Caggiano, 13 juin 1996
Déjà évoquée dans un précédent billet, la fameuse conclusion de l’article de 1842 La Réaction en Allemagne s’exporte aussi en Italie. Inscrite sur un mur du village de Caggiano en Campanie, elle a été prise en photo par Mimmo Pucciarelli le 13 juin 1996 et m’a été transmise aujourd’hui même. Merci!
Le Bakounine Blog a un an
Bon, je sais, on s’en fout un peu, et d’ailleurs, on s’en fout tellement qu’on avait laissé passer l’anniversaire…
Or donc, le 4 juin dernier, ce blog a eu un an et personne ne s’en est rendu compte. Il avait commencé par un article annonçant la parution à l’Atelier de Création Libertaire du livre La liberté des peuples – Bakounine et les révolutions de 1848, qui fut aussi l’occasion pour Jean-Marc de me proposer un hébergement pour un blog sur Bakounine, et une chose en entraînant une autre… Et ça tombe bien, j’ai plein de chiffres dont je ne savais pas trop quoi faire.
« Dans les griffes de l’ours! »
« Dans les griffes de l’ours! » est le 3ème recueil de textes de Bakounine publié par Étienne Lesourd aux éditions des Nuits rouges. Sous-titré « Lettres de prison et de déportation (1849-1861) », il possède par ailleurs une présentation qu’on peut lire sur Internet.
Cette parution est l’occasion d’évoquer l’ensemble des trois recueils que ce blog a scandaleusement passé sous silence jusqu’ici. Je signale d’ailleurs que nous avons réussi à ne pas nous croiser avec Étienne Lesourd, alors que nous travaillons sur le même auteur, et que nous avons même, pendant trois ans, travaillé dans la même bonne ville de Nancy. De sorte que ce billet est aussi un message envoyé à Étienne Lesourd à travers le cyberespace (comme on dit): ce serait pas mal qu’on se contacte et qu’on se voie, camarade bakouninien!
« La passion de la destruction est en même temps une passion créatrice! »
« La passion de la destruction est en même temps une passion créatrice » (Die Lust der Zerstörung ist zugleich eine schaffende Lust): c’est par ces mots que Bakounine conclut en 1842 son premier texte révolutionnaire, La Réaction en Allemagne – texte que l’on peut lire en allemand dans un scan du texte original, ou en français, soit dans la traduction de Jean Barrué, soit dans la mienne. A l’heure où l’on peut espérer que la population grecque (et d’autres peut-être après elle) fasse l’expérience pratique de ce que signifie cette déclaration, je souhaiterais dans ce billet en proposer un commentaire, en étudier la réception et m’attarder sur une référence en particulier qui y a été faite, chez les situationnistes.
Un portrait mystère
Ronald Creagh m’a récemment demandé si je connaissais l’origine du portrait qui illustre ce billet. On le trouve en effet sur wikipedia – où je puise moi-même la plupart des illustrations des billets de ce blog dans la mesure où les images qui s’y trouvent sont libres de droits (et qui plus est au format png, qui est un format libre).
Or c’est précisément de droits qu’il est ici question: on ne connaît pas la provenance de ce qui ressemble bien à une photo de Bakounine dans les années 1840. Au passage, un tel document est d’une grande valeur car toutes les autres photos connues de Bakounine sont des années 1860. Le problème, c’est qu’il n’est pas sûr que l’utilisateur qui l’a mis en ligne ait disposé des droits pour le faire. Et si la fondation wikipedia n’a pas percé le mystère de ce portrait dans ces prochains jours, celui-ci sera retiré le 21 mai 2010, soit après-demain…
D’où l’appel solennel que je lance aujourd’hui: quelqu’un connaît-il l’origine de cette photo (auteur, date, etc.)? Dans ce cas, merci de se mettre en contact avec Ronald Creagh (via le site recherches sur l’anarchisme) ou avec moi (par le biais de ce blog, en laissant un commentaire à ce billet).
J’avoue qu’il y a quelque malice dans ce billet: quand bien même la photo serait retirée de wikipedia, elle resterait néanmoins présente sur ce blog, et si quelqu’un y trouve à redire, il faudra bien qu’il nous renseigne sur l’origine de ce portrait…
Retour sur le Salon du livre libertaire
Quelques mots sur le Salon du Livre Libertaire qui s’est tenu le week-end dernier à Paris, à l’espace des Blancs Manteaux.
Tout d’abord, on ne saurait trop rappeler combien un événement de ce type est important pour les libertaires, et combien il démontre, contre une imagerie sommaire dans laquelle on a tenté de l’enfermer, que la culture libertaire est une culture du livre, de la brochure, de la compilation intempestive, et non une culture de la violence immédiate et incontrôlée. Ce rapport au livre et par le livre se traduit par l’existence de quantité de petites maisons d’édition qui proposent des textes devenus parfois introuvables, ou d’auteurs que l’on avait pas coutume de lire ensemble.
