Un après-midi rue Amelot
Dans le cadre de la tournée de propagande pour le livre La liberté des peuples – Bakounine et les révolutions de 1848 publié aux éditions de l’ACL, une rencontre était organisée à la librairie Publico, rue Amelot à Paris, ce samedi 3 octobre après-midi, faisant suite à l’émission du matin sur Radio Libertaire.
Une vingtaine de personnes était présente, ce qui suffisait à bonder la petite arrière-salle de la librairie. Ce fut l’occasion pour moi de faire quelques rencontres et de voir un peu la manière dont des textes de Bakounine, dont on pourrait croire qu’ils n’ont guère qu’un intérêt historique et documentaire, peuvent encore résonner avec l’actualité politique et militante…
Au chapitre « rencontres », j’aurai l’occasion d’y revenir très prochainement sur ce blog, ce débat à Publico m’aura surtout permis de faire la connaissance de René Berthier, militant anarcho-syndicaliste et grand spécialiste de la pensée de Bakounine avec lequel il a entretenu et continue à entretenir un rapport vivant, à la fois par ses écrits et par sa pratique militante. René Berthier est notamment l’auteur d’un Bakounine politique – Révolution et contre-révolution en Europe centrale, publié en 1990 aux Editions du Monde Libertaire. Un billet sur ce blog lui sera bientôt consacré!
L’autre élément à retenir de cette rencontre, c’est la manière dont les textes de Bakounine qui tournent autour des révolutions de 1848 font écho à des préoccupations très actuelles pour un certain nombre de militants libertaires. Lorsque Bakounine a rédigé ces textes, il était simplement un révolutionnaire en quête d’une cause et qui croyait trouver ches les nationalités opprimées d’Europe centrale un ferment révolutionnaire, susceptible d’abattre quelques grands empires « mangeurs de peuples ». L’un des intérêts de ces textes, c’est qu’ils nous donnent à voir, au ras de la pratique révolutionnaire, si l’on ose dire, les obstacles auxquels se heurte un engagement sur une base strictement nationaliste, quand bien même il s’agit d’oeuvrer à l’émancipation de nations opprimées. Manifestement, cette thématique trouvait un écho dans les débats qui entourent aujourd’hui la question du soutien (ou pas) à certains régimes d’Amérique latine – Chavez au Vénézuela, Castro à Cuba, Zelaya (jusqu’au récent coup d’Etat) au Honduras. Dans cette optique, l’intérêt des textes de Bakounine est de nous montrer que le tournant libertaire du révolutionnaire russe au milieu des années 1860 est aussi la reconnaissance de ce que le potentiel révolutionnaire de la question nationale est épuisé. Une lutte de libération nationale remplacera au mieux l’oppression étrangère par une oppression « indigène ». Elle est une étape nécessaire pour que les opprimés cessent de se penser en termes exclusivement nationaux et cessent d’être solidaires de ceux de leurs oppresseurs qui sont aussi des compatriotes, mais les militants révolutionnaires qui ne veulent pas s’y perdre doivent conserver cette limite à l’esprit. Mais Bakounine n’était pas homme à donner des leçons sur quelque chose dont il n’aurait pas fait l’expérience: c’est nourri par ses propres échecs qu’il en est venu, à 50 ans passés, au socialisme libertaire et qu’il a renoncé à son engagement slave.
En résumé, une telle rencontre nous apprend que des textes vieux de plus de 150 ans ont encore beaucoup à nous dire, et peuvent nous épargner d’avoir à répéter les pénibles expériences de nos glorieux aînés…