« La liberté des peuples – Bakounine et les révolutions de 1848 »
Ce jeudi 4 juin paraît à l’Atelier de Création Libertaire La liberté des peuples – Bakounine et les révolutions de 1848. Ce volume contient d’une part une longue introduction précisant les enjeux théoriques et pratiques de l’engagement de Bakounine au cours des révolutions de 1848, d’autre part les principaux textes (pour la plupart inédits) dont il a entouré cet engagement.
On connaît Bakounine (1814-1876) comme l’un des « pères de l’anarchisme » et pour la bataille, théorique et pratique, qui l’opposa à Marx au sein de la 1ère Internationale. Mais tout cela est bien tardif : Bakounine ne peut vraiment être qualifié d’anarchiste qu’à partir du milieu des années 1860, il n’adhère à l’Internationale qu’en 1868, pour en être exclu avec ses amis en 1872.
Qui donc est Bakounine en 1848 ? D’abord un jeune intellectuel de la noblesse russe, l’un de ces hommes de trop que décrira Tourgueniev quelques années plus tard, ayant quitté son pays en 1840 pour se consacrer à sa passion pour la philosophie allemande. C’est ensuite un jeune philosophe en rupture de ban après son passage par la gauche hégélienne (1842-43) et qui s’est converti à la cause de la révolution sociale et démocratique. C’est enfin un rebelle sans cause, exilé à Paris et Bruxelles, et qui n’a pas encore trouvé de terrain où donner libre cours à ses rêves d’émancipation universelle. Ce terrain, il le trouve en 1848 dans une Europe en révolution.
Le titre choisi pour ce volume vise à prendre en compte les différentes dimensions dans lesquelles Bakounine a inscrit son action et sa pensée au cours de cette période. En France, où l’on oublie trop souvent que 1848 a constitué la première révolution européenne, celle-ci est souvent réduite aux formes qu’elle a prises dans notre pays : un soulèvement républicain et démocratique avec une forte composante sociale. Or dans le reste de l’Europe, la révolution a eu d’emblée une coloration démocratique, sociale, mais aussi nationale, avec les tentatives d’unification de l’Allemagne et de l’Italie et les soulèvements des « petites nationalités » d’Europe centrale et orientale. La spécificité de Bakounine est d’avoir précisément été partisan de la révolution dans toutes ces dimensions, jusqu’à en vivre les contradictions les plus douloureuses. Dans la biographie du révolutionnaire russe, cet engagement aura d’ailleurs une issue dramatique : arrêté à côté de Dresde au printemps 1849, condamné à mort par la Saxe et par l’Autriche puis livré à la Russie, il passe huit années dans diverses forteresses, avant d’être relégué en Sibérie, d’où il parviendra à s’échapper en 1861 pour rejoindre l’Europe.
C’est cet engagement que retrace l’introduction de l’ouvrage, en examinant ses motifs théoriques, les discours qui l’accompagnent et les confrontations auxquels il donne lieu. Est notamment abordé le premier conflit ouvert qui oppose Bakounine à Marx et à son entourage à propos de la question germano-slave, mais aussi la position politique de Bakounine sur la question de l’État, telle qu’elle ressort de textes pour la plupart inédits sur papier.
Cette introduction est accompagnée des textes suivants de Bakounine :
- Principes fondamentaux de la nouvelle politique slave : texte rédigé en français par Bakounine et les participants au congrès slave de Prague (juin 1848) dont il se sentait le plus proche (inédit).
- Appel aux peuples slaves par un patriote russe : première version (automne 1848) rédigée en français d’un texte célèbre qui paraîtra finalement sous une forme profondément modifiée dans la plupart des pays européens. On a joint à cette version ses esquisses les plus significatives (inédit).
- Appel aux Slaves par un patriote russe : version « officielle » du précédent texte, parue en allemand à la fin de l’année 1848, traduite ensuite dans la plupart des pays européens et attaquée par Engels.
- Situation de la Russie : texte rédigé à Dresde au début de l’année 1849 afin d’éclairer les Allemands sur la situation réelle de la Russie et sur les dangers que le régime impérial faisait peser sur les révolutions européennes (inédit).
- Ma défense : texte rédigé en allemand au début de l’année 1850 par Bakounine après son arrestation et destiné à l’avocat qui devait assurer sa défense. Il s’agit en fait d’une longue analyse de la situation des nationalités en Europe centrale et orientale (inédit).
Ces textes ont été établis, et traduits si nécessaires, par l’équipe de l’Institut International d’Histoire Sociale (IISG, Amsterdam), rassemblée initialement autour d’Arthur Lehning. A l’exception de quelques coquilles corrigées et d’une mise en conformité de l’orthographe, c’est dans cette version qu’ils sont présentés : celle du CD-Rom « Bakounine, Œuvres complètes » édité par l’IISG. Des notes, pour la plupart relatives au contexte historique auquel se réfère souvent Bakounine, ont été ajoutées pour en faciliter la compréhension.