans le Plan B
Dans le dernier numéro du Plan B, il est brièvement question de Bakounine, dans la rubrique p. 14 « L’histoire n’est pas finie ». Le problème, c’est que l’honorable organe de la Sardonie libre reproduit une erreur qu’on trouve un peu partout sur le Catéchisme révolutionnaire. Malheureusement, il semblerait que la boîte mail de la rédaction soit pleine jusqu’au gosier (il semblerait que la progression vertigineuse des ventes du Plan B ait conduit son équipe dans la débauche la plus effrénée, de sorte qu’ils ne consultent plus leur boîte mail). Du coup, je copie ici le petit mot que j’ai tenté de leur envoyer.
René Berthier
A l’occasion du débat organisé à Publico le 3 octobre, j’ai fait la connaissance de René Berthier, ce qui m’a permis de me rendre compte que j’étais passé à côté de ce qui s’était écrit de mieux en français sur Bakounine.
En effet, je ne connaissais de René Berthier que le livre Bakounine politique – Révolution et contre-révolution en Europe centrale, publié en 1990 aux Editions du Monde Libertaire, livre intéressant mais qui ne portait que sur un aspect très précis de l’activité de Bakounine à partir de la fin des années 1860. Or René Berthier m’a appris que cet ouvrage n’était en fait qu’une petite partie du travail qu’il avait mené sur l’oeuvre de Bakounine, travail qui est désormais intégralement disponible sur son site internet (que j’ajoute à la liste de liens). Lire la suite de cette entrée »
Bakounine, modèle de Roudine?
En 1855, alors que Bakounine, à l’occasion de la guerre de Crimée, vient d’être déplacé de la forteresse Pierre-et-Paul vers celle de Schlüsselburg, Ivan Tourgueniev, qui fut son ami de jeunesse, publie Dimitri Roudine. Ce roman raconte l’histoire de Dimitri Roudine, jeune intellectuel russe, pétri de philosophie allemande, exerçant sur son entourage une influence considérable, et cherchant à jouer un rôle politique, mais qui en vient à échouer par méconnaissance de la réalité de son propre pays et de la nature humaine. La mort de Roudine est le symbole même de cet échec, puisque Roudine meurt sur les barricades à Paris en 1848. Auparavant, Roudine aura séduit Natalia, fille d’une aristocrate retirée à la campagne, éveillant en elle des sentiments auxquels il est incapable de répondre. Quant à son engagement français, il ne sera pas le fruit d’une conviction passionnée, mais d’une résignation.
Bakounine est censé avoir inspiré ce personnage. Qu’en est-il exactement?
Camarade Vitamine!
En 1969, dans sa chanson Le chien, Léo Ferré s’écrie:
Et si vraiment Dieu existait?
Comme le disait Bakounine
Ce Camarade Vitamine
Il faudrait s’en débarrasser!
Cette chanson a elle-même une histoire assez complexe: Ferré l’a enregistrée une première fois en 1969 à New York avec des musiciens de deux excellents groupes de jazz rock, le Mahavishnu Orchestra (groupe de John McLaughlin) et Weather Report (le groupe de Joseph Zawinul). Cette version est restée inédite, et Ferré a de nouveau enregistré la chanson en 1971 avec le groupe de rock Zoo pour l’album La solitude.
Mais d’où vient le propos qui est prêté à Bakounine dans cette chanson? Lire la suite de cette entrée »
Bakounine dans « Il était une fois la révolution »
Un ouvrage de Bakounine apparaît dans Il était une fois la révolution de Sergio Leone (1971). À la suite d’une discussion animée avec son compère mexicain Juan Miranda (joué par Rod Steiger), le personnage du révolutionnaire irlandais Sean Mallory (James Coburn) laisse tomber par terre le livre qu’il était en train de lire: Bakunin, The Patriotism. On peut regarder cette scène sur youtube (elle se trouve environ 8mn après le début de la video qui, malheureusement, est en VF). Si vous avez le DVD dans la version uncut, cela se trouve 1h18 après le début du film.
Cette scène pose deux problèmes distincts. Un problème philologique d’abord: de quel ouvrage précisément s’agit-il, puisque Bakounine n’a jamais écrit un ouvrage qui s’appellerait Le patriotisme? Un problème d’exégèse ensuite: que signifie cette scène, pourquoi un patriote irlandais est-il en train de lire ce que Bakounine a écrit sur le patriotisme, et pourquoi jette-t-il l’ouvrage dans la boue au cours de la discussion?