Salon du livre libertaire à Paris
Samedi 8 mai de 10h à 20h et dimanche 9 mai de 10h à 16h se tiendra à Paris le Salon du Livre Libertaire, à l’Espace d’animations des Blancs Manteaux. C’est 48, rue Vieille-du-Temple, Paris IVe, Métro lignes 1 ou 11 : station Hôtel de Ville. Le prix d’entrée est libre, et c’est l’occasion de rencontrer des auteurs et des éditeurs, de trouver des livres difficilement trouvables ailleurs, etc.
Pour ma part, j’y présenterai les deux livres sur Bakounine: Bakounine jeune hégélien – La philosophie et son dehors (ENS Éditions 2007) et La liberté des peuples – Bakounine et les révolutions de 1848 (ACL, 2009). Parallèlement, l’éditeur de ce dernier ouvrage, et hébergeur de ce blog, l’Atelier de Création Libertaire, tiendra un stand où vous pourrez me rencontrer si vous le souhaitez le samedi après-midi et le dimanche matin. Il est possible qu’au cours de cette période je propose aussi une discussion autour de Bakounine dans une salle spécialement vouée à ce genre de choses, dans le même Espace.
Pour finir: il existe un site Internet présentant le Salon du Livre Libertaire et sur lequel figure la liste complète des auteurs et éditeurs qui seront présents au cours du weekend.
La critique du Juste-milieu
Parmi les thèmes qui courent dans toute l’œuvre écrite de Michel Bakounine, la critique du Juste-milieu est sans doute l’un des plus intéressants en ce qu’elle exprime la radicalité de cette pensée. Exposée pour la première fois en 1842 dans l’article La Réaction en Allemagne, on la trouve encore, certes transformée, trente ans plus tard, dans les derniers écrits de Bakounine.
La notion même de Juste-milieu est héritée du contexte politique de la Monarchie de Juillet – d’où la gravure de Daumier qui illustre ce billet, et qui illustre le peu d’estime qu’inspirait à l’époque le centre de l’assemblée. Le Juste-milieu, c’est l’équivalent du Marais à l’époque révolutionnaire, c’est cette partie de l’Assemblée qui, au gré des vents (car selon une formule attribuée à Edgar Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent!), va s’allier avec la droite ou avec la gauche. Ou encore, comme l’écrit Bakounine en 1842, prétendant citer un journal français au moment de la révolution de Juillet: « le côté gauche dit: 2 fois 2 font 4, le côté droit dit: 2 fois 2 font 6, et le Juste-milieu dit: 2 fois 2 font 5 » (dans le volume Bakounine jeune hégélien, Lyon, ENS Editions, 2007, p. 121).
Nouveaux textes de Bakounine sur la toile
On trouve désormais sur wikisource les six volumes d’Œuvres qui avaient paru entre 1907 et 1913 chez Stock. Depuis, seuls les deux premiers volumes avaient été réédités par le même éditeur. C’est donc une avancée considérable dans la mise à disposition du public de ceux des écrits de Bakounine qui sont dans le domaine public.Seule petite erreur: il s’agit bien des Œuvres, et non des Œuvres complètes, comme l’indique à tort la page dont j’ai fourni le lien.
De fait, les six volumes qui viennent d’être mis en ligne sur wikisource étaient déjà disponibles sur le site archive.org. Toutefois, sur ce dernier, la recherche lexicale dans les textes devaient faire avec les aléas de la numérisation à la sauce google: numérisation rapide, qui permet de mettre en ligne d’une manière massive, mais s’accompagne de failles plus importante dans la reconnaissance de caractères que, par exemple, le portail gallica de la Bibliothèque Nationale de France, de sorte qu’au moins un mot sur dix est mal reconnu, ou n’est pas reconnu du tout.
Nicolas Stankevitch vu par Bakounine
Trente ans après la mort de Nicolas Stankevitch, dont j’ai évoqué la figure dans le précédent billet, Bakounine, dans une note de L’empire knouto-germanique et la révolution sociale (1870-71), lui rend hommage comme à son créateur. C’est à ce texte (qu’on trouve dans le volume VIII des Œuvres complètes chez Champ Libre, p. 275-277) que je souhaiterais consacrer le présent billet, car il regorge d’indications intéressantes.
C’est tout d’abord le contexte dans lequel apparaît le nom de Stankevitch qui me semble devoir être signalé. Il s’agit d’une note de plusieurs pages (comme ce manuscrit en comporte tant…), tissé de réminiscences hégéliennes, que Bakounine ajoute au corps de son texte pour rendre compte d’une thèse qu’il défend, selon laquelle « chaque chose n’est réelle qu’en tant qu’elle se manifeste, qu’elle agit ». C’est d’ailleurs sans doute la coloration hégélienne de cette thèse qui va conduire à la convocation de la figure de Stankevitch. Ce dernier, qui n’a laissé derrière lui aucune œuvre, pourrait alors apparaître comme un contre-exemple : voilà en effet un homme dont chacun s’accorde à reconnaître la richesse intérieure, mais qui n’est pas parvenu à exprimer cette dernière dans une œuvre. Une objection semble venir aussitôt, c’est qu’il y aurait des génies méconnus, qui n’auraient pas manifesté leur richesse intérieure alors que celle-ci est pourtant bien réelle. La réponse de Bakounine est la suivante :