Ronald et l’Italie en Égypte

Le 8 septembre 2023, nous avons perdu Ronald Creagh, Professeur de civilisation américaine à l’université Paul-Valéry Montpellier 3 jusqu’en 1997. Né le 16 juin 1929 en Égypte, à Alexandrie, il a grandi à Port-Saïd. Il est décédé à Montpellier le 8 septembre 2023.
Ronald Creagh était angliciste, mais sa vision libertaire l’a rapproché des disciplines des sciences de l’homme et de la société et en particulier de la géographie. C’est l’œuvre et la personnalité d’Élisée Reclus, géographe et anarchiste, qui l’ont attiré vers cette discipline. Au sein de l’université Paul-Valéry, Ronald a été l’un des co-organisateurs de la grande manifestation scientifique en 2005, lors du centenaire de la mort de Reclus : un colloque international, une pièce de théâtre et une exposition de livres, cartes et manuscrits s’étaient alors tenus à notre université et à Pézenas, sous l’égide de l’équipe de recherche Gestion des Espaces, des Sociétés et des Risques. Le colloque a donné lieu à des actes, publiés par Ronald en tant que co-éditeur : Bord, Cattedra, Creagh, Miossec et Roques (dir.), Elisée Reclus – Paul Vidal de la Blache. Le géographe, la cité et le monde, hier et aujourd’hui. Autour de 1905, L’Harmattan, 2009. Ronald Creagh y a été l’artisan de la première partie, « Reclus anarchiste », rassemblant de nombreux spécialistes, et son intervention, « Pour une géographie des libertés » (p. 55-66), solidement argumentée, est une invite à une vision radicale, au service de la société, face aux dérives de notre époque.
Comme Élisée Reclus, Ronald Creagh était un libertaire, un anarchiste, un rebelle. Leur grand combat fut celui de l’émancipation de l’individu en lui donnant les moyens de sa liberté. Tous deux furent des combattants de la liberté, adeptes de la prise de conscience des déséquilibres du monde et de ses injustices. Personnalité attachante, Ronald était, pour ceux qui l’ont côtoyé à l’université Paul-Valéry, un universitaire combattant, un citoyen du monde.
Parmi les nombreux projets qu’il évoquait encore à la veille de partir figurait la réédition des actes du premier colloque international sur les Français des États-Unis, qui s’était tenu dans notre université : Les Français des États-Unis : d’hier à aujourd’hui, Montpellier: Université Paul-Valéry/Éditions Espaces 34, volume à présent épuisé.
C’est aussi la veille de son décès qu’il a donné la dernière main à un texte sur Joseph Déjacque : un ouvrier en 1848, où il évoque notamment le séjour de ce Français aux États-Unis.
Parmi ses nombreuses publications, citons l’ouvrage publié aux éditions Agone de Marseille en 2009, Utopies américaines : expériences libertaires du XIXe siècle à nos jours, ainsi que son étude sur l’affaire Sacco et Vanzetti, dont la seconde édition date de 2014. En 2018, dans la collection des classiques Garnier, en collaboration avec Christophe Deschler, il a édité les lettres jusqu’alors inédites, d’Élisée Reclus à sa femme Clarisse (1859-1869). Ronald était aussi membre du collectif de rédaction de la revue Réfractions et a longtemps administré le site Recherches sur l’anarchisme (RA Forum ). Il était par ailleurs très actif au sein du centre culturel Ascaso-Durruti de Montpellier.
Ronald Creagh a eu une enfance méditerranéenne, qu’il évoque dans un texte intitulé « Teresa », du nom de sa grand-mère originaire de Sicile, émigrée en Égypte sans doute au moment de la construction du canal de Suez, paru dans le recueil Sur Brassens et autres « enfants » d’Italiens (PULM 2017, sous la direction d’Isabelle Felici) et dans un entretien que les éditions de l’Atelier de création libertaire viennent de rendre accessible en libre téléchargement, « Ni dieux ni paramètres », C’est ainsi qu’il pouvait se vanter de s’être souvent rendu d’Afrique en Asie à la nage. En plus de son humour, il avait la capacité de rendre meilleures les personnes qu’il côtoyait. S’il fallait ne garder qu’un trait de sa personnalité, ce serait la façon dont il savait cultiver l’art de la gentillesse.
Ronald est inhumé au cimetière de l’Égalité à Millau.

Ce texte a été diffusé au sein de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 et aux amis de par le monde. Merci à ceux qui l’ont traduit en différentes langues.

Leave a Reply

L’histoire de l’anarchisme italien est liée, par bien des aspects, à l’histoire de l’émigration italienne. Malatesta lui-même a passé une bonne partie de son existence hors d’Italie, en Amérique du Sud et à Londres (mais aussi en Égypte et ailleurs), avant son retour rocambolesque en Italie en 1919, et il était en contact avec des militants répartis aux quatre coins du monde. Le fil conducteur choisi pour ce blog offre donc un vaste champ d’investigation. Ce sera la seule contrainte que nous nous imposerons : nos « conversations » auront toutes pour point de départ les vicissitudes des anarchistes italiens dans le monde et aborderont, au fil de l’actualité, de l’humeur, peut-être aussi des réactions et des demandes des lecteurs, des sujets variés, que nous illustrerons si possible de photographies, documents d’archives, correspondances, textes traduits de l’italien…

Catégories
Archives