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Lire en ligne « Bakounine jeune hégélien »
Je ne m’intéresse pas toujours assez au devenir de mes œuvres impérissables. C’est en effet un peu par hasard que j’ai appris que mon livre, qui commence d’ailleurs à dater, Bakounine jeune hégélien. La philosophie et son dehors (Lyon, ENS Éditions, 2007), qui contient l’essentiel de la contribution de Bakounine au courant jeune hégélien, ainsi qu’un long commentaire de ces textes, est désormais lisible en ligne, à cette adresse.
J’en profite pour signaler que l’essentiel du contenu de ce livre a été élaboré vers 2000-2001, et qu’aujourd’hui, je n’écrirais sans doute pas la même chose. D’abord parce que j’aurais davantage de choses à discuter, par exemple avec l’ouvrage de Paul McLaughlin déjà mentionné sur ce blog. Ensuite et surtout parce qu’après dix années de travaux sur le jeune hégélianisme, ma connaissance de ce courant est autrement plus documentée que ce qu’elle était à l’époque. Bref, il faudrait réécrire tout cela, et pour cela avoir le temps…
Bakounine, Moses Hess, Edgar Bauer : critiques du Juste-Milieu en 1842
Dans le cadre de récentes journées d’études tournant essentiellement autour des processus de radicalisation au sein du courant jeune hégélien, j’ai été amené à m’intéresser de plus près aux rapports qu’il serait possible d’établir entre l’article de Bakounine « La Réaction en Allemagne », publié les 14 et 21 octobre 1842 dans les Annales allemandes dirigées par Arnold Ruge, et une série d’articles publiée quelques mois plus tôt dans la Gazette Rhénane par Edgar Bauer sous le titre « Le Juste-Milieu » (entre le 5 juin et le 23 août 1842), ainsi qu’avec un article de Moses Hess, publié dans la même Gazette Rhénane le 11 septembre 1842 sous le titre « Les partis politiques en Allemagne ». Ces textes, très proches dans le temps, ont pour point commun de contenir une attaque contre ce que leurs auteurs appellent (en français dans le texte) le « Juste-Milieu ». Ce qui suit est une version, légèrement altérée, de la communication que j’ai prononcée à l’occasion de ces journées. Lire la suite de cette entrée »
« La passion de la destruction est en même temps une passion créatrice! »
« La passion de la destruction est en même temps une passion créatrice » (Die Lust der Zerstörung ist zugleich eine schaffende Lust): c’est par ces mots que Bakounine conclut en 1842 son premier texte révolutionnaire, La Réaction en Allemagne – texte que l’on peut lire en allemand dans un scan du texte original, ou en français, soit dans la traduction de Jean Barrué, soit dans la mienne. A l’heure où l’on peut espérer que la population grecque (et d’autres peut-être après elle) fasse l’expérience pratique de ce que signifie cette déclaration, je souhaiterais dans ce billet en proposer un commentaire, en étudier la réception et m’attarder sur une référence en particulier qui y a été faite, chez les situationnistes.
Bakounine dans les Annales allemandes
En 1841, à Leipzig, Bakounine fait la connaissance d’Arnold Ruge. Bakounine, alors âgé de 27 ans, est en Allemagne depuis 1840, date à laquelle il est venu à Berlin pour y parfaire sa culture philosophique. Il prend des cours auprès d’un hégélien de droite, Karl Werder, et, aux côtés d’Engels et de Kierkegaard notamment, commence à suivre les cours de Schelling, qui vient d’être rappelé à Berlin pour y contrer l’influence hégélienne.
Quant à Arnold Ruge, il est depuis plusieurs années installé dans le paysage intellectuel allemand. Il est notamment l’éditeur d’un journal, les Deutsche Jahrbücher für Wissenschaft und Kunst (Annales allemandes pour la science et l’art), qui ont pris la suite des Hallische Jahrbücher (Annales de Halle) interdites par la censure. Les Annales allemandes sont la principale tribune du courant jeune hégélien: dedans, y ont écrit ou y écriront les frères Edgar et Bruno Bauer, Marx, Feuerbach, Ruge lui-même, qui fait cependant davantage figure de publiciste que de théoricien.