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L’imaginaire des libertaires aujourd’hui
Réfraction n° 5

Dans ce deuxième ouvrage, M. Pucciarelli poursuit sa fréquentation assidue de l’univers libertaire en affinant sa double compétence de militant devenu chercheur, lorsque l’action n’entend pas se séparer de sa propre compréhension. Aussi défend-il une sociologie libertaire, bien utile pour arpenter le monde pluriel de cette « poésie de la politique » qu’est à ses yeux l’anarchisme, ici envisagé dans ses tournures sociales contemporaines.

Ce chercheur s’est lancé dans une aventure engageant toute sa personne et sollicitant ensemble des rôles que les conventions académiques d’ordinaire dissocient : la posture de l’acteur libertaire, engagé, et celle de l’observateur scientifique, dégagé. Exercice de schizophrénie épistémologique, au final parfaitement contrôlé ; alchimie exploratoire ﷓sûrement transformatrice ﷓ née de la combinaison d’un regard clinique et d’une pensée critique. Son but : montrer que « l’anarchisme n’est pas une doctrine ou une philosophie politique liée à la pensée exclusive de tel ou tel maître à penser, mais la résultante de divers courants d’opinions ou plutôt d’un ensemble de personnes qui par leurs capacités organisatrices, leurs savoirs, leurs théories ou pratiques sociales ont toujours exprimé un pluralisme de tendances ».
On ne trouvera pas de discussions sur de grands axes doctrinaux, mais un cheminement vers une quotidienneté, une vie au jour le jour sur le terrain : ateliers, internet, bistrots, appartements, etc., autant de lieux implicites où la militance se disperse et se concentre en divers propos, journaux, brochures, tracts, affiches, slogans, livres, etc. ; mais aussi à partir de lignes de vie toujours singulières et cependant tributaires d’une mouvance collective. On l’aura compris, ces femme et ces hommes qui prennent la parole au fil des pages rompent avec les figures traditionnelles du héros perdu de la révolution, saisi dans la dualité caractéristique du « saint et du martyr ».Voici ouvertes les portes de l’humanité vivantes et invisibles de l’anarchisme, ceux dont « on ne trouve pratiquement pas d’analyses rigoureuses » mais qui se retrouvent dans divers débats (écologie, féminisme, antimilitarisme, antispécisme, etc.), nourris des foisonnements de la contre-culture et/ou de la culture du contre. Tous héritiers, souvent métissés, du XIXe siècle et de 68, des théories de la révolte organisée et des poètes vagabonds de la génération beat. Car, nous dit M. Pucciarelli, on voit passer des rêves de nouveaux mondes non seulement de la Croix-Rousse à Barcelone, mais également de l’Europe à l’Amérique, et plus loin encore dans cette géographie culturelle extensive que l’on observe actuellement.
U auteur constate ainsi un renouveau post﷓ soixante-huitard – plus ou moins diffus et, de ce fait, souvent inaperçu par les analystes – d’un anarchisme qui file son chemin jusqu’aujourd’hui, où il ne trouve plus ses raisons d’être dans l’idée d’une révolution sociale insurrectionnelle mais dans des micro-actions quotidiennes, plus implicites, efficaces autrement, soutenues par les idées-forces d’un imaginaire qu’il reste à libérer de ses archaïsmes. C’est à ce prix, nous dit l’auteur, qu’il gagnera sa liberté, augmentera sa puissance de transformation. Rien, pourtant, ne semble acquis. De sorte que cette réflexion affectueuse s’achève sur des interrogations plutôt que sur des certitudes, à l’image d’une époque revenue de beaucoup et confrontée à l’énigme de son avenir.

Rodolphe Christin